Cour de justice de l’Union européenne, le 21 mars 2019, n°C-350/17

La quatrième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 mars 2019, une décision portant sur l’application temporelle des règles d’attribution. Cet arrêt précise l’étendue de la période transitoire prévue par le règlement numéro 1370/2007 pour les services de transport de voyageurs par route.

    Une autorité locale a lancé, par un avis publié le 5 octobre 2013, une procédure d’adjudication pour un contrat de concession de transport par autobus. Le marché portait sur une durée de neuf ans et concernait l’exploitation annuelle de quatre-vingt-dix millions de kilomètres de transport local sur le territoire concerné.

    À la suite de l’adjudication définitive prononcée le 2 mars 2016, une entreprise évincée a contesté la légalité de la participation de la société attributaire. Le tribunal administratif régional de Toscane a annulé la décision d’adjudication le 28 octobre 2016 en raison d’irrégularités affectant les offres des deux candidats. Le Conseil d’État d’Italie, saisi en appel par les décisions du 6 avril 2017, s’est interrogé sur la compatibilité de la procédure avec les règles européennes. L’appelant soutenait que l’attributaire devait être exclu car il était contrôlé par un établissement public bénéficiant lui-même d’une attribution directe de services de transport.

    La juridiction de renvoi a donc demandé si les dispositions limitant les activités de ces opérateurs s’appliquaient aux contrats attribués avant l’expiration du régime transitoire. La Cour de justice a répondu que « l’article 5 de ce règlement n’est pas applicable à une procédure d’attribution qui s’est déroulée avant le 3 décembre 2019 ». L’analyse du report de l’application des règles d’attribution précédera l’examen du maintien des exigences relatives à la durée limitée des contrats de service public.

I. Le report de l’obligation de conformité aux règles d’attribution du règlement

A. L’existence d’une période transitoire explicite pour les transports routiers

    Le règlement prévoit une entrée en vigueur au 3 décembre 2009 tout en instaurant un régime dérogatoire pour permettre aux acteurs de s’adapter aux nouvelles contraintes. La Cour souligne que « l’attribution de contrats de services publics de transport par route est conforme à l’article 5 à partir du 3 décembre 2019 ». Cette disposition établit ainsi une période transitoire de dix ans durant laquelle les autorités ne sont pas encore tenues de respecter les formalités d’attribution. La décision de conclure un contrat avec une société peut donc intervenir valablement sans que les critères d’exclusion du règlement ne soient déjà opposables aux candidats.

B. La faculté d’adaptation reconnue aux autorités compétentes nationales

    Le législateur de l’Union a souhaité accorder une certaine latitude aux États membres pour mettre en œuvre progressivement les nouvelles exigences du droit européen de la concurrence. La Cour rappelle que si un État peut appliquer ces règles de manière anticipée, une telle décision relève d’une volonté nationale qui n’était pas établie ici. En l’absence d’une telle mesure de conformité progressive, l’autorité pouvait légitimement clore sa procédure sans se soumettre aux interdictions spécifiques prévues pour les opérateurs internes. Cette souplesse temporelle vise à prévenir des déséquilibres structurels majeurs tout en assurant une transition fluide vers le nouveau cadre juridique régissant les services publics.

II. Le maintien encadré des exigences de fond durant la phase de transition

A. L’applicabilité immédiate des dispositions relatives à la durée des contrats

    Si les règles de procédure sont suspendues, le régime transitoire « n’écarte pas, par conséquent, l’applicabilité de l’article 4 » concernant le contenu obligatoire des contrats de service. La durée d’un contrat de transport par autobus ne saurait ainsi excéder dix ans, sous réserve des hypothèses d’allongement liées à l’amortissement d’investissements exceptionnels. Le juge vérifie que la convention litigieuse respecte cette limite temporelle car l’article 8 ne permet pas de déroger aux principes fondamentaux de limitation des droits. L’encadrement de la durée demeure essentiel pour garantir une remise en concurrence périodique et éviter la cristallisation des positions dominantes sur le marché des transports.

B. Une solution garantissant la sécurité juridique des procédures en cours

    Cette interprétation stricte de la période transitoire assure la stabilité des contrats conclus avant l’échéance de 2019 et préserve la validité des appels d’offres déjà lancés. La Cour écarte l’idée d’une application immédiate de certaines parties de l’article 5 qui aurait pu bouleverser l’économie générale des procédures de mise en concurrence nationales. La solution retenue privilégie une transition ordonnée vers l’ouverture du marché en évitant de graves problèmes structurels liés aux capacités de transport sur le territoire européen. La protection de la confiance légitime des opérateurs économiques justifie le maintien temporaire des anciennes pratiques d’attribution jusqu’au terme fixé par le législateur de l’Union.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture