Par un arrêt rendu le 21 mars 2019, la troisième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime juridique applicable aux services de secours.
Une municipalité allemande a décidé de renouveler un marché de services d’urgence pour une durée de cinq ans en sollicitant uniquement quatre associations reconnues d’utilité publique.
Saisie par une entreprise privée écartée, le Tribunal régional supérieur de Düsseldorf interroge la Cour sur l’interprétation de l’exclusion des règles classiques de passation des marchés publics.
Le litige porte sur la qualification de « prévention des risques » appliquée aux secours quotidiens et sur la définition autonome des organisations ne poursuivant aucun but lucratif.
La Cour affirme que l’exception de concurrence s’applique aux secours d’urgence mais exige que les organismes prestataires respectent des critères de gestion désintéressée définis par le droit européen.
L’étude porte d’abord sur l’extension de l’exemption aux interventions quotidiennes avant d’analyser les exigences strictes relatives au statut des associations habilitées à assurer ces missions de service public.
I. Une conception extensive des services de secours exclus de la mise en concurrence
A. L’inclusion des interventions quotidiennes dans la notion de prévention des risques
La Cour de justice refuse de limiter l’exception de passation des marchés aux seules catastrophes majeures pour inclure les interventions de secours quotidiennes auprès des personnes.
Selon les juges européens, « la prévention des risques concerne tant les risques collectifs que les risques individuels » et s’applique aux secours assurés par des secouristes qualifiés.
Restreindre cette notion aux situations exceptionnelles viderait le texte de son sens car les codes de référence visent expressément des prestations de nature courante et individuelle.
La juridiction souligne que « l’essentiel de l’activité des associations d’utilité publique » consiste précisément en ces services d’urgence réalisés lors de la survenance de risques quotidiens et habituels.
Si la protection des individus justifie l’absence de publicité pour les secours immédiats, le régime du transport médicalisé simple demeure soumis à des conditions de gravité spécifiques.
B. La subordination de l’exclusion du transport qualifié à l’existence d’une urgence médicale
Le transport en ambulance qualifié n’échappe aux procédures de mise en concurrence que s’il est assuré par un personnel formé et répond à un risque de dégradation.
Pour la Cour, ce service est exclu « pour autant qu’il est effectivement assuré par un personnel dûment formé aux premiers secours » intervenant auprès d’un patient en danger.
L’urgence doit s’apprécier objectivement afin de distinguer la simple prestation de transport logistique de l’acte de soin nécessitant une surveillance médicale constante durant le trajet vers l’hôpital.
L’exception ne saurait aller au-delà du « strictement nécessaire » pour préserver la nature particulière des organisations volontaires sans perturber inutilement le marché concurrentiel du transport sanitaire classique.
Cette délimitation matérielle des services d’urgence doit être complétée par une vérification rigoureuse du statut juridique de l’organisme bénéficiant de cette dispense exceptionnelle de publicité européenne.
II. Une définition autonome et stricte du caractère non lucratif des organismes prestataires
A. L’insuffisance de la seule reconnaissance nationale du statut d’utilité publique
Les juges considèrent que la simple étiquette législative nationale ne suffit pas à garantir le caractère non lucratif exigé par la directive pour écarter la mise en concurrence.
La décision relève que « l’attribution par le droit allemand du statut d’organisation de protection et de défense civiles ne saurait garantir avec certitude » l’absence de finalité commerciale.
Le droit de l’Union européenne impose une interprétation autonome des termes qui ne comportent aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer leur propre portée.
Il appartient dès lors aux autorités nationales de vérifier concrètement si les structures bénéficiaires respectent les obligations de désintéressement financier prévues par les textes européens en vigueur.
L’appréciation souveraine du juge national doit s’appuyer sur des critères matériels précis qui définissent la gestion désintéressée indépendamment des appellations administratives locales parfois trop larges ou imprécises.
B. La consécration européenne de critères matériels d’absence de finalité commerciale
La Cour définit positivement les organisations sans but lucratif comme celles ayant pour objectif d’assumer des missions sociales sans rechercher aucun profit financier au bénéfice d’actionnaires.
Ces structures se caractérisent par le fait qu’elles « réinvestissent d’éventuels bénéfices en vue d’atteindre l’objectif de l’organisation ou de l’association » sans distribuer de dividendes à leurs membres.
L’absence de finalité commerciale constitue le pilier central de ce régime d’exception qui vise à préserver le modèle social du secourisme volontaire contre les impératifs du marché.
La juridiction précise que ces conditions ne se confondent pas avec les régimes assouplis réservés aux coopératives ou aux organisations reposant sur la participation active des travailleurs concernés.
En encadrant strictement ces critères, la Cour assure un équilibre entre la reconnaissance des missions d’intérêt général et le respect des principes fondamentaux de la commande publique.