La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 24 novembre 2016, précise les contours de l’égalité de traitement en matière d’emploi. Un salarié demandait le bénéfice d’une pension de survie pour son partenaire de même sexe au sein d’un régime professionnel de prévoyance complémentaire. Le règlement subordonnait ce droit à la conclusion d’un partenariat avant l’âge de soixante ans, condition impossible à remplir avant la loi nationale. La juridiction nationale a interrogé la Cour sur la conformité de cette exigence avec l’interdiction des discriminations liées à l’âge ou l’orientation. La Cour juge que cette réglementation ne méconnaît pas les dispositions de la directive 2000/78 relative au cadre général pour l’égalité de travail. Cette solution repose sur l’admission de conditions d’octroi restrictives fondées sur des critères autonomes avant d’écarter toute protection par le cumul des facteurs.
I. L’admission de conditions d’octroi restrictives fondées sur des critères autonomes
A. L’absence de discrimination caractérisée au regard de l’orientation sexuelle
Le juge européen affirme que la clause litigieuse s’applique de manière identique à l’ensemble des bénéficiaires du régime de prévoyance professionnel. Elle « ne constitue pas une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » car elle ne vise pas spécifiquement les couples de même sexe. La situation défavorable de l’affilié provient du retard de la législation nationale à autoriser le partenariat civil pour les personnes de même sexe. Le droit de l’Union n’impose pas aux États de reconnaître des effets rétroactifs à des unions dont le statut n’existait pas auparavant. Cette neutralité apparente de la règle contractuelle suffit à écarter la qualification de discrimination directe ou indirecte au titre de l’orientation sexuelle.
B. La validation de la limite d’âge dans les régimes professionnels de retraite
Cette conformité au regard de l’orientation sexuelle conduit à examiner la validité de la clause au titre de l’âge des affiliés. L’arrêt précise que les articles 2 et 6 de la directive permettent la fixation d’âges pour l’admission ou l’octroi de prestations sociales. La mesure contestée « ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge » puisqu’elle relève des exceptions prévues pour les régimes de retraite. Les partenaires sociaux conservent la faculté d’organiser le financement des prestations de survie en limitant les risques financiers liés à des unions tardives. Le respect de ces conditions d’âge garantit la pérennité du système de prévoyance sans pour autant léser de manière disproportionnée les droits des travailleurs.
II. Le rejet d’une protection accrue par le cumul des facteurs de discrimination
A. L’écartement du concept de discrimination par combinaison d’effets
L’absence de discrimination simple amène à considérer l’existence d’un traitement défavorable résultant de la conjonction de plusieurs motifs de distinction. La Cour rejette l’idée qu’une réglementation « puisse instituer une discrimination fondée sur l’effet combiné de l’orientation sexuelle et de l’âge ». Si aucun critère n’est discriminatoire isolément, leur réunion ne peut engendrer une violation nouvelle des principes généraux du droit de l’Union européenne. Cette position évite de créer des catégories de protection hybrides qui ne sont pas explicitement mentionnées dans le texte de la directive 2000/78. La jurisprudence privilégie une lecture analytique des motifs de distinction afin de maintenir une application cohérente et prévisible des règles d’égalité.
B. La préservation de la sécurité juridique des institutions de prévoyance
Le refus d’une discrimination combinée se justifie par la nécessité de garantir la prévisibilité financière des engagements pris par les régimes sociaux. L’impératif de sécurité juridique empêche ainsi la remise en cause de conditions de fond établies lors de la constitution des droits à pension. La solution confirme que l’accès aux avantages sociaux reste étroitement lié au cadre légal national en vigueur au moment de l’activité professionnelle. Le juge européen préserve l’équilibre entre la lutte contre les discriminations et l’autonomie organisationnelle des régimes de sécurité sociale complémentaire. Le commentaire de cette décision illustre la volonté de la juridiction de ne pas étendre indéfiniment le champ des obligations pesant sur les employeurs.