Cour de justice de l’Union européenne, le 7 novembre 2019, n°C-80/18

La Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg, par un arrêt rendu le 7 novembre 2019, apporte des précisions sur la fiscalité énergétique. La juridiction examine si le droit de l’Union s’oppose à des impôts frappant spécifiquement la production et le stockage de déchets radioactifs.

Des sociétés produisant de l’électricité nucléaire contestent des actes administratifs fixant les modalités de paiement de taxes sur le combustible et les déchets. Elles soutiennent que ces prélèvements altèrent la concurrence car ils ciblent exclusivement les installations nucléaires pour financer le déficit tarifaire national.

Le Tribunal suprême à Madrid est saisi de pourvois après le rejet des recours initiaux par l’Audiencia Nacional en première instance. Cette haute juridiction adresse alors plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice pour clarifier la portée des normes européennes applicables.

Le litige oblige à rechercher si une taxe sectorielle imposée pour des raisons budgétaires respecte les principes de non-discrimination et du pollueur-payeur. Il convient également de vérifier si le droit de l’Union impose une mention explicite des objectifs environnementaux dans les textes fiscaux nationaux.

La Cour juge que le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle à une législation nationale créant des impôts sur l’activité nucléaire. Elle précise aussi que les directives invoquées ne concernent pas le rapprochement des dispositions fiscales des États membres dans le secteur énergétique. Elle ajoute que l’objectif environnemental de l’impôt n’a pas besoin d’être « matérialisé dans la partie contraignante » de la réglementation litigieuse.

Le raisonnement des juges luxembourgeois repose sur l’exclusion du domaine fiscal des principes de la directive (I), avant de consacrer la liberté des États (II).

I. L’exclusion des mesures fiscales du champ d’application de la directive

A. L’inapplicabilité formelle du principe de non-discrimination

La Cour souligne que le principe de non-discrimination consacré par la directive 2009/72 lie les États seulement dans les situations régies par l’Union. Or, l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne exclut expressément les dispositions fiscales du rapprochement des législations nationales.

Le juge européen constate ainsi que cette directive ne constitue pas une mesure de coordination fiscale malgré son objectif de réaliser le marché intérieur. Par conséquent, les requérantes ne peuvent invoquer utilement ce texte pour contester la validité d’une taxe nationale frappant la seule énergie nucléaire.

B. L’invocabilité restreinte du principe du pollueur-payeur

Les juges rappellent que le principe du pollueur-payeur définit seulement les objectifs généraux de la politique environnementale de l’Union européenne. Cette disposition s’adresse à l’action des institutions communautaires et ne peut être invoquée seule par des particuliers contre une loi nationale.

La Cour rejette donc les griefs fondés sur l’article 191 du traité car aucune réglementation spécifique ne couvre la situation fiscale en cause. Cette approche limite considérablement le contrôle du juge de l’Union sur les choix budgétaires opérés par les États membres au nom de l’écologie.

La décision de la Cour permet ensuite de valider les caractéristiques propres aux impôts contestés malgré leur finalité principalement financière et budgétaire.

II. La validation d’une fiscalité sectorielle à visée budgétaire

A. L’admission d’un objectif de rendement financier

Le juge européen admet qu’une taxe peut viser principalement l’augmentation des recettes du système électrique plutôt que la seule protection de l’environnement. La solution retenue valide ainsi la légitimité d’une charge pesant davantage sur les producteurs nucléaires afin de résorber le déficit tarifaire national.

L’arrêt indique clairement que « le principe de non-discrimination […] ne s’oppose pas à une réglementation nationale » instituant de tels impôts spécifiques. Cette position préserve la souveraineté fiscale des États tant que la mesure ne contrevient pas directement à une norme européenne d’harmonisation.

B. L’absence d’obligation de concrétisation environnementale

La Cour répond que le droit européen n’exige pas que l’objectif environnemental apparaisse explicitement dans la partie contraignante de la loi. Le respect de la directive est assuré même si les motifs de l’impôt ne sont pas détaillés au sein des dispositions législatives impératives.

Il suffit que la mesure fiscale ne soit pas discriminatoire au sens du droit fiscal pur, lequel échappe ici au contrôle de la directive. Cette solution confirme la large marge de manœuvre dont disposent les autorités nationales pour structurer leur propre système de contributions énergétiques.

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Hassan KOHEN
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