Cour de justice de l’Union européenne, le 30 mars 2017, n°C-146/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 mars 2017, une décision fondamentale concernant l’interprétation de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales. Cet arrêt précise les modalités de communication des informations substantielles dues au consommateur lors d’une invitation à l’achat figurant sur un support imprimé. Une association de défense de la concurrence a contesté une publicité parue dans un hebdomadaire, reprochant l’absence des coordonnées géographiques des vendeurs sur l’annonce. Ces produits étaient accessibles via une plateforme numérique dont l’adresse figurait dans la publication, permettant d’identifier le fournisseur après une recherche en ligne. Le Landgericht de Bonn a accueilli la demande de cessation le 6 mars 2014, mais l’Oberlandesgericht de Cologne a ultérieurement infirmé ce jugement. Saisie d’un pourvoi en Revision, la Cour fédérale de justice d’Allemagne a, par décision du 28 janvier 2016, interrogé la juridiction européenne sur ce point. Le litige repose sur l’opposition entre l’exigence d’une information immédiate et la possibilité de renvoyer le consommateur vers un site internet facilement accessible. La Cour doit déterminer si l’omission de l’identité du professionnel sur le support physique constitue une pratique trompeuse malgré la disponibilité numérique des données. L’étude de cet arrêt suppose d’analyser l’assouplissement des obligations d’information avant d’apprécier la conciliation opérée entre protection du consommateur et contraintes matérielles.

I. L’assouplissement des obligations d’information lors d’une invitation à l’achat

A. La caractérisation de l’invitation à l’achat en tant que support publicitaire La Cour confirme d’abord que l’annonce litigieuse constitue une invitation à l’achat, car elle contient des indications suffisantes sur les produits et leurs prix respectifs. Selon l’article 2 de la directive, une communication commerciale est une invitation dès lors qu’elle permet au consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause. La juridiction précise que « l’information qu’elle contient au sujet des produits faisant l’objet de cette annonce et de leur prix est suffisante » pour influencer le comportement. Cette qualification juridique est essentielle puisqu’elle déclenche l’application automatique des exigences d’information prévues par la législation européenne sur les pratiques commerciales trompeuses ou déloyales. Elle impose en principe la mention de l’identité du professionnel, de son adresse géographique et des caractéristiques principales du bien proposé sur le support de communication.

B. La prise en compte des limites spatiales du vecteur de communication L’arrêt souligne que l’étendue de l’information doit être appréciée en fonction du contexte factuel et des limites propres au moyen de communication spécifiquement utilisé. La Cour rappelle que « l’adresse géographique et l’identité du professionnel » sont des données substantielles, mais leur communication peut être adaptée selon le support publicitaire choisi. Elle introduit une flexibilité notable en admettant que des limites d’espace puissent restreindre la quantité de renseignements figurant immédiatement sur une publication de nature imprimée. Ainsi, une plateforme présentant de nombreux produits émanant de divers fournisseurs peut légitimement se heurter à des contraintes matérielles empêchant une énumération exhaustive et détaillée. Cette interprétation permet d’éviter une surcharge informationnelle qui nuirait à la lisibilité de l’annonce tout en respectant l’esprit protecteur des normes de consommation européennes.

Cette adaptation des exigences formelles aux particularités du support publicitaire nécessite toutefois de définir les conditions strictes permettant de garantir l’information effective du public visé.

II. Une conciliation pragmatique entre protection du consommateur et contraintes matérielles

A. L’appréciation casuistique de l’accessibilité des données substantielles La solution retenue subordonne l’omission licite des informations sur le support physique à l’accessibilité réelle et rapide de ces mêmes données par un autre moyen. Le juge national doit vérifier si les mesures prises par le professionnel permettent au consommateur d’obtenir les mentions requises « simplement et rapidement » sur internet. L’arrêt précise que « tel ne doit pas nécessairement être le cas lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale impose des limites ». Cette approche oblige les tribunaux à examiner, au cas par cas, si le renvoi vers une plateforme numérique compense effectivement l’absence d’identification immédiate. La protection du consommateur n’est donc pas affaiblie mais adaptée à l’évolution des pratiques commerciales hybrides mêlant publicités papier et transactions réalisées dans l’univers numérique.

B. La portée de l’interprétation sur les modèles de vente par plateformes La Cour clarifie également que l’obligation d’information ne dépend pas de la qualité du vendeur, qu’il s’agisse de l’auteur de l’annonce ou d’un tiers. Cette précision est capitale pour les gestionnaires d’interfaces de vente en ligne qui regroupent une multitude de partenaires commerciaux sur un espace promotionnel restreint. Elle confirme que les informations exigées « demeurent nécessaires », même si elles peuvent être fournies par le biais du site internet mentionné dans l’annonce initiale. Cette décision offre un cadre juridique sécurisant pour le commerce électronique tout en garantissant que les données essentielles à la décision commerciale restent à disposition. La jurisprudence ainsi fixée encourage la transparence des plateformes sans imposer de contraintes techniques ou matérielles disproportionnées aux supports de communication traditionnels par voie de presse.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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