La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2022, précise les modalités de détermination de la valeur en douane. Le litige opposait une société importatrice de courgettes turques aux autorités douanières bulgares contestant la réalité du prix transactionnel déclaré par cette entreprise. Cette valeur, nettement supérieure au montant forfaitaire fixé par la Commission, avait entraîné la constitution d’une garantie financière conformément à la réglementation européenne applicable. L’importateur avait ensuite revendu les marchandises à perte sur le marché intérieur, sans pouvoir justifier cette situation par des documents contractuels précis demandés. Saisie d’un recours, la juridiction nationale s’interrogeait sur la possibilité d’écarter la valeur transactionnelle et sur l’étendue de son propre pouvoir de contrôle. La Cour doit déterminer si la revente à perte et l’absence de contrat écrit permettent de rejeter le prix déclaré malgré la preuve du paiement. Elle analyse d’abord les exigences probatoires pesant sur l’importateur, avant de borner les pouvoirs du juge et les choix méthodologiques des parties.
**I. Les exigences probatoires relatives à la réalité du prix transactionnel**
**A. La revente à perte comme indice de majoration artificielle du prix**
La Cour affirme que « l’écoulement du lot de marchandises importées moyennant une vente à perte constitue un indice sérieux du caractère artificiellement élevé de la valeur transactionnelle déclarée ». Cette pratique commerciale, normalement non rentable, permet aux autorités de douter légitimement de l’exactitude des informations fournies lors de la mise en libre pratique. L’administration n’est pas tenue de prouver une fraude, car il appartient au déclarant de justifier la cohérence économique de son opération d’importation particulière. Une différence de prix supérieure à cinquante pour cent par rapport à la valeur forfaitaire renforce la présomption de majoration injustifiée du prix déclaré. Ce doute sur la réalité économique de la transaction impose alors à l’opérateur de fournir des explications complémentaires sur ses conditions d’approvisionnement.
**B. La flexibilité des moyens de preuve face à l’exigence de sincérité**
L’importateur doit mettre à disposition « tous les documents nécessaires à l’exécution des contrôles douaniers requis en ce qui concerne la vente et l’écoulement de chaque produit ». La production d’un contrat écrit n’est pas une obligation absolue si les documents de transport, d’assurance et de manutention suffisent à convaincre l’administration. Toutefois, en cas de doute persistant lié à une vente à perte, l’absence de contrat ou de document équivalent justifie le rejet de la valeur. L’authenticité formelle de la facture et la réalité du paiement ne suffisent pas à établir la valeur économique réelle des marchandises importées. Le respect de ce cadre probatoire s’accompagne d’une rigueur procédurale limitant tant les facultés de l’importateur que les pouvoirs d’investigation de la juridiction saisie.
**II. Les contraintes procédurales de la détermination de la valeur douanière**
**A. Le caractère définitif du choix de la méthode d’évaluation**
L’importateur doit opter entre la valeur transactionnelle et la méthode déductive dans les délais précis impartis par le règlement délégué pour l’écoulement des marchandises. Ce choix initial interdit de s’appuyer tardivement sur un calcul déductif pour prouver la réalité du prix de transaction lors d’un recours contentieux. La méthode déductive, fondée sur le prix unitaire des ventes dans l’Union, constitue une alternative méthodologique et non un simple élément de preuve supplémentaire. La sécurité juridique et l’efficacité des contrôles douaniers imposent le respect de ces options procédurales fermes par les opérateurs économiques concernés par l’importation. La détermination de la base imposable repose ainsi sur une stratégie déclarative dont les conséquences deviennent irréversibles après l’expiration des délais légaux.
**B. La limitation du pouvoir de relevé d’office par la juridiction**
Le juge ne peut pas soulever d’office si « l’acheteur et le vendeur sont liés » ou si « les éventuels liens existant entre eux ont influencé le prix ». Cette question relève exclusivement des contrôles douaniers dont la compétence est attribuée aux administrations nationales chargées de l’application technique de la législation douanière commune. La juridiction doit se limiter à examiner les motifs retenus par l’administration, sans substituer sa propre analyse sur des éléments non débattus durant la phase administrative. Cette répartition des compétences garantit le respect des droits de la défense tout en préservant l’étanchéité nécessaire entre les phases de contrôle et de jugement. L’équilibre du système douanier repose sur cette distinction entre l’appréciation technique de la valeur et le contrôle juridictionnel de la légalité des décisions.