Cour de justice de l’Union européenne, le 21 novembre 2019, n°C-198/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 novembre 2019, une décision interprétant le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité.

Une société établie en Suède et une entreprise polonaise concluent en 2010 un contrat de livraison de marchandises soumis à la législation suédoise.

La société polonaise fait l’objet d’une procédure collective en Pologne en janvier 2011, entraînant la désignation d’un syndic pour gérer ses intérêts.

Le syndic saisit le tribunal de première instance de Malmö d’une demande de paiement pour des marchandises livrées avant l’ouverture de la faillite.

Le défendeur invoque une compensation avec une créance de dommages-intérêts née de l’inexécution partielle du contrat de livraison par son partenaire polonais.

Le tribunal de première instance de Malmö applique la loi polonaise, position confirmée par la cour d’appel de Malmö avant le pourvoi suprême.

La Cour suprême de Suède interroge alors la Cour de justice sur l’application de l’article 4 du règlement à cette action en paiement contractuelle.

La Cour répond que l’article 4 « n’est pas applicable à une action formée par le syndic […] visant au paiement de marchandises livrées ».

Le raisonnement repose sur l’exclusion des actions contractuelles de la loi de l’insolvabilité (I), garantissant ainsi la cohérence du régime européen de coordination (II).

I. L’exclusion des actions contractuelles de la loi de l’insolvabilité

A. Le critère du fondement juridique de l’action

Seules les actions dérivant directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement relèvent de la loi de l’État membre d’ouverture de la faillite.

La Cour privilégie le fondement juridique de la demande plutôt que le contexte procédural pour déterminer le régime applicable à l’obligation contractuelle litigieuse.

L’action en paiement trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial, et non dans les règles dérogatoires des procédures collectives.

Le droit de réclamer l’exécution d’un contrat de vente préexiste à la faillite et demeure régi par la loi initialement choisie par les parties.

B. L’absence de lien direct avec la procédure collective

Le seul fait qu’un syndic engage la procédure ne suffit pas à transformer une action contractuelle ordinaire en une action spécifique à l’insolvabilité.

La Cour souligne qu’une telle demande peut être exercée en dehors de tout cadre collectif, ce qui exclut toute conséquence directe et indissociable.

L’action « ne relève pas de la compétence exclusive du syndic » puisque le créancier lui-même aurait pu l’introduire avant le dessaisissement de ses biens.

Cette autonomie de l’action contractuelle justifie son maintien sous l’empire de la loi du contrat, préservant ainsi la prévisibilité pour le partenaire économique.

II. La préservation de la cohérence du régime européen des insolvabilités

A. Le maintien de la corrélation entre compétence et loi applicable

Le règlement européen cherche à établir une correspondance étroite entre les règles de compétence internationale et la détermination de la loi applicable au litige.

L’article 4 suit normalement la compétence déterminée par l’article 3, mais cette règle ne s’étend pas aux actions fondées sur le droit commun.

Une interprétation extensive de la loi de l’insolvabilité risquerait de soumettre des relations commerciales classiques à des régimes juridiques imprévisibles pour les parties.

La solution retenue par la Cour évite une extension injustifiée de la compétence du juge de la faillite aux litiges purement civils et commerciaux.

B. Une solution protectrice de la sécurité des relations contractuelles

La portée de cet arrêt réside dans la protection des attentes légitimes des cocontractants ayant choisi une loi applicable à leurs relations initiales.

L’exclusion de l’article 4 garantit que la compensation invoquée par le défendeur reste régie par la loi du contrat et non par la loi étrangère.

Cette jurisprudence renforce la sécurité juridique au sein du marché intérieur en limitant l’influence perturbatrice de l’insolvabilité sur les contrats en cours.

La Cour confirme ainsi que les procédures collectives ne doivent pas altérer indûment les droits acquis par les tiers avant l’ouverture du procès.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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