La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 7 mars 2013, interprète les libertés de circulation dans le secteur des assurances. Une société d’assurance a notifié à ses clients une augmentation tarifaire de sept pour cent pour ses contrats d’hospitalisation complémentaire. Une association de consommateurs a contesté cette décision devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles qui a rendu son jugement le 20 décembre 2010. La Cour d’appel de Bruxelles, saisie du litige, a rendu une décision le 10 novembre 2011 afin d’interroger la juridiction européenne. La question posée concerne la validité d’une loi nationale limitant l’évolution des primes d’assurance aux seuls indices de prix officiels. Les juges doivent déterminer si ce mécanisme constitue un système d’approbation préalable interdit ou une entrave injustifiée à la liberté d’établissement. La Cour conclut que cette réglementation forme un cadre technique compatible avec le droit dérivé mais restreignant les libertés de circulation. L’analyse portera d’abord sur la conformité de ce cadre technique avant d’examiner la justification de la restriction au nom de l’intérêt général.
I. La validité du cadre technique national au regard des directives sectorielles
Le droit de l’Union interdit aux États d’imposer un régime d’approbation préalable des tarifs que les entreprises souhaitent utiliser sur leur territoire. La juridiction européenne souligne que le législateur a entendu garantir « le principe de la liberté tarifaire » dans le secteur de l’assurance non-vie. Cependant, cette liberté n’empêche pas l’adoption de mesures nationales ayant des répercussions indirectes sur les montants facturés aux preneurs de contrats. Une réglementation instaurant un système d’évolution fondé sur des indices de prix ne peut être qualifiée d’approbation systématique des tarifs initiaux. La solution repose sur la distinction entre la fixation du tarif de base et l’encadrement de l’évolution ultérieure de la prime.
A. L’absence de régime d’approbation préalable des tarifs d’assurance
La Cour rappelle que les directives interdisent d’exiger la communication systématique des conditions générales ou des tarifs avant leur utilisation commerciale. Elle précise toutefois qu’une « harmonisation complète du domaine tarifaire » ne saurait être présumée sans une volonté claire du législateur européen. Le système national permet aux assureurs de fixer librement leur prime de base lors de la conclusion initiale du contrat d’assurance. Les contraintes légales ne concernent que les modalités d’adaptation annuelle des primes, des franchises et des prestations fournies par l’assureur. Cette mesure ne constitue pas une condition préalable à l’exercice de l’activité d’assurance sur le territoire national concerné par le litige.
B. La qualification de cadre technique limité à l’évolution des primes
La décision affirme qu’un tel système présente les caractéristiques d’un « cadre technique » destiné à encadrer l’évolution des tarifs dans le temps. Les entreprises d’assurance conservent la possibilité de calculer leurs primes initiales en tenant compte des risques et des coûts futurs prévisibles. Le mécanisme de l’indice médical fonctionne comme un outil de régulation qui ne remet pas en cause la liberté contractuelle originaire. L’intervention d’une autorité administrative pour rétablir l’équilibre financier en cas de pertes ne modifie pas la nature de ce dispositif technique. Après avoir écarté la violation des directives sectorielles, il convient d’étudier la conformité de la mesure avec les principes du traité.
II. La justification de l’entrave aux libertés fondamentales par la protection sociale
La Cour examine si la loi nationale constitue une mesure qui interdit, gêne ou rend moins attrayant l’exercice des libertés économiques. Elle considère que le dispositif de limitation des hausses tarifaires affecte l’accès au marché pour les entreprises établies dans d’autres États. Cette analyse conduit à identifier une restriction à la liberté d’établissement avant de vérifier si des raisons impérieuses d’intérêt général l’autorisent.
A. L’existence d’une restriction à la liberté d’établissement et de services
Le système d’augmentation tarifaire est susceptible de dissuader les assureurs étrangers d’ouvrir une succursale ou d’offrir leurs services en régime de prestation. Ces opérateurs doivent modifier leurs conditions contractuelles et repenser leur stratégie commerciale pour s’adapter aux exigences de la législation locale. La nécessité de déterminer le positionnement tarifaire initial avec prudence représente une contrainte supplémentaire pour les entreprises souhaitant pénétrer ce marché. La Cour juge que cette obligation d’ajuster la politique de l’entreprise constitue une « restriction » au sens des articles quarante-neuf et cinquante-six. Une telle entrave ne peut être admise que si elle répond à des objectifs légitimes et respecte le principe de proportionnalité.
B. La validation de la mesure par l’objectif de protection du consommateur
L’objectif de protéger l’assuré contre des « hausses importantes et inattendues » des primes constitue une raison impérieuse d’intérêt général reconnue par la jurisprudence. La Cour observe que les frais médicaux augmentent naturellement avec l’âge des assurés, rendant la couverture plus onéreuse lors des vieux jours. Le cadre légal garantit qu’un citoyen âgé ne sera pas privé de son assurance hospitalisation faute de pouvoir en assumer le coût. Le juge européen valide la mesure car les assureurs peuvent anticiper ces hausses lors de la fixation de la prime de base. La juridiction nationale devra néanmoins vérifier qu’il n’existe pas de dispositif moins contraignant pour atteindre ce niveau de protection sociale élevée.