Cour de justice de l’Union européenne, le 21 octobre 2021, n°C-373/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 octobre 2021, une décision relative à l’interprétation des exonérations de taxe sur la valeur ajoutée. Le litige concernait l’assujettissement des cours de natation dispensés par une société civile au profit d’enfants souhaitant acquérir des compétences aquatiques élémentaires. L’administration fiscale avait rejeté la demande d’exonération formulée par l’exploitant, estimant que cette activité ne relevait pas de l’enseignement scolaire ou universitaire. Saisi du litige, le tribunal des finances a d’abord fait droit au recours en soulignant l’intérêt général de l’apprentissage de la natation. La cour fédérale des finances a ensuite formé un pourvoi avant de solliciter l’interprétation de la juridiction européenne par voie de question préjudicielle. Le juge devait déterminer si l’enseignement de la natation entre dans le champ d’application de l’article 132 de la directive relative au système commun de TVA. La Cour a répondu par la négative, jugeant que cette prestation spécialisée ne correspond pas au système intégré de transmission de connaissances visé par le texte. L’analyse portera sur la définition restrictive de l’enseignement scolaire avant d’envisager les conséquences de ce refus d’extension fiscale.

I. La définition restrictive de l’enseignement scolaire ou universitaire

A. Le critère de la transmission d’un système intégré de connaissances

La Cour rappelle que les exonérations constituent des notions autonomes du droit de l’Union devant être interprétées de manière particulièrement stricte. Elle précise que la notion d’enseignement scolaire ou universitaire « renvoie, en général, à un système intégré de transmission de connaissances et de compétences ». Cette définition exige que l’enseignement porte sur un « ensemble large et diversifié de matières » enseignées au sein d’un système structuré de formation. L’objectif est de favoriser des activités d’intérêt général tout en évitant des divergences d’application entre les différents États membres de l’Union. Les juges soulignent que la transmission de compétences entre un enseignant et ses élèves demeure un élément fondamental de l’activité éducative protégée par la directive. Cette approche fonctionnelle permet de distinguer les formations purement académiques des simples activités de loisirs ou de divertissement pratiquées en dehors des structures scolaires habituelles.

B. L’exclusion des prestations d’enseignement spécialisées et ponctuelles

L’enseignement de la natation est qualifié par les juges de prestation spécialisée fournie de manière ponctuelle par l’organisme prestataire au public intéressé. La décision souligne que cette activité « n’équivaut pas, à elle seule, à la transmission de connaissances » caractérisant normalement le cursus scolaire traditionnel. Cette approche confirme que le cadre de l’exercice de l’activité est aussi déterminant que la nature propre des connaissances transmises par l’enseignant. Le juge européen refuse ainsi d’assimiler une discipline sportive unique à un programme éducatif global capable de développer les aptitudes générales des élèves. Bien que la natation soit une compétence fondamentale, son apprentissage isolé ne permet pas de satisfaire aux exigences cumulatives posées par la jurisprudence européenne. L’activité de l’école de natation demeure donc soumise au régime de droit commun de la taxe sur la valeur ajoutée sans dérogation possible.

II. L’appréciation critique du refus d’exonération fiscale

A. L’insuffisance de la finalité d’intérêt général pour l’application de la dérogation

La juridiction de renvoi insistait pourtant sur l’existence d’un intérêt général caractérisé attaché à la maîtrise d’une compétence de base pour la sécurité physique. La Cour admet volontiers l’importance de savoir nager pour faire face à des situations de détresse mais rejette cet argument comme critère d’exonération. Elle considère que la finalité sociale de l’activité ne saurait suffire à intégrer un enseignement technique spécialisé dans le champ des dérogations fiscales. L’interprétation souveraine du droit européen privilégie ici la structure du système éducatif sur la valeur intrinsèque ou morale de la compétence technique enseignée. Cette rigueur juridique évite de transformer l’intérêt général en une notion trop large qui viderait le principe de l’imposition de toute sa substance. L’administration peut donc continuer de percevoir la taxe sur ces prestations malgré l’utilité évidente de la formation pour la prévention des accidents aquatiques.

B. La confirmation d’une lecture stricte du droit de l’Union européenne

Cette solution s’inscrit dans la continuité des décisions refusant le bénéfice de l’exonération aux écoles de conduite automobile ou aux écoles de voile indépendantes. La Cour préserve une cohérence jurisprudentielle nécessaire en limitant les privilèges fiscaux aux seuls organismes participant directement à la formation académique ou professionnelle classique. En fermant la porte à une extension de l’article 132, les juges protègent le principe de neutralité fiscale contre des interprétations extensives et incertaines. Le droit positif demeure donc ferme sur la distinction entre l’éducation globale et les apprentissages spécifiques régis par le droit commun des affaires. L’arrêt confirme que les dérogations fiscales doivent rester l’exception dans un système fiscal harmonisé garantissant une concurrence saine entre les opérateurs économiques. Les États membres conservent ainsi une marge de manœuvre limitée pour définir le cadre des activités éducatives exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée.

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Hassan KOHEN
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