Cour de justice de l’Union européenne, le 28 novembre 2024, n°C-432/22

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 24 octobre 2024, précise l’articulation entre le droit européen et les procédures pénales nationales. La juridiction bulgare s’interroge sur la conformité de son code de procédure pénale relatif aux accords de règlement conclus par certains prévenus seulement. Un individu poursuivi pour participation à un groupe criminel organisé et trafic de stupéfiants a sollicité la conclusion d’un tel accord avec le parquet. Le droit national exige toutefois l’intervention d’une formation de jugement distincte et le consentement unanime des autres mis en cause pour valider cette convention. La juridiction de renvoi demande si ces contraintes procédurales respectent le principe de protection juridictionnelle effective garanti par le traité sur l’Union européenne. La Cour examine d’abord la légalité de la désignation d’une formation ad hoc avant d’analyser l’exigence de consentement des co-prévenus.

**I. La validité des mesures d’administration judiciaire relatives aux accords pénaux**

La Cour rappelle que l’organisation de la justice relève de la compétence des États membres, sous réserve du respect de leurs obligations européennes fondamentales. Elle admet ainsi que le droit national puisse attribuer la compétence de statuer sur un accord à une formation de jugement spécialisée.

*A. La faculté de désigner une formation de jugement spécialisée*

La désignation d’une formation de jugement ad hoc pour statuer sur un accord de culpabilité constitue une mesure d’administration de la justice autorisée. « L’organisation de la justice dans les États membres, notamment l’institution, la composition, les compétences et le fonctionnement des juridictions nationales, relève de la compétence de ces États ». Cette liberté organisationnelle permet d’adapter le traitement des dossiers complexes impliquant une pluralité de personnes poursuivies pour des faits de criminalité organisée. La compétence attribuée à un tribunal distinct ne porte pas atteinte au principe d’immédiateté de la procédure pénale dès lors que l’intéressé renonce au procès.

*B. La préservation de l’impartialité et de la présomption d’innocence*

Le recours à une formation de jugement différente vise essentiellement à garantir l’impartialité objective du tribunal chargé de juger les autres mis en cause. Cette mesure évite que les juges du fond ne soient influencés par la reconnaissance de culpabilité d’un participant avant d’examiner le cas des tiers. La Cour souligne que la préservation de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions nationales est une exigence découlant directement de l’article dix-neuf du traité européen. La protection de la présomption d’innocence impose d’éviter toute mention préjudiciable aux co-prévenus dans la décision validant l’accord de règlement individuel conclu initialement.

L’examen se porte ensuite sur la nécessité d’obtenir l’accord de l’ensemble des parties poursuivies pour valider une procédure de plaider-coupable durant la phase juridictionnelle.

**II. La légitimité des restrictions à la conclusion d’accords négociés**

Cette exigence nationale ne constitue pas une restriction indue au droit de recours mais participe à l’équilibre global du procès équitable. L’autonomie des États demeure ici préservée.

*A. L’exigence du consentement unanime des co-prévenus*

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une législation subordonne l’approbation d’un accord individuel au consentement préalable de tous les autres prévenus. Cette condition procédurale trouve sa justification dans le lien étroit unissant les faits reprochés aux différents membres d’un même groupe criminel organisé. « L’exigence de consentement des autres prévenus relève du droit à un procès équitable et de leurs droits de la défense » selon l’interprétation souveraine des juges. Une telle disposition prévient les risques de condamnations indirectes fondées sur des accords négociés auxquels les tiers n’ont pas pu participer activement.

*B. La protection renforcée des droits de la défense des tiers*

Le respect des droits de la défense interdit de fonder une condamnation sur des éléments dont les parties n’ont pas pu discuter contradictoirement. L’approbation d’un accord pourrait lier la juridiction ultérieure quant à la matérialité de certains faits criminels imputés collectivement à l’ensemble du groupe. Le principe de protection juridictionnelle effective impose donc de mettre en balance l’efficacité de la justice négociée avec les garanties fondamentales dues aux non-signataires. La solution retenue confirme que les États peuvent privilégier la solidité des droits de la défense sur la célérité offerte par les mécanismes de règlement simplifiés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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