Cour de justice de l’Union européenne, le 26 octobre 2021, n°C-109/20

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa grande chambre, a rendu le 26 octobre 2021 un arrêt majeur relatif à l’arbitrage. Cette décision précise l’étendue des principes d’autonomie et de primauté du droit de l’Union face aux mécanismes de résolution des litiges. Un investisseur a acquis des titres bancaires dans un État membre avant de subir une mesure de vente forcée par le régulateur national. Le litige fut porté devant un tribunal arbitral siégeant en Suède sur le fondement d’un traité bilatéral de protection des investissements. L’État membre a contesté la compétence du tribunal tardivement, invoquant l’incompatibilité de la clause d’arbitrage avec les traités européens. Le Svea hovrätt siégeant à Stockholm a rejeté le recours en annulation des sentences arbitrales par un arrêt du 28 septembre 2017. Le Högsta domstolen a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur la validité d’une convention d’arbitrage ad hoc. Le droit de l’Union interdit-il la conclusion d’une convention d’arbitrage individuelle reprenant les termes d’un traité bilatéral entre États membres ? La Cour juge que les articles 267 et 344 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibent une telle pratique. L’exclusivité du système juridictionnel européen impose une application rigoureuse de l’autonomie juridique, excluant tout contournement par des mécanismes de consentement étatique.

I. L’affirmation rigoureuse de l’exclusivité du système juridictionnel de l’Union

L’arrêt s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence protectrice de l’ordre juridique européen contre les interférences de l’arbitrage privé international.

Le rejet du contournement de la jurisprudence antérieure

La Cour rappelle que les clauses d’arbitrage prévues dans les accords internationaux entre États membres portent atteinte à l’autonomie du droit européen. Elle souligne que permettre une convention ad hoc identique reviendrait à « un contournement des obligations découlant pour cet État membre des traités ». Une telle substitution maintiendrait en effet les effets d’un engagement entaché de nullité pour violation manifeste du principe de coopération loyale. L’arrêt confirme l’impossibilité de soustraire au juge national des litiges portant potentiellement sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union.

L’inopposabilité du consentement de l’État membre à l’arbitrage

La validité du titre de compétence ne saurait dépendre du comportement des parties ou de l’absence d’objection de l’État membre défendeur. La Cour précise que « la validité du titre qui fonde la compétence d’un organisme d’arbitrage » ne dépend pas de la volonté. L’acceptation implicite d’une offre d’arbitrage ne peut guérir l’illégalité d’un mécanisme remettant en cause la confiance mutuelle entre les États. La volonté individuelle des parties s’efface ainsi devant la nécessité supérieure de garantir l’unité et l’efficacité de l’ordre juridique commun.

II. La sauvegarde impérieuse des mécanismes de coopération loyale

La protection de cet ordre juridique repose sur le respect scrupuleux des procédures de coopération loyale entre les juridictions des États membres.

La préservation de l’unité d’interprétation du droit de l’Union

Le renvoi préjudiciel constitue la clef de voûte du système juridictionnel garantissant l’application cohérente des normes sur l’ensemble du territoire européen. En excluant le recours à l’arbitrage privé, la Cour protège « la préservation du caractère propre du droit de l’Union » contre les risques d’interprétations divergentes. L’unité de la jurisprudence ne peut être assurée par un organisme arbitral situé en dehors du cadre institutionnel défini par les traités. Le juge national demeure ainsi l’unique gardien de l’effectivité des droits conférés aux citoyens et aux entreprises par l’Union européenne.

L’obligation de contestation pesant sur les autorités nationales

Les États membres sont tenus de contester la validité des conventions d’arbitrage illicites devant les juridictions nationales ou les organismes arbitraux. Cette obligation découle directement du principe de coopération loyale et impose aux juges d’annuler les sentences fondées sur de telles clauses. La Cour affirme que les États « sont tenus de contester, devant cet organisme d’arbitrage ou devant le juge compétent, la validité ». Cette décision parachève l’élimination des mécanismes d’arbitrage intra-européens pour assurer la pleine primauté du droit de l’Union sur les intérêts privés.

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Hassan KOHEN
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