Cour de justice de l’Union européenne, le 24 février 2022, n°C-605/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 janvier 2022, une décision fondamentale relative à l’interprétation du système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Un assujetti établi au Portugal a procédé à la réparation de matériel défectueux pour le compte de son fournisseur situé dans un pays tiers. Les dépenses engagées ont fait l’objet de notes de débit adressées au fournisseur sans liquidation de la taxe correspondante par la société prestataire. L’administration fiscale a contesté cette absence de taxation en considérant que les opérations constituaient des prestations de services effectuées à titre onéreux. Le litige a été porté devant le tribunal fiscal de Lisbonne, lequel a rejeté le recours formé par la société contre l’avis de mise en recouvrement. La Cour administrative suprême du Portugal a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la qualification de ces flux financiers. La question posée visait à déterminer si le remboursement de frais de garantie constitue une prestation de services taxable au sens du droit de l’Union. La Cour a conclu que ces opérations forment une prestation de services effectuée à titre onéreux malgré l’absence de bénéfice pour l’assujetti prestataire.

**I. L’identification d’une prestation de services à titre onéreux**

**A. L’existence d’un rapport juridique et d’un lien direct**

L’assujettissement à la taxe suppose l’existence d’un rapport juridique entre le prestataire et le bénéficiaire de l’opération prévoyant des prestations réciproques bien identifiées. La Cour rappelle qu’une prestation n’est imposable que « s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées ». En l’espèce, le contrat de fourniture de services et les notes de débit matérialisent un échange de services contre une rétribution monétaire précise. Le lien direct est établi puisque la rétribution reçue constitue la contre-valeur effective du service d’assistance ou de réparation individualisable fourni par l’assujetti. La réalité de cet échange de services entre deux entités distinctes caractérise l’existence d’une opération économique entrant dans le champ d’application de la directive.

**B. L’indifférence de l’absence de profit ou de la garantie**

La qualification de prestation à titre onéreux ne dépend pas de la réalisation d’un bénéfice ou de la finalité économique de l’opération pour le prestataire. La juridiction précise que « le fait qu’une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient est dénué de pertinence ». L’existence d’une garantie commerciale pesant sur le fournisseur initial ne modifie pas la nature des services de réparation fournis par la filiale locale. Le remboursement intégral des coûts supportés sans marge supplémentaire suffit à caractériser le caractère onéreux de l’opération réalisée dans le cadre d’une activité économique. La circonstance que les services soient fournis durant une période de garantie contractuelle ne saurait occulter l’existence d’un service rendu par un tiers.

**II. Les conséquences de la qualification sur l’assujettissement**

**A. La primauté de la réalité contractuelle et comptable**

L’analyse de l’assujettissement repose sur l’examen rigoureux des stipulations contractuelles et des écritures comptables retraçant les opérations de l’entreprise prestataire de services. L’assujetti doit « être en mesure de justifier de la réalité et de la teneur des opérations enregistrées dans sa comptabilité » devant l’autorité fiscale. L’utilisation de notes de débit confirmant la nature de services de remise à niveau atteste de la volonté de facturer une prestation précise au fournisseur. Ces éléments matériels interdisent de considérer les flux financiers comme de simples remboursements de frais transitant par des comptes de passage sans incidence fiscale. La facturation des services au nom de la société prestataire confirme son rôle actif en tant qu’auteur juridique des prestations de réparation effectuées.

**B. L’effectivité du mécanisme de collecte de la taxe**

L’inclusion des réparations sous garantie dans le champ d’application de la taxe assure la cohérence du système commun en évitant toute rupture de taxation. Le prestataire a déduit la taxe ayant grevé les achats nécessaires aux réparations, ce qui impose logiquement la collecte de la taxe lors de la facturation. La décision souligne que ces opérations « forment une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de cette disposition » malgré le contexte de la garantie. Cette solution évite que des services individualisables échappent à l’imposition sous couvert de mécanismes de répercussion de coûts au sein de groupes internationaux. La neutralité de la taxe est ainsi préservée en garantissant que chaque étape de la valeur ajoutée supporte la charge fiscale correspondante.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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