Cour de justice de l’Union européenne, le 29 avril 2015, n°C-528/13

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision préjudicielle le 29 avril 2015 concernant les critères d’admissibilité des donneurs de sang humain. Un candidat au don s’est vu opposer un refus définitif par un établissement de transfusion en raison de ses relations sexuelles avec un homme. Cette éviction permanente s’appuyait sur un arrêté ministériel national du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des candidats pour protéger les receveurs. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Strasbourg a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur cette pratique. La question de droit porte sur la compatibilité d’une exclusion systématique des hommes ayant eu des rapports homosexuels avec la directive 2004/33 et la Charte. La Cour précise qu’une telle mesure est admissible seulement si un risque élevé est démontré et si le principe de proportionnalité est strictement respecté. L’analyse juridique de cette décision impose de distinguer la qualification du risque sanitaire avant d’examiner les modalités de conciliation avec les droits fondamentaux.

I. La qualification juridique d’un comportement sexuel à risque élevé

A. L’interprétation uniforme des critères d’exclusion technique

La Cour souligne d’abord l’importance d’une application homogène du droit de l’Union malgré les divergences constatées entre les différentes versions linguistiques de la directive. Elle affirme que « l’économie générale et la finalité de cette dernière directive conduisent à retenir l’interprétation selon laquelle l’exclusion permanente du don » exige un risque élevé. Cette précision sémantique permet de séparer les motifs d’exclusion temporaire des situations imposant une interdiction définitive de participer à la collecte de produits sanguins. Le juge européen reconnaît ici une marge d’appréciation aux États membres pour définir les catégories de personnes dont le comportement expose autrui à des maladies. La qualification de risque élevé constitue le fondement nécessaire pour justifier une atteinte à la liberté du candidat dans un objectif de protection sanitaire. Cette exigence de rigueur scientifique s’impose pour écarter toute décision arbitraire lors de la fixation des critères d’admissibilité par les autorités nationales compétentes.

B. La validation factuelle de la situation épidémiologique nationale

L’analyse porte ensuite sur l’examen des données statistiques produites par les organismes de veille sanitaire pour démontrer la réalité d’un péril infectieux particulier. La juridiction européenne note que la prévalence du virus de l’immunodéficience humaine au sein du groupe concerné peut motiver une politique de vigilance spécifique. Elle rappelle qu’il appartient au juge national de vérifier si ces données sont fiables et si elles demeurent pertinentes selon les connaissances médicales. « L’appréciation de l’existence d’un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves » doit impérativement reposer sur des preuves scientifiques tangibles et non sur des représentations. Le tribunal doit s’assurer que la situation épidémiologique locale justifie objectivement une surveillance accrue de cette catégorie de donneurs masculins pour protéger les malades. Cette validation factuelle est le préalable indispensable avant d’étudier la conformité de la mesure aux principes supérieurs garantis par l’ordre juridique européen.

II. La conciliation impérative entre sécurité sanitaire et non-discrimination

A. L’existence d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle

La Cour examine la mesure nationale au regard de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux qui interdit les discriminations liées à l’orientation sexuelle. En ciblant exclusivement les hommes ayant eu des rapports avec d’autres hommes, la réglementation instaure une différence de traitement fondée sur la sexualité. La décision énonce que l’arrêté « est susceptible de comporter, à l’égard des personnes homosexuelles, une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » au sens du droit primaire. Bien que l’objectif de protection de la santé soit légitime, la restriction ne saurait remettre en cause le contenu essentiel du principe d’égalité. L’exclusion devient alors une limitation de l’exercice d’un droit fondamental qui doit répondre précisément aux besoins de protection des droits et libertés d’autrui. La neutralité de la règle technique ne peut occulter une stigmatisation injustifiée d’une fraction de la population en raison de ses choix de vie intime.

B. Le contrôle strict de proportionnalité des mesures d’éviction

Le respect du principe de proportionnalité impose enfin de vérifier si des techniques moins contraignantes permettent d’atteindre un niveau élevé de sécurité pour les receveurs. La Cour invite la juridiction nationale à rechercher si les progrès scientifiques offrent des moyens de détection efficaces durant la période de fenêtre silencieuse. Il convient d’évaluer si un entretien individuel approfondi ou des questionnaires ciblés pourraient « identifier plus précisément les comportements présentant un risque pour la santé des receveurs ». L’interdiction permanente ne doit pas être maintenue si des méthodes alternatives, comme la mise en quarantaine des dons, sont réalisables sans contraintes excessives. Le juge conclut qu’une telle contre-indication « ne respecterait pas le principe de proportionnalité » si des solutions technologiques assurent une protection identique de la vie humaine. Cette exigence de subsidiarité limite le recours aux exclusions radicales au profit d’une évaluation personnalisée du risque présenté par chaque candidat au don.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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