Cour de justice de l’Union européenne, le 5 mars 2020, n°C-69/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 3 décembre 2019, une décision portant sur les délais de recours en annulation. Le litige opposait une institution financière à un organisme de résolution concernant le calcul des contributions annuelles à un fonds de financement bancaire. L’entité requérante contestait deux décisions fixant le montant de sa contribution après avoir reçu des communications de son autorité nationale compétente en mai 2016. Ces courriers indiquaient simplement que le calcul avait été effectué sans pour autant joindre le texte intégral ou la motivation des décisions attaquées. La requérante a saisi le Tribunal de l’Union européenne en septembre 2016, soit plus de deux mois après avoir été informée par l’autorité nationale. Le Tribunal a rejeté cette demande par une ordonnance d’irrecevabilité manifeste, estimant que l’action était tardive faute d’avoir sollicité le texte intégral diligemment. La Cour doit alors déterminer si la simple connaissance de l’existence d’un acte suffit à faire courir l’obligation de s’en procurer le contenu complet. La juridiction rejette le pourvoi et confirme que la connaissance de l’existence de l’acte impose à l’intéressé d’en demander le texte dans un délai raisonnable.

I. L’objectivation de la connaissance de l’acte litigieux

L’identification du point de départ du délai de recours dépend de la connaissance effective que l’intéressé peut avoir d’une mesure le concernant directement. La Cour valide l’appréciation selon laquelle la requérante avait connaissance de l’existence des décisions litigieuses dès la réception des communications de l’autorité de résolution. Ces notifications nationales, bien que succinctes, permettaient d’établir avec certitude l’adoption d’un acte produisant des effets juridiques obligatoires à l’encontre de l’établissement financier. La solution souligne que « le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur, juridiquement inférer de ces communications » la prise de connaissance de l’existence des actes contestés. Cette approche privilégie une réalité factuelle sur une formalité stricte de notification pour apprécier la conscience qu’un administré a de sa situation.

La reconnaissance de l’existence d’un acte fait peser sur la personne lésée une obligation de diligence immédiate pour sauvegarder ses droits de recours. L’intéressé doit alors solliciter la communication du texte intégral et de ses motifs dans un délai raisonnable pour ne pas perdre son action. La jurisprudence rappelle que « le délai de recours ne court qu’à partir du moment où l’intéressé a une connaissance exacte du contenu et des motifs ». Toutefois, cette protection est subordonnée à la condition que la partie demande la teneur de l’acte dès qu’elle en apprend l’existence. En l’espèce, l’absence de toute démarche active pour obtenir les décisions litigieuses après les informations de mai 2016 scelle l’irrecevabilité de la requête tardive. La rigueur imposée aux requérants assure ainsi une stabilité nécessaire aux actes administratifs adoptés par les instances de l’Union européenne.

II. Le maintien d’une discipline procédurale rigoureuse

Le juge de première instance peut rejeter un recours sans phase orale s’il estime que les conditions de recevabilité font manifestement défaut. La Cour confirme la validité du recours à l’ordonnance motivée, même lorsque le défendeur n’a pas explicitement soulevé l’exception de tardivité du recours. Elle précise que « l’irrecevabilité manifeste (…) ne fait pas de doute eu égard, en particulier, à la jurisprudence constante de la Cour de justice ». Cette faculté de statuer par voie d’ordonnance ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective ou aux droits de la défense. Le respect des délais de procédure étant d’ordre public, le juge doit soulever d’office cette question dès lors qu’il dispose des éléments suffisants. La célérité de la justice européenne est ici conciliée avec la sécurité juridique qu’offre la forclusion des actions introduites hors délai.

La caducité du recours principal en annulation entraîne nécessairement l’impossibilité de contester la légalité de l’acte de portée générale servant de base juridique. L’exception d’illégalité ne constitue pas une voie de droit autonome et ne peut être invoquée que de manière incidente lors d’un litige recevable. Puisque le recours dirigé contre les décisions individuelles est jugé tardif, la demande visant à faire déclarer illégal le règlement délégué devient elle-même irrecevable. La juridiction énonce que « l’irrecevabilité du recours principal entraînait l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité fondée sur l’article 277 du Traité sur le fonctionnement de l’Union ». Cette solution classique préserve l’équilibre entre la contestation des normes générales et le respect impérieux des délais de recours contre les actes individuels. L’intégrité du système contentieux européen repose ainsi sur cette articulation stricte entre les différentes formes de contestation des actes des institutions.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture