Par un arrêt rendu par sa septième chambre le 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi formé contre une ordonnance du Tribunal. Un règlement européen imposait des droits antidumping définitifs sur les importations de certains produits métalliques originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan. Une association représentant des importateurs a introduit un recours en annulation contre cet acte normatif devant la juridiction de première instance. Par une ordonnance, le Tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable au motif que l’association ne disposait pas de la qualité pour agir. L’appelante soutient devant la Cour que ses membres sont individuellement concernés par la mesure et que le règlement ne comporte aucune mesure d’exécution. La question posée est celle des conditions d’accès au juge de l’Union pour une association professionnelle contestant un acte de portée générale. La Cour confirme l’irrecevabilité en rappelant les critères stricts de l’affectation individuelle et en qualifiant les procédures douanières nationales de mesures d’exécution. L’analyse portera d’abord sur la confirmation du caractère restrictif de l’affectation individuelle, avant d’aborder la qualification des mesures d’exécution fermant l’accès direct au juge.
I. La confirmation du caractère restrictif de l’affectation individuelle
A. Le rappel de l’exigence d’une situation particulière
La Cour rappelle qu’une association défendant des intérêts collectifs n’est recevable à agir que si ses membres pourraient eux-mêmes introduire un recours individuel. Les règlements instituant des droits antidumping ont une nature normative s’appliquant à la généralité des opérateurs, mais peuvent parfois concerner directement certains d’entre eux. Elle précise que « la qualité d’importateur ne saurait suffire, à elle seule, pour considérer qu’un importateur est individuellement concerné par un règlement ». L’opérateur doit rapporter la preuve que des données relatives à son activité commerciale ont été effectivement prises en compte pour constater le dumping. Cette exigence jurisprudentielle classique limite la recevabilité aux seuls importateurs dont les prix de revente ont servi à la construction du prix à l’exportation. En l’espèce, l’association requérante ne soutenait pas que ses membres se trouvaient dans l’une des situations spécifiques identifiées par cette jurisprudence établie.
B. L’insuffisance de la dépendance économique et de la participation procédurale
L’appelante invoquait une dépendance économique majeure de ses membres vis-à-vis des exportateurs visés pour justifier une individualisation au sens de la jurisprudence Plaumann. Elle soulignait que les besoins d’approvisionnement de ses membres dépendaient des importations litigieuses à hauteur de cinquante à soixante-cinq pour cent de leur activité. Le juge considère toutefois que cette circonstance ne suffit pas à distinguer ces opérateurs de tout autre importateur se trouvant dans une situation identique. La Cour écarte également l’argument tiré de la participation proactive de l’association à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué. Elle affirme que « la participation d’une entreprise à une procédure antidumping n’est pas, en soi, de nature à faire naître un droit à intenter un recours ». Cette participation n’individualise l’auteur du recours que si la réglementation lui accorde des garanties procédurales spécifiques dont il entend invoquer la méconnaissance. La rigueur de cette appréciation de l’intérêt à agir conduit naturellement à examiner la nature de l’acte au regard de ses modalités d’application.
II. La qualification de mesure d’exécution fermant l’accès direct au juge
A. L’assimilation de l’octroi de la mainlevée à une mesure d’exécution
Le second moyen du pourvoi portait sur la notion d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263 du traité. L’association prétendait que l’application du règlement était automatique et ne requérait aucune intervention active des administrations nationales pour produire des effets juridiques. La Cour rejette cette interprétation en se fondant sur les dispositions précises du code des douanes de l’Union relatives à la naissance de la dette. Elle souligne que « l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut décision notifiant la dette douanière au débiteur » selon la législation. Même si le système électronique accepte immédiatement les déclarations, cette opération constitue juridiquement une mesure d’exécution prise par une autorité compétente. L’intervention de l’administration nationale, fût-elle automatisée ou dépourvue de contrôle physique, demeure indispensable pour que le droit antidumping s’applique concrètement à l’importateur.
B. La préservation du renvoi préjudiciel comme voie de droit commune
La qualification de mesure d’exécution entraîne l’impossibilité pour les requérants de bénéficier de la condition de recevabilité assouplie prévue pour les actes réglementaires. Les particuliers ne sont pas privés de protection juridictionnelle, mais ils doivent contester la validité de l’acte devant les juridictions de leurs pays respectifs. La Cour explique que les justiciables « sont protégés contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution ». Les juges nationaux peuvent alors interroger la Cour par la voie de questions préjudicielles sur le fondement de l’article 267 du traité. Cette solution assure la cohérence du système de contrôle juridictionnel en évitant que les recours directs ne deviennent la voie normale de contestation. En confirmant l’existence de mesures d’exécution nationales, le juge de l’Union maintient une séparation stricte entre le contentieux de l’annulation et le contentieux de l’interprétation. Le rejet du pourvoi consacre ainsi une lecture littérale et rigoureuse des voies de droit offertes aux groupements professionnels dans l’ordre juridique européen.