Cour de justice de l’Union européenne, le 31 janvier 2019, n°C-149/18

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 31 janvier 2019, précise l’articulation entre le règlement européen et les dispositions nationales. Un accident de la circulation survient en Espagne et implique un ressortissant portugais qui saisit alors les juridictions de son propre État de résidence. Le litige oppose la victime à une société d’assurance concernant le délai de prescription applicable à l’action en réparation des divers préjudices subis. Le Tribunal da Relação de Évora sursoit à statuer pour interroger la Cour sur la qualification de loi de police d’un délai de prescription national. Il s’agit de savoir si une règle nationale de prescription peut évincer la loi normalement compétente désignée par le règlement sur les obligations délictuelles. La Cour juge qu’une telle disposition ne constitue une loi de police que si elle revêt une importance cruciale pour l’ordre juridique de l’État. Le commentaire examinera l’interprétation restrictive des dispositions impératives nationales pour ensuite analyser l’absence d’autonomie des directives sectorielles en matière de conflit de lois.

I. L’encadrement strict de la qualification de disposition impérative dérogatoire

A. L’exigence d’une importance fondamentale dans l’ordre juridique national

Le règlement européen consacre en principe la loi du lieu du dommage pour régir les obligations non contractuelles issues d’un accident de la route. La Cour rappelle cependant que l’article 16 permet d’appliquer les dispositions impératives de la loi du forum au détriment de la loi normalement désignée. Une disposition nationale prévoyant un délai de trois ans « ne peut pas être considérée comme une disposition impérative dérogatoire » sans une analyse spécifique. Les juges imposent une vérification approfondie des termes, des objectifs et du contexte de l’adoption de la norme par la juridiction nationale de renvoi. Une règle revêtant « une importance telle dans l’ordre juridique national » peut seule justifier l’éviction de la loi étrangère désignée par l’article 4. L’appréciation de cette importance fondamentale repose sur une méthode d’analyse imposée par les juges européens afin d’unifier les pratiques juridictionnelles nationales.

B. Le contrôle rigoureux des critères d’identification de la loi de police

Le juge national doit mener une « analyse circonstanciée » pour démontrer que la sauvegarde de l’organisation politique exige impérativement l’application de sa loi. Cette approche restrictive garantit la sécurité juridique des parties en limitant les exceptions au principe de la loi du lieu du dommage corporel. L’arrêt souligne que la prescription ne peut être qualifiée de loi de police par simple convenance procédurale ou par préférence pour le droit interne. L’importance de la règle doit être telle qu’elle rend l’application de la loi étrangère inacceptable pour l’État membre dont le tribunal est ici saisi. Cette interprétation étroite préserve l’harmonie des décisions au sein de l’espace judiciaire européen en évitant une multiplication injustifiée des exceptions nationales de nature impérative. Cette exigence de motivation circonstanciée pour écarter la loi applicable se double d’une exclusion des mécanismes de conflit issus d’autres textes du droit européen.

II. L’exclusion des règles spéciales de conflit au titre de la directive assurance

A. La primauté maintenue du règlement Rome II sur la directive sectorielle

L’article 27 du règlement réserve l’application des dispositions du droit de l’Union qui règlent les conflits de lois dans des matières particulières et spécifiques. La directive concernant l’assurance de la responsabilité civile automobile ne contient toutefois pas de règles propres de rattachement pour les obligations non contractuelles litigieuses. L’article 28 de cette directive ne constitue pas « une disposition de droit de l’Union qui règle les conflits de lois » au sens du règlement précité. Cette précision interdit de détourner les règles communes au profit de transpositions nationales fondées sur des textes à vocation purement sectorielle. Le droit de l’Union maintient une hiérarchie claire en faveur de l’instrument général de conflit de lois pour assurer une application juridique uniforme. Le refus de reconnaître une règle de conflit dans la directive assurance permet de sécuriser le cadre juridique applicable aux sinistres routiers de nature transfrontalière.

B. La préservation de la prévisibilité du droit applicable aux accidents de la circulation

L’exclusion de la directive comme source de conflit de lois renforce l’objectif de prévisibilité poursuivi par le législateur européen lors de l’adoption du règlement. Les victimes et les assureurs peuvent ainsi déterminer avec certitude la loi régissant le litige dès la réalisation du dommage dans un État membre. La Cour refuse de fragmenter le régime des accidents de la circulation par l’introduction de règles de conflit éparses dans des textes à finalité technique. Cette décision confirme que seule une règle de conflit explicite peut déroger aux mécanismes généraux de rattachement prévus par le droit commun de l’Union. La solution adoptée favorise la stabilité des relations juridiques transfrontalières en évitant les incertitudes liées à l’interprétation extensive des directives par les juges nationaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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