La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le vingt-neuf mars deux mille douze, une décision fondamentale relative à la répartition des compétences environnementales. Ce litige concerne l’étendue du contrôle exercé sur les plans nationaux d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Un État membre avait notifié son plan pour la période s’étendant de deux mille huit à deux mille douze, conformément à la directive applicable. L’institution européenne a rejeté ce projet en fixant autoritairement une quantité maximale de quotas, imposant ainsi une réduction substantielle de la proposition initiale. L’État membre a formé un recours en annulation devant le Tribunal, lequel a fait droit à ses prétentions en annulant la décision litigieuse. L’institution a alors formé un pourvoi, soutenant que son pouvoir de contrôle ex ante lui permettait de définir une méthodologie uniforme. La question centrale posée à la juridiction est de savoir si le contrôle de conformité autorise la substitution de l’analyse technique de l’institution. La Cour juge que l’institution ne peut pas fixer de plafond contraignant sans méconnaître la marge de manœuvre réservée aux autorités nationales compétentes. Le commentaire examinera d’abord la préservation de l’autonomie nationale avant d’analyser l’indivisibilité de l’acte administratif injustement imposé.
**I. La préservation de la marge de manœuvre des autorités nationales**
**A. La nature strictement limitée du contrôle de légalité**
La Cour souligne que les instances nationales disposent d’une compétence exclusive pour élaborer le plan précisant la quantité totale de quotas à allouer. Elle rappelle « que l’État membre est seul compétent, d’une part, pour élaborer le plan national d’allocation par lequel il propose d’atteindre les objectifs ». Cette autonomie découle de la nature même de la directive, laquelle lie les États quant aux résultats tout en laissant le choix des moyens. L’intervention de l’institution doit se borner à vérifier la conformité du projet aux critères objectifs énumérés par le texte européen de référence. Le juge précise que « le rôle de la Commission est limité à un contrôle de la conformité du plan national d’allocation de l’État membre ». L’institution ne peut donc pas s’immiscer dans les choix de politique énergétique nationale sans outrepasser les compétences strictement définies par le législateur.
**B. L’interdiction d’un pouvoir de substitution méthodologique**
La liberté de méthode reconnue aux États membres interdit à l’institution d’imposer ses propres données économiques ou ses prévisions de croissance du produit intérieur. La Cour affirme que les différences méthodologiques constituent « une manifestation de leur marge de manœuvre, que la Commission doit respecter dans le cadre de son contrôle ». L’institution ne saurait écarter les données nationales au seul motif qu’elles s’écartent de ses propres évaluations ou de ses modèles économiques préférentiels. Elle doit démontrer que les chiffres fournis par l’État conduisent nécessairement à une incompatibilité manifeste avec les critères de protection de l’environnement. Le juge conclut que « considérer que la Commission peut fixer une telle quantité maximale dépasserait les limites d’une interprétation téléologique de cette directive ». L’absence de base juridique empêche la transformation d’un contrôle de légalité en un pouvoir de substitution ou d’uniformisation forcée des politiques.
**II. L’indivisibilité de la décision de rejet injustifiée**
**A. Le caractère non détachable des dispositions de l’acte**
L’annulation prononcée en première instance portait sur l’ensemble de la décision, malgré le caractère partiel des moyens de droit initialement soulevés par l’État. L’institution contestait cette portée globale en invoquant la possibilité de détacher les dispositions relatives au plafond de celles concernant d’autres critères techniques. La Cour de justice valide le raisonnement du Tribunal en considérant que les différentes parties de l’acte administratif forment un tout cohérent et indivisible. Elle juge que l’annulation partielle n’est possible que si les éléments contestés sont réellement détachables du reste de l’acte sans modifier sa substance. En l’espèce, la fixation de la quantité totale constitue l’élément principal dont dépendent étroitement toutes les autres modalités de répartition des quotas d’émission.
**B. La sanction de l’excès de pouvoir par l’annulation intégrale**
La juridiction suprême confirme que l’annulation d’un paragraphe essentiel entraîne la disparition de l’acte car il perdrait alors son esprit et sa cohérence. Le juge observe qu’une annulation restreinte « substituerait à la décision litigieuse […] une décision différente aux termes de laquelle ce plan pourrait être adopté ». L’institution aurait alors été liée par un engagement de non-objection sur un projet qu’elle n’avait pas l’intention de valider dans ces conditions. Cette approche objective garantit le respect de la volonté initiale de l’auteur de l’acte tout en sanctionnant l’illégalité manifeste du plafond imposé. La décision de rejet doit donc disparaître intégralement de l’ordonnancement juridique communautaire pour permettre l’ouverture d’une nouvelle procédure de coopération loyale. Le pourvoi est ainsi rejeté, confirmant la victoire juridique de l’État membre face aux prétentions de l’institution en matière de régulation climatique.