Cour de justice de l’Union européenne, le 7 mars 2018, n°C-31/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 7 mars 2018, précise l’articulation des régimes fiscaux applicables aux produits énergétiques. Une société exploitant une installation de cogénération de chaleur et d’électricité utilisait du gaz naturel comme combustible pour son activité industrielle. Ce gaz a fait l’objet d’une taxe intérieure de consommation lors des livraisons effectuées entre les années 2006 et 2007. L’administration fiscale a perçu ces sommes malgré la revendication par l’entreprise d’un régime d’exonération fondé sur le droit européen.

La requérante a sollicité la réparation du préjudice résultant du retard de transposition d’une directive européenne relative à la taxation de l’énergie. Le tribunal administratif d’Orléans a rejeté cette demande par un jugement rendu le 31 janvier 2013. La cour administrative d’appel de Nantes a confirmé cette décision le 18 décembre 2014, écartant l’application du régime d’exonération obligatoire. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a sursis à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de la directive 2003/96/CE.

La juridiction nationale demandait si les produits destinés à la cogénération relèvent exclusivement d’une faculté d’exonération ou d’une obligation d’abattement fiscal. La Cour de justice juge que l’exonération obligatoire s’applique aux produits utilisés pour l’électricité, même en cas de production combinée de chaleur. L’étude du sens de cette décision précédera l’analyse de sa valeur et de sa portée juridique.

I. La consécration d’un régime d’exonération inconditionnel pour la production électrique

L’examen du sens de l’arrêt implique d’analyser son interprétation littérale avant d’aborder la question cruciale de la double taxation.

A. Une lecture autonome privilégiant l’effet utile de la norme européenne

La Cour retient une interprétation fondée sur le libellé des textes et les finalités poursuivies par le législateur de l’Union européenne. En effet, elle souligne que l’exonération obligatoire vise les « produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité » sans exclure les processus combinés. Ce raisonnement préserve l’efficacité de la directive en interdisant toute lecture restrictive qui priverait les opérateurs de leurs droits fiscaux. Le juge européen affirme la primauté de l’objectif d’harmonisation du marché intérieur sur les spécificités techniques des installations de production. La clarté de cette position textuelle conduit naturellement à s’interroger sur les conséquences économiques et concurrentielles pour le marché européen.

B. La prévention du risque de double imposition de la filière énergétique

L’exonération permet d’éviter que l’électricité ne soit taxée une première fois via ses intrants, puis une seconde fois lors de sa consommation. Ainsi, la juridiction précise que le but est « d’éviter […] la double taxation de l’électricité », garantissant une égalité entre producteurs. Une solution inverse créerait des distorsions de concurrence préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur et aux objectifs de la politique commune. Le juge souligne également que cette protection fiscale encourage des modes de production générant moins d’émissions polluantes par unité d’énergie. L’affirmation de ces principes de fond permet désormais d’apprécier la valeur de la solution au regard du régime spécifique de la cogénération.

II. La subordination du régime facultatif de la cogénération à l’obligation d’exonération

La délimitation des compétences nationales invite désormais à considérer la valeur de cette distinction pour l’application concrète des exonérations fiscales.

A. Le rôle subsidiaire des dispositions relatives à la production de chaleur

L’article 15 de la directive, prévoyant une faculté d’exonération, « ne peut donc avoir qu’un caractère résiduel » face à l’obligation impérative. Par conséquent, cette faculté permet aux États d’accorder un traitement privilégié à la chaleur produite, sans restreindre l’exonération de l’électricité. Les États membres conservent une marge de manœuvre pour promouvoir la cogénération, à condition de respecter le socle minimal imposé par l’Union. La distinction entre la part électrique et la part thermique devient le critère de répartition des compétences fiscales entre l’Europe et les nations. Cette répartition théorique doit être confrontée à la portée pratique de la décision pour les justiciables nationaux.

B. La portée contraignante d’une obligation précise pour les autorités nationales

L’obligation d’exonération prévue à l’article 14 présente une « obligation précise et inconditionnelle », ouvrant aux particuliers un droit d’invocation directe. Enfin, les difficultés pratiques d’identification des parts utilisées ne sauraient dispenser les autorités nationales de respecter les dispositions européennes impératives. Le juge européen impose aux juridictions nationales d’écarter toute réglementation interne contraire au principe d’exonération de la part électrique. Cette décision renforce la sécurité juridique des investisseurs tout en contraignant les administrations fiscales à une plus grande rigueur d’application.

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Hassan KOHEN
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