Cour de justice de l’Union européenne, le 23 novembre 2017, n°C-427/16

La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 25 janvier 2024, traite de la conformité d’une réglementation tarifaire nationale. Un règlement émanant d’une organisation professionnelle d’avocats interdit la fixation d’honoraires inférieurs à des montants minimaux prédéterminés par cette même instance. Cette réglementation interdit également aux tribunaux nationaux d’ordonner le remboursement d’une rémunération se situant en dessous de ce seuil réglementaire. Un litige est né concernant l’application de ces tarifs à des services juridiques fournis à des personnes morales et des commerçants. Le juge national a donc saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation du droit européen de la concurrence. Il s’interroge sur la compatibilité de ces barèmes obligatoires avec les articles du traité concernant les ententes entre entreprises. La question posée est de savoir si des tarifs minimaux imposés par un organisme professionnel restreignent illégalement la concurrence dans le marché intérieur. La Cour affirme que de telles dispositions sont susceptibles de constituer une restriction au sens de l’article cent-un du traité sur le fonctionnement. Cette restriction tarifaire majeure appelle une analyse de sa légalité avant d’envisager les conséquences sur le remboursement et la fiscalité des prestations.

I. La restriction de la concurrence par l’imposition de seuils tarifaires minimaux

A. Le constat d’une entrave au libre jeu du marché des services juridiques

La Cour souligne que le mécanisme empêche les avocats de proposer des services à des prix plus attractifs que les tarifs planchers imposés. Elle considère que cette pratique prive les prestataires de la possibilité d’exercer une concurrence réelle par les prix au sein du marché national. L’arrêt indique clairement qu’une telle réglementation nationale est « susceptible de restreindre le jeu de la concurrence dans le marché intérieur ». Le juge européen confirme ici son hostilité constante envers les barèmes tarifaires imposés de manière discrétionnaire par les ordres professionnels locaux. Cette solution protège les consommateurs en favorisant une tarification libre qui reflète mieux la diversité des services juridiques offerts sur le territoire. L’impossibilité pour le juge d’allouer des frais inférieurs au minimum renforce considérablement l’effet restrictif de ce dispositif sur l’économie globale du secteur.

B. La recherche d’une justification fondée sur la proportionnalité des objectifs

La juridiction de renvoi doit vérifier si la réglementation répond véritablement à des objectifs légitimes tels que la qualité des services juridiques fournis. La Cour rappelle que les restrictions imposées doivent être « limitées à ce qui est nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre de ces objectifs ». Cette exigence impose une analyse rigoureuse de la nécessité des tarifs planchers pour garantir la compétence et l’indépendance de la profession d’avocat. Une telle approche permet de concilier la protection de l’intérêt public avec les libertés économiques fondamentales garanties par les traités européens. Le juge national devra examiner si d’autres mesures moins contraignantes permettraient d’atteindre le même niveau de qualité pour les prestations concernées. Cette marge d’appréciation laissée au juge national démontre ainsi la volonté de la Cour de respecter les spécificités des organisations professionnelles nationales.

II. L’encadrement des modalités de remboursement et de la fiscalité des prestations

A. La reconnaissance du droit au remboursement pour les conseillers juridiques internes

L’arrêt précise que le droit de l’Union ne s’oppose pas au remboursement des frais pour les entreprises défendues par des conseillers juridiques internes. La Cour valide ainsi la possibilité pour les personnes morales de bénéficier d’une prise en charge de leurs dépenses de défense judiciaire. Cette interprétation favorise l’exercice effectif de la libre prestation de services par les professionnels du droit opérant au sein des structures commerciales. Elle garantit une certaine égalité de traitement entre les différentes formes d’assistance juridique accessibles aux commerçants indépendants et aux grandes sociétés anonymes. Cette solution renforce la sécurité juridique des opérateurs économiques qui choisissent de recourir à des juristes salariés plutôt qu’à des avocats inscrits au barreau.

B. L’interdiction d’une double imposition au titre de la taxe sur la valeur ajoutée

La Cour examine enfin l’intégration de la taxe sur la valeur ajoutée dans le montant des honoraires perçus par les avocats enregistrés fiscalement. Elle énonce que la directive s’oppose à une pratique nationale « si cela a pour effet une double imposition de ces honoraires ». Cette protection fiscale directe empêche une charge financière excessive qui nuirait gravement à l’accessibilité du service pour les justiciables les plus modestes. Le raisonnement repose sur le principe de neutralité de la taxe qui constitue un pilier fondamental du système commun de valeur ajoutée. L’application de ce principe assure que le coût de la défense reste proportionné aux services effectivement rendus sans prélèvements fiscaux redondants. Cette décision protège ainsi tant les professionnels que leurs clients contre les dérives potentielles de certaines réglementations fiscales nationales mal conçues.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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