La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2011, un arrêt relatif à l’interprétation des règles d’hygiène des denrées alimentaires. Ce litige opposait un exploitant de bar à une autorité régionale au sujet de la configuration technique des installations sanitaires destinées au personnel. L’administration imposait l’installation d’un lavabo exclusivement réservé au lavage des mains, muni de robinets à commande non manuelle dans les toilettes. La juridiction administrative de Vienne, par décision du 22 juillet 2010, a décidé d’interroger la Cour sur la portée des prescriptions techniques réglementaires. La question centrale consistait à déterminer si le droit de l’Union exigeait une spécialisation des équipements et l’absence totale de contact manuel. La Cour répond par la négative, privilégiant une lecture littérale et téléologique des dispositions de l’annexe II du règlement numéro 852/2004. Le commentaire de cette décision s’articulera autour d’une interprétation souple des normes techniques avant d’analyser la responsabilité accrue des exploitants du secteur.
I. Une interprétation souple des prescriptions techniques d’hygiène
A. La négation d’une affectation exclusive du matériel de lavage
La Cour examine d’abord si un lavabo doit être réservé uniquement au lavage des mains selon les termes du règlement européen. Elle relève que l’annexe dispose que « les dispositifs de lavage des denrées alimentaires doivent être séparés de ceux destinés au lavage des mains ». Cette exigence de séparation n’intervient toutefois qu’« en cas de besoin » pour atteindre les objectifs de sécurité sanitaire définis par la législation. L’arrêt précise ainsi que « cette disposition n’implique pas qu’un lavabo au sens de celle-ci doit être destiné exclusivement au lavage des mains ». Cette lecture permet de tenir compte de la réalité des petits établissements où une polyvalence des équipements sanitaires ne compromet pas l’hygiène.
B. L’absence d’obligation générale de commandes non manuelles
Le juge européen se prononce ensuite sur la nécessité d’utiliser des robinets et du matériel de séchage fonctionnant sans aucun contact manuel. Il observe que le texte réglementaire impose seulement la présence de matériel pour le « nettoyage et pour le séchage hygiénique des mains ». Le qualificatif hygiénique n’est pas interprété comme imposant une solution technique unique applicable uniformément à tous les exploitants du secteur alimentaire. La décision affirme que la disposition « n’implique pas que le robinet et le matériel de séchage des mains doivent pouvoir être utilisés sans contact ». L’absence de contrainte technologique rigide préserve la liberté de choix des moyens pourvu que les objectifs fondamentaux de salubrité soient respectés.
II. L’articulation entre normes générales et analyse des risques
A. La centralité de la méthode d’analyse des risques
La Cour souligne que les règles générales d’hygiène doivent s’apprécier au regard des procédures permanentes fondées sur les principes de sécurité alimentaire. L’exploitant porte la responsabilité première d’identifier les dangers potentiels et de mettre en œuvre des mesures de maîtrise adaptées à son activité. La mise en œuvre de ces principes peut, dans certains cas spécifiques, justifier des exigences plus strictes que les simples normes de base. Ces compléments résultent alors « d’une mise en œuvre de cet article dans un cas individuel, compte tenu des circonstances particulières de ce cas ». La sécurité alimentaire repose donc sur une approche pragmatique où les installations sont évaluées en fonction des risques réels de l’exploitation.
B. La portée limitée des prescriptions générales de l’annexe
L’arrêt restreint la portée des obligations générales pour éviter une uniformisation excessive qui ferait abstraction de la diversité des situations concrètes rencontrées. Les prescriptions de l’annexe II constituent un socle minimal qui ne saurait être transformé en un catalogue d’obligations techniques rigides et universelles. Il appartient aux autorités nationales de vérifier la conformité des installations sans ajouter de contraintes supplémentaires non prévues par le législateur européen. La décision renvoie au juge national le soin d’apprécier si les dispositifs existants suffisent à assurer un niveau de protection élevé. Cette solution équilibrée rappelle que la norme européenne cherche l’efficacité sanitaire plutôt que la standardisation architecturale des locaux destinés aux denrées alimentaires.