La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 24 novembre 2011 une décision essentielle relative aux certificats complémentaires de protection pour les médicaments. Ce litige porte sur l’interprétation des conditions d’obtention de ce titre de propriété industrielle destiné à prolonger la protection d’un brevet de base.
Le titulaire d’un brevet européen portant sur une méthode de fabrication d’un vaccin contre la coqueluche a sollicité la délivrance de plusieurs certificats complémentaires. Son invention repose sur une combinaison spécifique de deux antigènes permettant d’obtenir un effet synergique en capacité de vaccination. Toutefois, les autorisations de mise sur le marché produites concernent des médicaments contenant ces deux principes actifs associés à d’autres composants.
L’autorité nationale compétente a rejeté ces demandes au motif que les principes actifs revendiqués ne correspondent pas exactement à la composition des médicaments autorisés. Saisie d’un recours en première instance, la High Court of Justice a confirmé cette analyse en rejetant les prétentions du demandeur. La Court of Appeal (England & Wales) a alors décidé de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice.
Le problème juridique consiste à déterminer si le règlement européen n’autorise la délivrance d’un certificat que lorsque le brevet mentionne explicitement tous les principes actifs. Il convient aussi de savoir si une autorisation de mise sur le marché peut soutenir une demande pour une simple partie des substances présentes.
La juridiction européenne répond que l’article 3 s’oppose à l’octroi d’un certificat pour des principes actifs absents du libellé des revendications du brevet invoqué. Elle précise toutefois que l’existence d’autres composants dans le médicament autorisé ne fait pas obstacle à la protection de la combinaison brevetée. L’examen du sens de cette exigence textuelle précédera l’analyse de la souplesse admise quant à l’autorisation de mise sur le marché.
I. L’exigence d’une mention expresse du produit dans les revendications du brevet de base
A. L’interprétation stricte de la protection conférée par le brevet
La Cour affirme que l’article 3, sous a), du règlement s’oppose à la délivrance d’un certificat pour des principes actifs non mentionnés dans les revendications. Cette règle impose une correspondance rigoureuse entre l’objet de l’invention protégée et le produit dont la protection prolongée est sollicitée par le titulaire.
Les juges considèrent que le règlement crée un certificat complémentaire susceptible d’être obtenu « selon les mêmes conditions dans chaque État membre ». Cette interprétation unifiée interdit aux autorités nationales d’étendre la protection à des substances que le brevet n’avait pas vocation à couvrir initialement.
B. La préservation de la sécurité juridique des tiers
Cette solution renforce la prévisibilité du droit des brevets en limitant le monopole du titulaire au seul périmètre défini lors de la délivrance du titre initial. Le libellé des revendications constitue l’unique référence légitime pour déterminer l’étendue de la protection dont bénéficie l’invention pharmaceutique dans l’espace européen.
En refusant l’extension du certificat à des composants non revendiqués, la Cour protège les intérêts des opérateurs souhaitant développer des médicaments similaires après l’expiration du brevet. Cette rigueur formelle assure une protection équitable au titulaire tout en offrant un degré raisonnable de certitude quant aux limites de son exclusivité.
II. La souplesse admise quant à l’autorisation de mise sur le marché du produit complexe
A. La distinction entre produit breveté et spécialité pharmaceutique
Si le droit impose une rigueur formelle dans la désignation du produit, il fait preuve d’un pragmatisme salvateur concernant sa forme commerciale. La Cour admet ainsi que l’autorisation de mise sur le marché peut porter sur un médicament comprenant d’autres principes actifs que ceux protégés.
L’objectif de la législation est de garantir une protection suffisante pour encourager la recherche sans entraver le développement de vaccins multivalents. En effet, la protection conférée par le certificat doit rester « strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché ».
B. Une solution favorable à l’innovation thérapeutique
Cette jurisprudence de principe permet de concilier les exigences de la propriété industrielle avec les nécessités pratiques du secteur pharmaceutique et de la santé publique. Elle évite que les inventeurs ne délaissent les combinaisons multithérapeutiques au profit de produits monovalents dont la protection juridique serait plus aisée.
La décision assure la pérennité des investissements lourds nécessaires à la découverte de nouveaux principes actifs malgré la présence de substances complémentaires. Cette interprétation finaliste du règlement favorise l’amélioration continue de la santé publique par la mise à disposition de thérapies innovantes et protectrices.