La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 24 octobre 2024, un arrêt relatif aux conséquences de la poursuite d’une procédure nationale sur un renvoi préjudiciel. Le tribunal des affaires économiques de Lettonie était saisi de poursuites pénales pour blanchiment aggravé et escroquerie contre des prévenus résidant respectivement en Lituanie et en Allemagne. Ces derniers sollicitaient leur participation aux audiences par vidéoconférence, se heurtant à des incertitudes sur l’application de la directive relative à la décision d’enquête européenne. La juridiction lettone a alors interrogé la Cour sur la compatibilité des règles nationales limitant ce recours technique pour les personnes situées hors du territoire. Le juge national a toutefois poursuivi l’examen des preuves et l’audition des témoins malgré l’introduction de son recours devant les instances de l’Union. La question de droit portait sur l’admissibilité d’un renvoi préjudiciel lorsque la juridiction nationale poursuit les actes de procédure litigieux sans attendre la réponse. La juridiction européenne décide qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le litige en raison de son caractère désormais consultatif. L’obligation pour le juge national de suspendre sa procédure constitue le préalable indispensable à la validité du dialogue instauré par les traités.
I. L’obligation de suspension inhérente au mécanisme du renvoi préjudiciel
A. Le fondement textuel de la suspension de l’instance nationale
L’article vingt-trois du Statut de la Cour de justice énonce que le dépôt d’une demande de décision préjudicielle suspend l’instance devant la juridiction nationale. Cette règle garantit que la réponse apportée par les juges de l’Union pourra être effectivement appliquée pour trancher la contestation pendante. Le juge national ne saurait vider la saisine de sa substance en accomplissant des actes qui présupposent déjà résolue la question de droit soulevée. La Cour rappelle fermement que la préservation de ce mécanisme de coopération exige un respect rigoureux des étapes procédurales par les tribunaux demandeurs.
B. La protection nécessaire de l’effet utile du dialogue juridictionnel
Le dialogue de juge à juge instauré par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne vise à assurer l’unité d’interprétation du droit commun. Cette cohérence serait gravement compromise si les juridictions nationales pouvaient ignorer l’effet suspensif attaché à leur propre demande de précision juridique. La poursuite des débats au fond sur des aspects liés aux questions posées empêche la juridiction de renvoi de se conformer à l’arrêt rendu. Il est impératif que le juge national s’abstienne de tout acte susceptible de priver l’arrêt européen de son plein effet utile. L’inobservation de ce devoir de suspension entraîne des conséquences directes sur la recevabilité de la saisine européenne.
II. L’absence d’objet des questions préjudicielles suite à la poursuite du procès
A. Le caractère désormais consultatif de l’interprétation sollicitée
La Cour souligne qu’elle « n’est pas compétente pour donner, en matière préjudicielle, des réponses qui ont un effet purement consultatif » selon sa jurisprudence. Le tribunal letton a procédé à l’audition de nombreux témoins alors même que les modalités de participation du prévenu étaient encore en discussion. Ces actes de procédure ont porté sur des points directement liés aux questions préjudicielles, rendant ainsi la réponse des juges européens théorique. L’office de la Cour consiste à résoudre des litiges réels et non à délivrer des avis doctrinaux sans incidence sur la cause.
B. La perte d’intérêt de la réponse pour la résolution du litige
L’examen des preuves ayant déjà été largement entamé, une décision portant sur le droit de participer à distance ne modifierait plus le cours du procès. La Cour constate que la juridiction de renvoi a elle-même indiqué pouvoir poursuivre la procédure en respectant les exigences de délai raisonnable fixées par la Charte. Ce choix souverain de la juridiction nationale entraîne l’irrecevabilité des questions dont la solution n’est plus indispensable pour rendre son jugement. L’arrêt conclut par un constat de non-lieu à statuer afin de préserver la fonction juridictionnelle de l’institution.