La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le quatre octobre deux mille vingt-quatre, une décision fondamentale concernant la régulation du marché du travail sportif. Cette affaire interroge la conformité du règlement international sur le statut des joueurs aux libertés économiques garanties par les traités européens.
Un joueur professionnel a conclu en deux mille treize un contrat de travail d’une durée de quatre années avec un club établi en Russie. L’employeur a résilié l’engagement un an plus tard en invoquant une faute du salarié et a réclamé une forte indemnité de rupture. Le sportif a ensuite cherché un nouvel employeur mais s’est heurté aux obstacles financiers et administratifs posés par la fédération internationale.
Un club de football belge a proposé un contrat sous conditions suspensives liées à l’absence de solidarité financière et à la délivrance d’un certificat. Le tribunal de commerce du Hainaut a reconnu la responsabilité des instances sportives pour le préjudice subi par le joueur sur son territoire national. La Cour d’appel de Mons a alors décidé de surseoir à statuer pour solliciter l’interprétation de la juridiction européenne sur ces points.
Le demandeur soutient que les règles fédérales entravent sa liberté de circulation et faussent la concurrence entre les clubs au sein du marché intérieur. La question posée est de savoir si le droit de l’Union interdit une réglementation sportive imposant des sanctions financières et sportives automatiques lors de ruptures contractuelles.
Les juges affirment que ces dispositions s’opposent à des règles imposant une responsabilité solidaire imprévisible et empêchant la délivrance des certificats de transfert lors d’un litige. Ces mesures ne peuvent être justifiées que si elles ne dépassent pas ce qui est strictement nécessaire au maintien de la régularité des compétitions. L’examen de cette jurisprudence impose d’analyser l’entrave à la libre circulation des travailleurs (I) avant d’étudier la restriction du droit de la concurrence (II).
I. L’atteinte substantielle au principe de libre circulation des travailleurs
A. L’entrave à la mobilité professionnelle des sportifs
La juridiction souligne que les règles fédérales sont de nature à défavoriser les sportifs souhaitant exercer une activité économique dans un autre État. La responsabilité solidaire du nouveau club pour l’indemnité de rupture constitue un risque financier majeur capable de dissuader toute proposition d’embauche sérieuse. L’existence de critères de calcul imprévisibles prive ainsi le travailleur de la perspective de recevoir des offres fermes de la part de recruteurs étrangers. Cette restriction de la mobilité s’accompagne d’un dispositif de sanctions dont la nécessité au regard des objectifs poursuivis soulève de sérieuses interrogations juridiques.
B. Le caractère disproportionné des mesures de stabilité contractuelle
L’objectif de maintien de la stabilité des effectifs est certes légitime mais les moyens employés vont au-delà de ce qui est nécessaire. Les critères fixés sont jugés « tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ». Le blocage du certificat international de transfert empêche systématiquement le joueur de participer aux compétitions organisées malgré son recrutement par une nouvelle entité. Au-delà de l’atteinte aux libertés individuelles, la réglementation litigieuse affecte également de manière profonde l’équilibre concurrentiel entre les différents clubs européens.
II. La qualification de restriction de concurrence par l’objet
A. L’existence d’une décision d’association d’entreprises nocive
La fédération internationale agit en tant qu’association d’entreprises adoptant des règles ayant une incidence directe sur les conditions de concurrence entre les clubs. Ces dispositions restreignent drastiquement l’accès aux ressources essentielles que représentent les joueurs déjà sous contrat au détriment du bon fonctionnement du marché. La Cour assimile ces mécanismes à des accords de non-débauchage qui aboutissent à « cloisonner artificiellement les marchés nationaux » au profit des clubs. La nature intrinsèquement restrictive de ces accords entre clubs empêche toute validation au titre des exceptions prévues pour les gains d’efficacité économique.
B. L’impossibilité d’une justification par l’efficacité économique
L’interdiction généralisée du recrutement unilatéral fige la répartition des joueurs et empêche le jeu normal de la concurrence sur le marché de l’emploi. Une telle restriction par l’objet ne saurait être validée sans la démonstration d’un caractère indispensable pour réaliser des gains d’efficacité économique réels. La nature manifestement excessive des sanctions sportives et financières exclut cependant la possibilité d’une exemption au titre des règles de la concurrence. La Cour rappelle que le respect du droit de l’Union s’impose aux organismes privés investis d’une mission de régulation du sport professionnel.