La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 29 avril 2021, précise les limites de l’autonomie fiscale des États membres. Le litige opposait un investisseur à une administration fiscale nationale concernant le traitement des produits distribués par un organisme de placement collectif étranger. Ce dernier revêtait une forme statutaire, alors que la législation de l’État de résidence du contribuable n’autorisait que la forme contractuelle. L’investisseur a sollicité le 20 juin 2017 un rescrit fiscal sur le traitement des bénéfices annuels qui lui seraient prochainement distribués. L’administration a qualifié ces revenus de professionnels le 10 novembre 2017, appliquant un taux d’imposition progressif pouvant atteindre cinquante pour cent des sommes. Le contribuable revendiquait l’application du régime des revenus du capital, limité à un taux maximal de trente-quatre pour cent, propre aux organismes nationaux. Saisi par une juridiction administrative suprême, le juge européen examine la compatibilité de cette distinction avec la libre circulation des capitaux. L’analyse porte d’abord sur la caractérisation d’une entrave avant d’aborder l’exigence de comparabilité objective entre les structures de placement collectif.
I. La caractérisation d’une entrave à la liberté de circulation des capitaux
A. Le constat d’un traitement fiscal défavorable
Le juge européen rappelle que les États membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect des libertés fondamentales du marché unique. Il souligne que « les mesures interdites […] comprennent celles qui sont de nature à dissuader les résidents d’un État membre d’investir ailleurs ». L’application d’un taux de cinquante pour cent aux revenus étrangers contre trente-quatre pour cent pour les revenus nationaux crée une différence manifeste. Cette pression fiscale accrue constitue un obstacle financier direct pour les contribuables souhaitant diversifier leurs placements au sein de l’Union européenne. Le juge considère que cette modalité de taxation est susceptible de détourner les épargnants des produits financiers proposés par des entités non résidentes.
B. L’insuffisance de la forme juridique comme critère de différenciation
L’administration fiscale justifiait l’imposition supérieure par l’absence d’équivalent local strict à la forme statutaire de l’organisme de placement collectif étranger. La Cour rejette cet argument en affirmant que « la forme statutaire […] ne place pas cet organisme dans une situation différente ». La qualification juridique issue du droit commercial ne saurait être transposée de manière automatique dans la sphère de la fiscalité directe. Le droit national énumère d’ailleurs les participations aux bénéfices et les dividendes comme des revenus du capital sans condition de forme préalable. Une telle pratique transforme une simple divergence technique d’organisation en un instrument de protectionnisme fiscal incompatible avec les objectifs du traité.
II. L’exigence de comparabilité au service de la neutralité fiscale
A. La prévalence des caractéristiques fonctionnelles des organismes
Le caractère comparable d’une situation transfrontalière doit s’apprécier au regard de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause. Les deux types d’organismes partagent un objet exclusif de placement collectif en valeurs mobilières conformément aux exigences de la directive sectorielle commune. L’objectif de la loi nationale est d’assurer une imposition unique au niveau de l’investisseur tout en exonérant l’entité de gestion elle-même. Dès lors que l’organisme étranger remplit ces fonctions de collecte et de redistribution, il se trouve dans une situation objectivement semblable. La Cour précise que la forme juridique de l’organisme distributeur ne constitue pas un critère pertinent pour écarter l’assimilation fiscale entre entités.
B. L’absence de justification par un intérêt général impérieux
Une restriction à la libre circulation des capitaux ne peut être admise que si elle repose sur des raisons impérieuses d’intérêt général. L’État membre n’a toutefois invoqué aucun motif légitime pour soutenir la nécessité de cette différence de traitement entre les formes contractuelles et statutaires. La Cour constate simplement que le gouvernement n’a apporté aucun élément susceptible de justifier l’entrave lors de l’examen de la pratique litigieuse. La protection du rendement budgétaire ou la simple cohérence formelle du système fiscal ne suffisent pas à valider une discrimination entre investissements. Le dispositif de l’arrêt confirme que les articles du traité s’opposent à un refus d’assimilation fondé sur l’absence de correspondance structurelle.