La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 5 décembre 2013, se prononce sur l’interprétation de la liberté d’établissement. Le litige concernait l’interdiction faite à des parapharmacies de vendre des médicaments soumis à prescription médicale restant à la charge intégrale du patient. Des pharmaciennes diplômées, propriétaires de ces établissements, ont contesté les refus d’autorisation opposés par des services de santé locaux et des ministères. Les demandes de distribution de produits pharmaceutiques ont été rejetées par les autorités administratives au cours du mois d’août 2011. Les requérantes ont formé un recours devant le tribunal administratif régional de Lombardie pour invoquer la contrariété de cette interdiction au droit de l’Union. Ce tribunal a alors sursis à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la compatibilité de la réglementation nationale. Le problème juridique repose sur la possibilité pour un État membre de restreindre la vente de médicaments prescrits aux seules pharmacies du tableau national. Les juges ont considéré que cette mesure constitue une restriction justifiée par la protection de la santé publique et la pérennité du système de planification. L’examen de cette entrave à la liberté d’établissement précédera l’analyse de sa justification par les nécessités de la planification sanitaire.
I. L’admission d’une entrave à la liberté d’établissement des pharmaciens
A. La caractérisation d’une restriction à l’accès au marché pharmaceutique
La juridiction rappelle qu’une mesure nationale rendant moins attrayant l’exercice d’une liberté fondamentale constitue une restriction au sens du traité. En l’espèce, les titulaires de parapharmacies se voient exclus de segments importants du marché des médicaments et des bénéfices économiques correspondants. La Cour souligne que cette exclusion est « susceptible de gêner et de rendre moins attrayant l’établissement » des professionnels souhaitant exploiter une structure commerciale simplifiée. Une telle interdiction de vente de certaines catégories de produits réduit mécaniquement les opportunités économiques offertes aux pharmaciens non titulaires d’une officine.
B. La légitimité de l’objectif impérieux de protection de la santé
La liberté d’établissement peut toutefois subir des limitations fondées sur des raisons impérieuses d’intérêt général comme la sécurité de l’approvisionnement en médicaments. Les juges soulignent que l’importance de cet objectif est confirmée par le traité et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La réglementation nationale vise à assurer un service de qualité en évitant que les structures ne se concentrent uniquement dans les zones attractives. L’État membre peut valablement chercher à prévenir tout « risque de pénurie de pharmacies dans certaines parties de son territoire » par un contrôle strict.
II. La validité du monopole officinal au regard du principe de proportionnalité
A. La nécessité du système de planification territoriale pour l’intérêt général
Le régime de planification répartit les officines de manière équilibrée afin de répondre aux besoins de l’ensemble de la population nationale. La Cour estime que la faculté de vendre des médicaments prescrits en parapharmacie permettrait aux professionnels de s’implanter selon leur propre choix commercial. Cette liberté d’installation pourrait entraîner une concentration des établissements dans les localités les plus rentables au détriment des zones isolées ou désavantagées. Une telle situation « aurait des répercussions négatives sur l’effectivité de l’ensemble du système de planification des pharmacies » et menacerait la stabilité du réseau.
B. La reconnaissance d’une marge d’appréciation étatique dans le choix des mesures
L’arrêt précise que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour décider du niveau de protection de la santé qu’ils entendent assurer. La mesure réservant la vente de médicaments soumis à prescription médicale aux officines planifiées n’apparaît pas aller au-delà de la nécessité. Il n’existe aucun élément démontrant qu’un système alternatif pourrait réduire les risques de pénurie avec une efficacité identique pour la population. La juridiction européenne conclut ainsi que l’article 49 du traité ne s’oppose pas à cette réglementation nationale restrictive mais cohérente avec les objectifs poursuivis.