La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 23 mai 2019 une décision sur l’articulation entre les déchets et les règles sanitaires animales. Cette affaire soulève la question de l’exclusion des transferts de sous-produits animaux du champ du règlement de droit commun.
Une entreprise transportait des restes alimentaires de catégorie 3 depuis les Pays-Bas vers l’Allemagne afin de les valoriser dans une installation de production de biogaz. Lors d’un contrôle, les autorités locales ordonnèrent le renvoi du chargement en raison de l’absence de notification préalable exigée par la réglementation générale sur les déchets. La société concernée a contesté cette injonction devant le Tribunal administratif d’Oldenbourg en soutenant que son activité relevait exclusivement du règlement relatif aux sous-produits animaux. La juridiction de renvoi a alors interrogé la Cour de justice sur l’étendue de l’exclusion prévue par le législateur de l’Union au sein du règlement de 2006.
Le problème juridique porte sur le point de savoir si l’exclusion du champ d’application du règlement sur les transferts de déchets concerne l’ensemble des sous-produits animaux. La Cour de justice répond que « les transferts de sous-produits animaux relevant du règlement n o 1069/2009 sont exclus du champ d’application du règlement n o 1013/2006 ». Cette exclusion générale ne fléchit que « dans les hypothèses où le règlement n o 1069/2009 prévoit expressément l’application du règlement n o 1013/2006 ». L’affirmation du principe de l’exclusion du régime général précède la délimitation d’un régime juridique autonome et proportionné aux risques sanitaires.
I. L’affirmation du principe de l’exclusion des sous-produits animaux du régime général des transferts de déchets
A. Une interprétation téléologique visant la cohérence législative
La Cour de justice fonde son raisonnement sur la volonté du législateur d’éviter les chevauchements inutiles entre les différentes réglementations applicables à une même matière. Elle rappelle que le règlement sanitaire constitue un cadre complet de règles proportionnées aux risques que pose la manipulation des sous-produits animaux à chaque stade. Le juge de l’Union souligne ainsi que « le législateur de l’Union a entendu instituer un cadre complet de règles applicables au transport des sous-produits animaux ». Cette approche fonctionnelle privilégie l’efficacité des contrôles sanitaires sur la procédure administrative lourde du consentement écrit préalable propre au régime général des déchets.
B. La primauté du règlement sanitaire spécial sur le règlement environnemental général
L’application de la règle de spécialité permet de soustraire les matières animales aux exigences contraignantes du règlement environnemental de droit commun. La Cour observe que soumettre ces transferts à des dispositions équivalentes ou plus strictes créerait une insécurité juridique majeure pour les exploitants du secteur. Elle affirme que le règlement sanitaire a été conçu pour « soustraire, sauf dérogation expresse, le transfert des sous-produits animaux qu’il couvre de l’application du règlement n o 1013/2006 ». Cette solution assure une gestion simplifiée mais sécurisée des matières les moins dangereuses tout en respectant l’objectif de protection de la santé humaine.
II. La délimitation d’un régime juridique autonome et proportionné aux risques sanitaires
A. La consécration d’une approche graduée selon la dangerosité des matières
Le système mis en place par le droit de l’Union repose sur un classement des sous-produits en trois catégories distinctes selon leur degré de risque. La Cour relève que les restes alimentaires de catégorie 3 sont considérés comme les moins dangereux et bénéficient donc de règles de transport allégées. Elle précise que soumettre ces matières au régime général « conduirait à appliquer les exigences du règlement n o 1013/2006, lesquelles sont plus strictes que celles applicables aux autres ». Cette proportionnalité entre le risque sanitaire réel et la contrainte administrative imposée constitue la pierre angulaire de la décision rendue.
B. La préservation résiduelle de l’application du règlement général pour les déchets dangereux
L’exclusion générale connaît des exceptions limitatives destinées à garantir un niveau de protection optimal lorsque les matières animales sont contaminées par d’autres substances. Le juge européen précise que le règlement général demeure applicable quand les sous-produits sont mélangés avec des déchets classés comme dangereux ou contaminés par ceux-ci. Cette réserve permet de maintenir une surveillance rigoureuse sur les flux présentant un risque environnemental exceptionnel qui dépasse le cadre de la sécurité sanitaire animale. La cohérence du droit de l’Union est ainsi préservée par un équilibre entre la liberté de circulation et la sécurité des transferts transfrontaliers.