Par une décision du 22 septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime de prescription des congés annuels payés. Une salariée ayant travaillé durant vingt ans réclame à son employeur une indemnité pour cent un jours de repos non pris. Le tribunal supérieur du travail de Düsseldorf lui accorde le paiement de soixante-seize jours malgré l’opposition de la société invoquant la prescription. La Cour fédérale du travail décide de surseoir à statuer pour interroger le juge européen sur la conformité de ce délai triennal. Le droit de l’Union s’oppose-t-il à une prescription nationale commençant à courir sans que l’employeur n’ait incité le salarié au repos ? Le juge européen affirme que le délai de prescription ne peut courir si l’employeur n’a pas mis le travailleur en mesure d’agir. Cette solution repose sur la primauté de l’effectivité du droit au congé avant d’envisager les conséquences du manquement patronal sur la prescription.
I. L’exigence de protection effective du droit au repos annuel
A. La responsabilité de l’employeur dans l’exercice du droit au congé
Le juge rappelle que les États membres doivent garantir que le travailleur bénéficie concrètement de son droit à quatre semaines de repos. La charge de veiller à l’exercice effectif ne peut être déplacée car « le travailleur doit être considéré comme la partie faible ». La Cour précise que la perte du droit suppose que le salarié ait « effectivement eu la possibilité d’exercer le droit » conféré. Dès lors, l’employeur doit inciter le travailleur à prendre ses congés et l’informer de la « possible extinction de son droit ».
B. Le caractère fondamental et obligatoire du congé annuel payé
L’article 7 de la directive 2003/88 concrétise le droit fondamental au repos consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ce principe de droit social revêt une importance particulière et ne peut être limité qu’en présence de circonstances spécifiques et justifiées. En outre, la Cour souligne qu’une limitation ne respectant pas le contenu essentiel du droit au repos serait contraire au principe de proportionnalité. Le droit au repos annuel constitue un principe du droit social de l’Union dont la valeur juridique égale celle des traités.
L’examen de cette obligation d’information conduit nécessairement à évaluer l’opposabilité de la prescription en cas de manquement de l’entreprise à ses devoirs.
II. L’inopposabilité de la prescription en cas de carence patronale
A. L’interdiction de tirer avantage d’une défaillance dans l’obligation d’information
La Cour refuse qu’un employeur puisse invoquer sa propre omission pour s’exonérer de ses obligations légales et profiter d’une situation illégitime. Invoquer sa propre défaillance pour bénéficier de la prescription reviendrait à contourner les obligations d’incitation et d’information pesant sur le débiteur. Or, le délai de prescription triennal ne commence à courir qu’à la condition que le salarié ait eu connaissance des faits fondant sa prétention. L’intérêt légitime de sécurité juridique de l’entreprise disparaît lorsque celle-ci s’abstient volontairement de mettre le travailleur en mesure d’exercer ses droits.
B. La primauté de l’objectif de santé sur les intérêts économiques de l’entreprise
Admettre la prescription validerait un comportement menant à un « enrichissement illégitime » de l’employeur au détriment de la santé du personnel. Ainsi, la sécurité juridique ne saurait justifier qu’un employeur défaillant puisse bénéficier financièrement du non-respect de ses obligations d’information et d’incitation. La juridiction de renvoi doit vérifier si l’entreprise a réellement permis au salarié de prendre ses jours de repos durant la période concernée. Cette vérification conditionne l’application des règles de prescription de droit commun prévues par la législation nationale au sein du litige.