Appelée à se prononcer le 18 septembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt relatif à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par un État tiers. Cette décision intervient dans un contexte de coopération judiciaire complexe, où le respect des droits fondamentaux garantis par la Charte doit être concilié avec les engagements internationaux de l’Union. Les faits concernent une demande d’extradition formulée par les autorités d’un État hors Union à l’encontre d’un ressortissant d’un État membre se trouvant sur le territoire d’un autre État membre. Les autorités de l’État d’exécution ont alors interrogé l’État d’origine de l’intéressé pour savoir s’il comptait émettre un mandat d’arrêt européen afin de protéger son ressortissant.
La procédure a débuté par une demande d’extradition notifiée à la personne concernée lors de son passage sur le territoire de l’État membre d’exécution, lequel a sursis à statuer. La juridiction de première instance a sollicité l’État de nationalité, conformément au mécanisme de consultation prévu par la jurisprudence de la Cour, afin de privilégier l’espace judiciaire européen. Face au silence ou à l’impossibilité de l’État de nationalité d’exercer ses poursuites, l’État d’exécution a dû apprécier la validité de la demande d’extradition au regard de l’ordre public européen. Le requérant a contesté la décision d’extradition devant les juridictions nationales, invoquant une violation du principe de libre circulation et une protection insuffisante de ses droits fondamentaux. Le litige a finalement été porté devant la Cour de justice par la voie d’un pourvoi, après qu’un premier examen a validé la possibilité d’extrader sous certaines conditions.
Le problème de droit posé à la Cour consistait à déterminer si un État membre peut extrader un citoyen de l’Union vers un État tiers sans méconnaître les droits fondamentaux. Il s’agissait également de préciser l’étendue des obligations de vérification incombant à l’État membre d’exécution lorsque le risque de traitement inhumain ou dégradant est invoqué par la personne poursuivie.
La Cour de justice rejette le pourvoi et confirme que l’extradition est possible si l’État d’exécution s’est assuré de l’absence de risque réel de violation de la Charte. Elle précise que les autorités doivent mener une évaluation rigoureuse, tout en constatant que, dans l’espèce, les garanties offertes par l’État requérant étaient suffisantes pour écarter tout péril.
I. L’affirmation du cadre rigoureux de l’extradition vers un État tiers
A. La primauté de la protection des droits fondamentaux sur l’obligation d’extrader
La Cour rappelle avec force que l’exécution d’une demande d’extradition ne saurait porter atteinte aux droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle souligne que « l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants a un caractère absolu en ce qu’elle est étroitement liée au respect de la dignité humaine ». Cette obligation de vigilance s’impose dès lors qu’il existe des éléments sérieux et avérés suggérant un risque de traitement prohibé dans l’État de destination des poursuites. Les autorités nationales ne peuvent se contenter de simples assurances diplomatiques générales pour valider le transfert d’une personne vers un système judiciaire hors de l’Union.
Le juge européen exige une analyse concrète de la situation personnelle de l’individu et des conditions générales de détention prévisibles dans l’État tiers qui sollicite l’extradition. Cette démarche protectrice vise à éviter que l’extradition ne devienne un instrument de méconnaissance des standards juridiques européens au profit de conventions bilatérales moins protectrices. La Cour confirme ainsi que la protection du citoyen européen dépasse les frontières physiques de son État de nationalité pour s’étendre à l’ensemble du territoire de l’Union.
B. La validation du mécanisme de consultation entre États membres
L’arrêt valide le recours prioritaire au mandat d’arrêt européen comme alternative à l’extradition, renforçant ainsi la solidarité entre les États membres de l’espace judiciaire commun. La Cour précise que l’État d’exécution doit « donner la priorité au mandat d’arrêt européen afin de permettre à l’État de nationalité de poursuivre lui-même l’intéressé ». Ce mécanisme permet de protéger le citoyen contre une extradition vers un État tiers dont le système judiciaire pourrait s’avérer moins respectueux des libertés individuelles. La procédure de consultation garantit que l’exercice de la compétence répressive reste, dans la mesure du possible, au sein des juridictions de l’Union européenne.
Toutefois, ce privilège n’est pas absolu et dépend de la volonté réelle ainsi que de la capacité juridique de l’État de nationalité à engager des poursuites criminelles. Lorsque l’État d’origine décline sa compétence ou ne répond pas dans des délais raisonnables, l’État d’exécution retrouve sa pleine liberté pour statuer sur la demande d’extradition. La Cour évite ainsi de créer une impunité de fait pour les citoyens de l’Union ayant commis des infractions graves à l’extérieur du territoire des États membres.
II. Les limites de l’opposition à l’extradition et la confirmation du rejet du pourvoi
A. L’appréciation souveraine du risque réel par les autorités nationales
La décision met en lumière le pouvoir d’appréciation laissé aux juridictions nationales pour évaluer la réalité du risque de mauvais traitements dans l’État tiers demandeur. La Cour estime que l’évaluation menée par les juges du fond était suffisante et qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’avait entaché le processus de décision initial. Elle rappelle que « le seul constat d’une défaillance systémique dans l’État tiers ne suffit pas à interdire toute extradition si des garanties spécifiques sont apportées ». Les autorités lituaniennes ont donc agi conformément au droit de l’Union en vérifiant la situation particulière du requérant au regard des faits reprochés.
Cette approche pragmatique permet de maintenir une coopération internationale nécessaire à la lutte contre la criminalité transnationale tout en préservant un socle minimal de droits. Le contrôle exercé par la Cour de justice reste un contrôle de légalité et de respect des principes fondamentaux, sans se substituer à l’analyse factuelle. La validation de la procédure nationale confirme que le cadre juridique actuel offre un équilibre satisfaisant entre sécurité juridique internationale et protection individuelle des citoyens.
B. La portée du rejet du pourvoi sur l’uniformisation du droit de l’extradition
En rejetant le pourvoi, la Cour de justice consolide sa jurisprudence antérieure et apporte une sécurité juridique accrue aux États membres confrontés à des demandes d’extradition similaires. Elle confirme que l’État de nationalité ne peut bloquer indéfiniment une extradition s’il n’est pas en mesure de justifier d’un intérêt sérieux à engager lui-même des poursuites. Le rejet du pourvoi signifie que les motifs soulevés par le requérant n’étaient pas de nature à remettre en cause la validité juridique de la décision d’extradition. La condamnation aux dépens de la partie perdante illustre la fin de cette procédure contentieuse qui aura duré plusieurs années devant les instances européennes.
Cette solution réaffirme que la citoyenneté de l’Union ne constitue pas un bouclier absolu contre la justice pénale internationale lorsque les garanties fondamentales sont respectées. La portée de l’arrêt est significative car elle définit les contours de l’obligation de coopération judiciaire avec les États tiers dans un monde de plus en plus interconnecté. Les États membres disposent désormais d’une grille de lecture claire pour traiter les demandes d’extradition impliquant des ressortissants d’autres États membres de l’Union.