Cour de justice de l’Union européenne, le 7 avril 2016, n°C-315/14

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 7 avril 2016, précise les contours du droit à indemnité de l’agent commercial. Le litige opposait un mandant à son agent chargé de la vente de montures de lunettes appartenant à des marques déterminées. L’agent avait démarché des clients figurant déjà sur une liste fournie par le commettant mais achetant initialement des produits distincts. À la fin du contrat, l’indemnité de clientèle fut réclamée en considérant ces acquéreurs comme de nouveaux clients au sens de la directive. Le tribunal régional de Munich I fit droit à la demande, décision confirmée en appel puis portée devant la Cour fédérale de justice. Cette juridiction demanda si la notion de nouveaux clients incluait ceux traitant déjà avec le commettant pour d’autres marchandises. La Cour répond positivement lorsque la vente des nouvelles marchandises nécessite la mise en place d’une relation d’affaires spécifique. La Cour définit les critères d’identification des nouveaux clients avant de préciser les conditions de leur caractérisation juridique.

I. L’identification du client nouveau par l’objet du mandat

A. La primauté du cadre contractuel de l’agence

La Cour fonde son raisonnement sur l’article 1er de la directive 86/653 relative aux agents commerciaux indépendants pour définir l’activité de l’intermédiaire. La mission de négociation est circonscrite aux marchandises définies dans le contrat liant les parties de manière permanente et indépendante. « L’objet de l’activité de l’agent commercial dépend donc des termes du contrat qui le lie au commettant » selon les magistrats européens. Ainsi, cette approche contractuelle permet d’isoler les produits dont l’agent a la charge par rapport à l’ensemble de la gamme du mandant. Le juge refuse donc une vision globale de la clientèle qui ignorerait la spécialisation des tâches confiées au mandataire.

B. La promotion d’une interprétation protectrice de l’agent

L’objectif de protection de l’agent commercial impose d’écarter toute lecture restrictive des dispositions relatives au dédommagement prévu en cas de rupture. La directive vise à garantir une juste rémunération des mérites de l’intermédiaire dans l’apport d’affaires profitables au commettant après la fin du contrat. « La notion de « nouveaux clients », au sens de cette disposition, ne saurait donc être lue de manière restrictive » affirme la décision commentée. En privilégiant les intérêts du mandataire, la Cour assure l’efficacité de l’indemnité de clientèle face à des structures de distribution complexes. L’interprétation extensive de la notion de clientèle nouvelle appelle une vérification concrète de l’activité réelle déployée par l’agent commercial.

II. La caractérisation de la nouveauté par l’effort de négociation

A. La preuve d’une relation d’affaires spécifique

La qualification de nouveau client suppose de démontrer que l’agent a déployé des efforts particuliers pour introduire une catégorie distincte de marchandises. La simple identité de nature entre les produits anciens et nouveaux ne suffit pas à exclure le droit à une indemnisation. Le juge doit examiner si l’écoulement des biens « a nécessité, de la part de l’agent commercial concerné, des efforts de négociation et une stratégie de vente particuliers ». Cette exigence souligne l’importance de la valeur ajoutée apportée par l’intermédiaire dans le développement d’un segment différent de la gamme. La mise en œuvre d’une stratégie commerciale propre à chaque marque témoigne alors de l’autonomie et de l’efficacité de l’action menée.

B. La pondération finale par le critère de l’équité

L’existence d’une relation préexistante entre le client et le commettant peut néanmoins influencer le calcul du montant de l’indemnité finale. La Cour rappelle que le paiement doit être équitable en tenant compte de toutes les circonstances entourant la fin de la collaboration. La facilité éventuelle à placer des produits auprès de clients connus constitue une indication utile pour le juge national dans son analyse. Le juge pourra ainsi estimer que « cette allégation, à la supposer avérée, pourra être pleinement prise en compte » pour moduler le montant octroyé. Cette précision permet de concilier la protection juridique de l’agent avec la réalité économique de ses interventions de terrain.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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