La Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions de maintien des effets d’un acte national illégal au regard du droit de l’environnement. Une juridiction nationale a été saisie d’un litige portant sur une disposition interne adoptée en méconnaissance des obligations prévues par la directive 2001/42/CE. Le débat porte sur la validité d’une norme n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement conformément aux exigences européennes.
La juridiction de renvoi expose que l’annulation immédiate de la mesure litigieuse pourrait engendrer un vide juridique préjudiciable à la protection des ressources naturelles. Le requérant soutient que l’illégalité constatée impose une disparition rétroactive totale de la norme nationale sans possibilité de modulation des effets dans le temps. Les autorités nationales font valoir au contraire que des circonstances exceptionnelles justifient le maintien provisoire des effets de la disposition pour garantir la sécurité juridique. Le juge national s’interroge alors sur la marge de manœuvre dont il dispose pour limiter les conséquences de cette déclaration d’illégalité.
Le problème de droit est de savoir si le juge national peut maintenir temporairement les effets d’une norme nationale illégale pour protéger l’environnement. La Cour répond qu’une telle faculté est possible sous réserve de remplir des conditions cumulatives strictes et de respecter les obligations de renvoi préjudiciel. L’analyse portera sur l’encadrement du maintien des effets de la norme illégale avant d’aborder les exigences procédurales imposées au juge national de dernier ressort.
I. L’encadrement strict du maintien temporaire des effets d’une norme nationale illégale
A. La protection de l’environnement comme fondement d’une dérogation exceptionnelle
Le juge national peut décider de « limiter dans le temps certains effets d’une déclaration d’illégalité d’une disposition du droit national » contraire au droit européen. Cette prérogative demeure strictement conditionnée par « une considération impérieuse liée à la protection de l’environnement » ainsi que par les circonstances spécifiques de chaque espèce. La Cour de justice admet ainsi que la disparition immédiate d’une norme puisse être plus nocive pour l’intérêt général que son application provisoire. Cette exception s’interprète de manière restrictive afin de ne pas vider de sa substance l’obligation de transposition correcte des directives environnementales. Le magistrat doit vérifier que le maintien de l’acte permet réellement d’éviter des conséquences écologiques désastreuses découlant d’une annulation pure et simple.
B. La subordination du maintien aux conditions cumulatives de la jurisprudence
Le bénéfice de cette faculté exceptionnelle impose que la disposition attaquée constitue déjà une « mesure de transposition correcte du droit de l’Union » sur le fond. L’annulation doit en outre avoir pour conséquence de « créer un vide juridique » qui se traduirait par une protection moindre de l’environnement concerné. Ce maintien provisoire ne peut couvrir que le « laps de temps strictement nécessaire » à l’adoption de nouvelles mesures régularisant la situation juridique. Le juge national doit s’assurer que l’adoption d’une nouvelle disposition ne permet pas d’éviter immédiatement les effets préjudiciables nés de la suppression. Ces critères cumulatifs garantissent que la dérogation ne sert pas à perpétuer indéfiniment une violation manifeste des obligations découlant des traités européens.
II. L’exigence d’une coopération juridictionnelle renforcée pour l’appréciation du maintien
A. L’obligation de principe de saisine préjudicielle du juge de dernier ressort
Une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours est « tenue de saisir la Cour à titre préjudiciel » sur cette question. Cette obligation permet à la Cour de vérifier si les circonstances justifient réellement le maintien provisoire de dispositions jugées contraires au droit de l’Union. Le juge européen centralise l’appréciation de la validité temporelle des actes pour assurer une application uniforme du droit de l’environnement sur tout le territoire. La protection de l’ordre juridique européen exige que les juridictions suprêmes ne décident pas seules de suspendre les effets de la primauté du droit. Cette procédure de dialogue garantit que l’exception ne devienne pas une pratique courante au détriment de l’efficacité de la directive 2001/42/CE.
B. La dispense de renvoi subordonnée à l’absence de doute raisonnable
Le juge national n’est dispensé de cette obligation de saisine que lorsqu’il est convaincu qu’« aucun doute raisonnable n’existe » quant à l’application des conditions. Cette certitude doit être démontrée de « manière circonstanciée » par la juridiction pour justifier l’absence de recours au mécanisme de l’article 267 du traité. Le magistrat doit ainsi prouver que l’interprétation des critères fixés par la jurisprudence est claire et ne nécessite aucune clarification supplémentaire du juge européen. Cette rigueur argumentative empêche le juge national de se substituer arbitrairement à la Cour de justice dans l’appréciation des nécessités de maintien temporaire. La démonstration du caractère évident de la solution constitue un rempart essentiel contre les risques d’applications divergentes du droit de l’Union.