Cour de justice de l’Union européenne, le 5 juin 2018, n°C-612/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 5 juin 2018, délimite les prérogatives des États en matière pénale. Des agents douaniers furent poursuivis pour corruption et participation à une association de malfaiteurs dans le cadre de leurs fonctions administratives. L’instruction pénale ayant dépassé les délais légaux, les prévenus sollicitèrent la clôture définitive des poursuites devant la juridiction de Sofia. Le Code de procédure pénale bulgare obligeait effectivement le magistrat à mettre fin à l’action publique après un certain délai. Le tribunal s’interrogea sur la validité de ce mécanisme au regard de l’obligation de protéger les ressources budgétaires de l’Union. Le problème de droit concerne la primauté du droit européen sur des règles procédurales nationales favorisant l’impunité des fraudes graves. La Cour affirme que les intérêts financiers européens priment sur ces dispositions internes tout en exigeant le respect des droits fondamentaux. L’analyse portera d’abord sur la protection impérative des intérêts financiers de l’Union européenne puis sur l’encadrement des droits procéduraux.

I. La protection impérative des intérêts financiers de l’Union européenne

Le juge européen impose l’éviction des procédures nationales obstructives avant de souligner la nécessaire protection des droits fondamentaux des individus.

A. L’éviction d’une procédure nationale de clôture automatique

L’article 325 du traité s’oppose à une réglementation nationale organisant la clôture automatique de l’instance pénale en cas de retard. Cette disposition conventionnelle impose aux États membres de lutter contre toute activité illégale portant atteinte aux finances de l’organisation commune. La Cour considère que le mécanisme bulgare peut engendrer une impunité systémique pour les auteurs de fraudes douanières très graves. Elle souligne que la règle nationale doit rester inappliquée afin de garantir la perception intégrale des ressources propres de l’Union. Les autorités juridictionnelles internes doivent ainsi « donner plein effet » aux exigences du droit primaire malgré les obstacles du droit national. Cette primauté assure l’effectivité des sanctions pénales nécessaires à la sauvegarde des intérêts financiers partagés entre les différents États.

B. L’obligation de conciliation avec les droits fondamentaux des poursuivis

L’obligation d’écarter la procédure nationale ne saurait s’exercer sans une vigilance particulière accordée aux garanties fondamentales de la défense. La Cour précise que le juge doit « veiller à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies » lors de ce processus. Cette conciliation est nécessaire pour maintenir l’équilibre entre l’efficacité répressive et la protection des libertés individuelles protégées par la Charte. Le dépassement des délais raisonnables peut constituer une violation des droits de l’homme si la procédure s’étend de manière injustifiée. Le magistrat national dispose d’une marge d’appréciation pour évaluer la gravité des manquements procéduraux constatés durant la phase d’instruction. La protection du budget européen ne dispense jamais les autorités de respecter les standards minimaux d’un procès équitable et juste.

La sauvegarde des intérêts financiers de l’Union impose une rigueur répressive qui doit toutefois se concilier avec le respect des droits procéduraux.

II. L’encadrement temporel et structurel des droits procéduraux

L’encadrement des droits de la défense concerne la temporalité de l’information ainsi que l’indépendance du conseil en présence d’intérêts divergents.

A. La flexibilité du moment de la communication des griefs

La directive relative au droit à l’information autorise la communication des griefs après le dépôt de l’acte d’accusation initial. Le droit à l’information n’impose pas une notification exhaustive de l’accusation dès le début de la phase judiciaire devant le tribunal. La Cour admet que des précisions interviennent avant « que celui-ci ne commence à examiner l’accusation au fond » devant les parties. Cette souplesse temporelle permet d’ajuster les éléments de fait ou de droit sans compromettre l’équité globale de la procédure pénale. Le juge doit néanmoins garantir que la défense dispose du temps nécessaire pour préparer ses observations sur ces nouveaux éléments. L’accès aux pièces du dossier peut également être différé sous réserve que « toutes les mesures nécessaires soient prises » pour l’équité.

B. La garantie de l’indépendance de la défense en cas de conflit d’intérêts

La réglementation nationale peut imposer l’éviction d’un conseil commun lorsque les intérêts des multiples personnes poursuivies apparaissent manifestement contradictoires. L’article 3 de la directive concernant le droit d’accès à un avocat ne s’oppose pas à cette mesure d’ordre public. La juridiction peut écarter l’avocat mandaté « contre la volonté » des accusés pour préserver l’intégrité et l’efficacité de leur propre défense. Cette décision évite que le secret professionnel ou les stratégies divergentes ne nuisent à la manifestation de la vérité judiciaire. Le tribunal peut alors permettre le choix d’un nouveau conseil ou désigner des avocats commis d’office en remplacement. La protection de l’accusé justifie ainsi une ingérence limitée dans son droit au libre choix de son représentant légal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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