Cour de justice de l’Union européenne, le 6 septembre 2016, n°C-378/16

Par un arrêt rendu le vingt-et-un septembre deux mille dix-sept, la Cour de justice de l’Union européenne a tranché un litige relatif à la représentation des groupements. La question juridique portait sur l’exigence d’indépendance de l’avocat mandaté par une personne morale pour introduire un recours en annulation devant les juridictions de l’Union.

Un groupement européen d’intérêt économique avait conclu plusieurs conventions de subvention avec la Commission européenne dans le cadre de programmes de recherche et de développement. À la suite d’un audit, l’institution a émis des notes de débit afin de recouvrer des sommes qu’elle considérait comme indûment perçues par ce partenaire.

Le groupement a alors introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne afin de contester le bien-fondé de ces demandes de remboursement contractuel. Par une ordonnance du vingt-et-un avril deux mille seize, le Tribunal a rejeté la requête comme manifestement irrecevable en raison de la signature du conseil.

Le signataire exerçait les fonctions d’administrateur au sein du groupement requérant tout en en étant l’un des membres fondateurs au moment de l’introduction de l’instance. Les juges du fond ont estimé que cette double qualité privait l’avocat de l’indépendance nécessaire pour assurer la représentation légale de son client devant le juge.

Le groupement a formé un pourvoi contre cette décision en soutenant que sa structure juridique particulière n’entraînait aucun lien de subordination envers son représentant légal habituel. La juridiction suprême devait donc déterminer si la qualité d’administrateur et de membre d’un tel groupement est incompatible avec l’exercice indépendant de la mission de conseil.

La Cour de justice a annulé l’ordonnance attaquée en considérant que la simple participation aux organes de direction n’équivalait pas à l’existence d’un contrat de travail. Elle a ainsi jugé que l’avocat conservait sa qualité de tiers indépendant malgré ses responsabilités administratives au sein de la personne morale requérante.

I. Le rappel de la conception stricte de l’indépendance de l’avocat

A. La nécessité d’un lien de tiers par rapport au client

La représentation par un avocat constitue une condition essentielle de recevabilité des recours introduits par les personnes morales devant les juridictions de l’Union européenne. Cette exigence impose que le conseil soit un tiers indépendant par rapport à son client afin d’assurer la protection des intérêts de la justice. La Cour rappelle que l’avocat ne doit pas être lié par un rapport d’emploi qui restreindrait sa liberté d’action ou son jugement professionnel.

Cette conception repose sur la distinction entre le conseil externe et l’avocat salarié dont la subordination hiérarchique compromettrait l’objectivité indispensable au bon déroulement du procès. Le juge doit vérifier que le signataire de la requête dispose de la distance nécessaire pour accomplir sa mission sans subir de pressions internes.

B. L’assimilation erronée du mandat social au lien d’emploi

Dans l’ordonnance annulée, le Tribunal avait considéré que les fonctions d’administrateur exercées par le conseil au sein du groupement étaient incompatibles avec sa mission juridictionnelle. Cette analyse reposait sur l’idée qu’un membre des organes de direction ne saurait être considéré comme un tiers indépendant vis-à-vis de la personne morale. La Cour de justice censure ce raisonnement en soulignant que « le Tribunal a commis une erreur de droit » dans son appréciation de la situation factuelle.

Elle précise que « la notion d’indépendance de l’avocat est définie de manière négative, par l’absence d’un rapport d’emploi » entre le conseil et son client. Le mandat social ne saurait être assimilé à une relation de subordination contractuelle car il n’implique aucune autorité de la part de l’employeur sur l’employé. Cette protection de l’autonomie professionnelle du conseil s’accompagne d’une reconnaissance nécessaire de la spécificité des structures de coopération européennes.

II. La reconnaissance de la spécificité des structures de coopération européenne

A. Le respect de la personnalité juridique autonome du groupement

Le groupement européen d’intérêt économique dispose d’une personnalité juridique propre qui le distingue nettement de chacun de ses membres constitutifs selon le droit de l’Union. Cette autonomie juridique implique que les actes accomplis par les administrateurs pour le compte de l’entité ne se confondent pas avec leurs activités professionnelles libérales. La Cour rappelle qu’un tel groupement « possède une personnalité juridique distincte de celle de ses membres » et que cette caractéristique doit être respectée par les juges.

En refusant de reconnaître cette distinction, le Tribunal a méconnu les principes fondamentaux régissant le fonctionnement de ces organisations transfrontalières au sein du marché unique. Le juge européen doit prendre en compte la réalité des formes sociétaires sans imposer des restrictions qui ne sont pas expressément prévues par les statuts.

B. La garantie d’un droit de recours effectif pour les justiciables

L’annulation de l’ordonnance permet de rétablir le droit d’accès au juge pour les entités juridiques dont la structure interne repose sur une collaboration étroite. Une interprétation excessivement restrictive de l’indépendance de l’avocat risquerait d’entraver l’exercice des voies de recours par de nombreux acteurs économiques opérant au niveau européen. La Cour privilégie une approche fonctionnelle qui préserve l’efficacité du système juridictionnel tout en maintenant les garanties nécessaires à une bonne administration de la justice.

Le renvoi de l’affaire devant le Tribunal offre au requérant la possibilité de voir ses prétentions examinées sur le fond par la juridiction de première instance. Cette solution consacre la primauté de la liberté de choix du conseil tant que l’intégrité de la procédure et la dignité de la profession sont respectées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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