Cour de justice de l’Union européenne, le 22 février 2018, n°C-182/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le vingt-deux février deux mille dix-huit, précise les conditions d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision porte sur le traitement fiscal d’activités d’intérêt général déléguées par une collectivité locale à une personne morale de droit privé. Une société à responsabilité limitée, détenue intégralement par une commune, a conclu un contrat pour l’exécution de diverses missions de service public communal. Ces prestations, incluant l’entretien d’espaces verts et la gestion de cimetières, donnaient lieu au versement d’une compensation financière forfaitaire par l’autorité municipale. L’administration fiscale a contesté l’absence de perception de la taxe sur ces sommes, considérant que l’activité entrait dans le champ d’application de la directive. Le litige fut porté devant le tribunal administratif et du travail de Győr, lequel décida de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne. Les prétentions des parties s’opposent sur la qualification d’opération à titre onéreux et sur le bénéfice de l’exonération réservée aux organismes de droit public. Le problème de droit repose sur la possibilité pour une société commerciale de se prévaloir du régime de non-assujettissement lorsqu’elle exécute des tâches publiques. La Cour juge que l’activité constitue une prestation de services à titre onéreux et qu’elle ne peut bénéficier de la règle de non-assujettissement prévue pour les autorités. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation de l’onérosité de la prestation avant d’étudier l’exclusion du régime dérogatoire propre aux organismes de droit public.

**I. La caractérisation d’une prestation de services effectuée à titre onéreux**

**A. L’exigence d’un lien direct entre l’activité et sa rémunération**

La Cour rappelle qu’une opération n’est soumise à la taxe que s’il existe un lien juridique entre le prestataire et le bénéficiaire du service. Le juge européen souligne que « constitue une prestation de services fournie à titre onéreux » une activité exercée en exécution d’un contrat synallagmatique entre deux entités distinctes. Ce lien direct suppose que la rémunération reçue par le prestataire constitue la contrepartie réelle et effective du service rendu à la commune contractante. L’indemnité versée doit ainsi être perçue comme un avantage économique dont la valeur est en rapport étroit avec l’importance des prestations de services effectuées. Les sommes perçues par la société compensent précisément les charges liées à l’exécution des tâches d’intérêt public définies dans l’accord conventionnel initialement conclu.

**B. L’indifférence de la nature publique des missions déléguées**

Le caractère public des missions n’exclut pas la qualification d’activité économique si la prestation est fournie en échange d’une rémunération fixée de manière contractuelle. La Cour énonce que l’article 2 de la directive doit s’interpréter comme visant toute activité consistant à accomplir certaines tâches publiques moyennant un prix convenu. Peu importe que l’objectif poursuivi soit l’intérêt général ou que les tarifs soient réglementés dès lors que l’opération présente un caractère de permanence suffisant. La qualification d’onérosité dépend exclusivement de la corrélation entre l’engagement de réaliser le service et l’octroi de fonds par l’entité publique mandante. La reconnaissance du caractère onéreux de la prestation conduit alors à s’interroger sur l’éventuelle application d’une exception liée au statut spécifique de l’organisme.

**II. L’exclusion du régime de non-assujettissement des organismes de droit public**

**A. L’interprétation stricte de la notion d’autorité publique**

L’article 13 de la directive réserve le bénéfice du non-assujettissement aux seuls organismes de droit public agissant en tant qu’autorités administratives dans leur domaine propre. La Cour précise que cette disposition « doit être interprétée en ce sens que ne relève pas de la règle de non-assujettissement » une société commerciale. Une entité privée, même détenue par une personne publique, ne peut être assimilée à un organisme de droit public au sens de la directive. Le statut juridique de droit privé fait obstacle à l’application de cette dérogation qui vise à protéger les prérogatives de puissance publique de l’État. L’absence d’intégration de la société dans l’organisation de l’administration publique locale confirme l’impossibilité de bénéficier de ce régime de faveur fiscal exceptionnel.

**B. L’incompatibilité de la relation contractuelle avec l’exercice de la puissance publique**

L’existence d’un contrat entre la commune et la société démontre que cette dernière agit dans un cadre juridique distinct de celui de l’autorité publique. La Cour considère que l’accomplissement de tâches communales en vertu d’un contrat ne saurait être confondu avec l’exercice direct de prérogatives souveraines par l’administration. La règle de non-assujettissement disparaît lorsque l’activité constitue une « activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1 » de la directive relative à la taxe. Une telle solution prévient les distorsions de concurrence qui résulteraient de l’exonération d’opérateurs privés intervenant sur le marché de la commande publique locale. Le juge européen confirme ainsi la primauté de la réalité économique et juridique sur la finalité administrative des services rendus par les sociétés commerciales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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