Cour de justice de l’Union européenne, le 27 octobre 2011, n°C-601/10

La Cour de justice des Communautés européennes a rendu un arrêt le 2 juin 2005 concernant la passation de marchés publics de services. Un État membre a attribué des prestations de cadastrage et d’aménagement urbain sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel. En effet, les autorités locales ont estimé que ces missions constituaient des services complémentaires ne nécessitant pas de nouvelle procédure de mise en concurrence. Une institution communautaire a contesté ce raisonnement en introduisant un recours en manquement pour violation des directives relatives aux marchés publics. Elle affirmait que le recours à la procédure négociée sans publicité devait rester strictement limité aux hypothèses prévues par les textes. Ainsi, le litige porte sur la possibilité d’étendre un contrat initial à des prestations non prévues sans respecter les obligations de transparence. La Cour juge que l’État a manqué à ses obligations en recourant indûment à cette procédure dérogatoire pour des missions distinctes. L’analyse de cette décision porte d’abord sur l’encadrement de la procédure négociée avant d’envisager la sanction d’une extension injustifiée du marché.

I. L’interprétation stricte du recours à la procédure négociée sans publicité

A. Le caractère exceptionnel de la dérogation aux règles de publicité

Le juge communautaire rappelle avec fermeté que le recours à la procédure négociée sans publication préalable constitue une dérogation majeure aux principes fondamentaux. Cette modalité exceptionnelle doit être interprétée de manière limitative afin de garantir une concurrence réelle et transparente entre les opérateurs économiques européens. De plus, la Cour précise qu’il s’agit de services qui « ne figuraient pas dans le contrat initial conclu » par les autorités contractantes concernées. Cette absence de prévision initiale interdit en principe l’usage d’une procédure soustrayant le marché au regard des autres candidats potentiels. Cette lecture restrictive du droit positif se prolonge par une exigence de corrélation directe entre les nouvelles missions et l’accord originaire.

B. L’exigence d’un lien nécessaire avec le contrat initial

La validité d’un marché complémentaire repose sur l’existence de circonstances imprévues rendant l’intervention de l’attributaire initial techniquement ou économiquement indispensable. Toutefois, les prestations litigieuses de cadastrage présentaient une nature distincte ou une ampleur non couverte par les stipulations contractuelles primitives. L’arrêt souligne le manquement résultant du fait « d’avoir passé, en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché » de tels contrats. Cette rigueur dans l’application des exceptions de forme impose désormais une définition matérielle extrêmement précise des besoins de l’administration contractante.

II. La sanction d’une extension injustifiée de l’objet du marché

A. L’appréciation rigoureuse de la notion de services complémentaires

La définition des services complémentaires ne saurait devenir un instrument permettant de contourner les seuils de publicité obligatoire lors de modifications contractuelles. Or, les directives citées imposent que ces prestations soient strictement liées à l’exécution de l’objet principal par des contraintes techniques insurmontables. Le juge constate ici que l’État « a manqué aux obligations qui lui incombent » en vertu des dispositions relatives à la coordination des procédures. Ce contrôle étroit du juge assure finalement le respect des objectifs fondamentaux portés par la législation européenne sur la commande publique.

B. La préservation de l’effet utile des directives européennes

La solution retenue garantit que les principes de transparence et de non-discrimination ne soient pas vidés de leur substance par des pratiques nationales. Dès lors, la Cour de justice veille à ce que l’accès aux marchés publics demeure ouvert à l’ensemble des entreprises européennes. En condamnant l’État membre aux dépens, la juridiction affirme la primauté du droit de l’Union sur les intérêts locaux de simplification administrative. Elle rappelle que la mise en concurrence est la règle cardinale dont le non-respect altère profondément la libre prestation de services. Cette jurisprudence assure une discipline contractuelle rigoureuse nécessaire à l’intégration économique européenne et à la bonne gestion des deniers publics.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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