La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 10 décembre 2015 une décision fondamentale concernant le contentieux des marques au sein du marché unique. Une entreprise a sollicité l’enregistrement d’un signe figuratif auprès de l’autorité compétente pour distinguer divers produits de soins corporels et des cosmétiques. Une entité concurrente s’est opposée à cette démarche en se fondant sur des droits antérieurs protégés sur le territoire de plusieurs États membres. La chambre de recours a partiellement accueilli cette opposition, ce qui a provoqué l’introduction d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne. Les juges de première instance ont rejeté ce recours par un arrêt du 23 septembre 2014, estimant que les signes présentaient des différences visuelles majeures. L’opposante a alors formé un pourvoi devant la Cour de justice pour obtenir la censure d’un raisonnement jugé incomplet et juridiquement erroné. La haute juridiction devait déterminer si l’absence de similitude entre deux signes pouvait être affirmée sans procéder à un examen global de la renommée invoquée. Elle conclut finalement que « l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2014 est annulé » pour insuffisance de motivation. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la censure de l’appréciation des signes avant d’envisager l’influence déterminante de la renommée sur la solution.
I. L’annulation pour défaut de motivation de l’analyse comparative
A. La remise en cause de l’appréciation de la similitude
Le Tribunal de l’Union européenne avait considéré que les signes en présence ne présentaient aucune ressemblance sur les plans visuel et phonétique. Cette conclusion radicale dispensait alors les juges d’effectuer une appréciation globale du risque de confusion entre les deux marques en conflit. La Cour de justice censure cette approche car elle estime que le Tribunal a omis de prendre en compte certains éléments de preuve essentiels. La comparaison des signes doit pourtant s’appuyer sur l’impression d’ensemble produite par les éléments dominants et distinctifs de chaque dénomination commerciale. Les juges du fond n’ont pas suffisamment justifié pourquoi la présence de segments communs ne créait pas un lien dans l’esprit du public.
B. L’exigence d’une motivation exhaustive des juges du fond
L’arrêt commenté souligne l’importance capitale du devoir de motivation qui incombe aux juridictions européennes lors de l’examen des recours en annulation. La Cour de justice relève que le Tribunal a statué de manière péremptoire sans répondre aux arguments précis concernant la structure des signes. La décision est annulée car elle ne permet pas de comprendre le cheminement intellectuel ayant conduit à l’exclusion de toute ressemblance. Une motivation lacunaire constitue une violation des formes substantielles et empêche l’exercice efficace du contrôle juridictionnel par la juridiction de cassation. L’examen de la validité formelle de la décision conduit désormais à s’interroger sur l’influence du fondement matériel du litige sur la protection accordée.
II. L’incidence de la renommée sur la protection de la marque
A. La prise en compte impérative de la notoriété acquise
L’existence d’une renommée pour la marque antérieure constitue un facteur déterminant qui peut compenser une faible similitude entre les signes examinés. La Cour de justice rappelle que la protection étendue conférée aux marques renommées impose une analyse particulièrement rigoureuse de la part des juges. Le Tribunal aurait dû vérifier si la notoriété alléguée était de nature à modifier la perception du consommateur moyen face au nouveau signe. En ignorant cet aspect du litige, les juges du fond ont méconnu les principes régissant l’interaction entre la ressemblance et la force distinctive. La renommée renforce l’exigence d’un examen attentif du risque d’association que le public pourrait établir entre les différentes entités commerciales.
B. La portée du renvoi devant le Tribunal de l’Union
La décision de la Cour de justice entraîne l’annulation totale de l’arrêt attaqué et le renvoi de l’affaire devant la juridiction de première instance. Ce renvoi oblige le Tribunal de l’Union européenne à statuer de nouveau en respectant strictement les indications juridiques fournies par la juridiction supérieure. Les dépens sont réservés, ce qui signifie que la charge financière finale sera déterminée à l’issue de la nouvelle procédure au fond. Cette solution garantit le respect du double degré de juridiction tout en assurant une application uniforme du droit des marques européennes. La portée de cet arrêt réside dans la confirmation que la renommée d’une marque ne peut être occultée lors de la phase comparative.