La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 7 août 2018, s’est prononcée sur l’étendue des pouvoirs d’investigation des agents de contrôle.
Une exploitation agricole avait sollicité une aide financière pour la restructuration de son vignoble au titre de la campagne 2008-2009 auprès de l’organisme national compétent.
L’administration a rejeté cette demande après avoir constaté, lors de visites sur place, que l’arrachage des vignes n’était pas conforme aux exigences réglementaires en vigueur.
Le demandeur a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Nantes qui a annulé le rejet par un jugement rendu le 7 mai 2013.
La cour administrative d’appel de Nantes a toutefois infirmé ce jugement, ce qui a conduit l’exploitant à se pourvoir devant le Conseil d’État français.
Saisi du litige, le Conseil d’État a décidé d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation du règlement relatif aux contrôles dans le secteur vitivinicole européen.
Il s’agissait de déterminer si les textes autorisent les agents à pénétrer sur les terres d’une exploitation agricole sans avoir obtenu l’accord préalable de son responsable.
La juridiction européenne a répondu par la négative, soulignant l’absence de base légale explicite permettant une telle intrusion sans le consentement exprès de la personne intéressée.
L’absence d’habilitation textuelle à une pénétration forcée sur l’exploitation précède l’analyse de la nécessaire conciliation entre efficacité des contrôles et protection de la sphère privée.
I. L’absence d’habilitation textuelle à une pénétration forcée sur l’exploitation
A. L’interprétation littérale stricte des pouvoirs d’investigation
La Cour écarte une lecture extensive des articles du règlement qui imposent aux États membres d’instaurer des contrôles revêtant un caractère effectif, proportionné et dissuasif.
Elle précise que « ni le libellé des articles 76, 78 et 81 » du texte concerné ne prévoit une autorisation de pénétrer sans l’accord préalable de l’exploitant.
Le caractère inopiné des vérifications signifie uniquement que la visite peut avoir lieu à tout moment sans être annoncée par l’autorité de contrôle au bénéficiaire.
L’agent ne peut donc pas revendiquer le droit de franchir les limites du domaine si l’occupant s’y oppose fermement au moment de la présentation sur place.
Cette analyse littérale garantit que les prérogatives administratives ne dépassent pas le cadre strictement défini par le législateur européen pour la gestion des aides publiques.
B. L’autonomie procédurale des États membres dans l’organisation des contrôles
Le règlement confie aux autorités nationales le soin de définir les pouvoirs dont leurs agents sont dotés pour assurer le respect de la législation vitivinicole communautaire.
Les juges soulignent que chaque État membre doit assurer « l’efficacité d’action des instances chargées des contrôles » en adoptant des mesures d’investigation qui sont jugées appropriées.
Il appartient dès lors au droit interne de prévoir les conditions juridiques permettant un accès forcé aux parcelles ou aux installations techniques en cas de nécessité absolue.
En l’absence de dispositions nationales spécifiques, les agents ne disposent d’aucune prérogative de puissance publique directement tirée du seul droit de l’Union européenne en la matière.
La reconnaissance d’un droit d’accès sans consentement exige une habilitation législative précise qui respecte les principes constitutionnels de chaque nation membre de l’organisation européenne.
II. La conciliation entre efficacité des contrôles et protection de la sphère privée
A. La primauté du principe de protection contre les interventions arbitraires
La protection contre les interventions arbitraires de la puissance publique dans la sphère privée constitue un principe général fondamental du droit de l’Union très solidement établi.
Toute ingérence administrative doit nécessairement reposer sur un fondement légal clair et être justifiée par des motifs prévus expressément par la loi applicable au litige.
La Cour rejette l’idée d’une autorisation implicite qui serait donnée par l’exploitant au seul motif qu’il a déposé une demande d’aide financière auprès de l’administration.
Une telle présomption de consentement général ne satisferait pas aux exigences de sécurité juridique et de protection des libertés individuelles reconnues à chaque citoyen européen.
Le juge européen veille ainsi à ce que les impératifs budgétaires ne conduisent pas à un affaiblissement disproportionné des garanties accordées aux personnes physiques ou morales.
B. La suffisance du rejet de l’aide comme sanction de l’obstruction
L’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union est garanti par la possibilité de rejeter la demande d’aide en cas d’obstruction caractérisée au contrôle sur place.
Les juges estiment que la perte du bénéfice financier constitue un « moyen efficace et suffisant » pour inciter les exploitants à coopérer pleinement avec les autorités de contrôle.
L’accès forcé aux terres n’apparaît donc pas comme une mesure indispensable à la réalisation des missions de vérification confiées par le règlement aux organismes nationaux.
Cette approche assure un équilibre entre la nécessaire rigueur de la gestion des fonds publics et le respect scrupuleux du domicile de l’entreprise agricole concernée.
La solution retenue par la Cour de justice confirme que la coopération volontaire demeure le pivot central du système de contrôle des subventions agricoles en Europe.