Cour de justice de l’Union européenne, le 9 juin 2016, n°C-25/15

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en sa cinquième chambre, a rendu le 9 juin 2016 une décision relative à l’entraide judiciaire. Cette affaire porte sur le droit à la traduction des documents essentiels et sur les modalités d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires. Un ressortissant national a fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine d’emprisonnement par une juridiction située dans un autre État membre. Les autorités de l’État de condamnation ont informé le ministère de la Justice de l’État de nationalité du contenu de ce jugement répressif. Une procédure spéciale a été engagée devant la juridiction de renvoi afin de reconnaître les effets de cette décision étrangère sur le territoire national. Le droit interne prévoit que les frais de traduction de la décision étrangère incombent à la personne condamnée dans le cadre de cette instance. La juridiction saisie s’interroge sur la conformité de cette charge financière avec les dispositions garantissant une assistance linguistique gratuite durant les procès pénaux. Le litige soulève la question de savoir si le droit à la traduction gratuite s’étend à une procédure de reconnaissance postérieure à la condamnation. La Cour doit également déterminer si le droit de l’Union autorise un État membre à subordonner l’inscription au casier judiciaire à une reconnaissance préalable. La juridiction européenne juge que la directive relative au droit à la traduction ne s’applique pas à une telle procédure de reconnaissance simplifiée. Elle précise surtout que les textes organisant l’échange d’informations entre les États s’opposent à l’existence d’une procédure nationale de reconnaissance systématique. Le commentaire portera d’abord sur l’exclusion de la protection linguistique au stade de la reconnaissance avant d’analyser l’illégalité de la procédure nationale de validation.

I. L’exclusion de la protection linguistique lors de la reconnaissance

A. Une procédure située hors du champ temporel de la directive

La protection offerte par la directive 2010/64 s’inscrit dans un cadre temporel strictement défini par le texte même de la norme européenne applicable. L’article 1er, paragraphe 2, dispose que ce droit s’applique « jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question ». Or, l’instance engagée sur le fondement de la loi relative à l’entraide judiciaire intervient nécessairement après que la culpabilité a été établie. La Cour souligne qu’une telle mesure de reconnaissance judiciaire « intervient, par définition, après la détermination définitive de la question de savoir si la personne a commis l’infraction ». Ce constat suffit à exclure l’application des garanties procédurales liées à la défense lorsque la responsabilité pénale ne peut plus être débattue. L’objectif de la norme est de sécuriser le procès équitable mais non de financer les formalités administratives postérieures à la clôture des débats. La procédure spéciale ne visant ni une nouvelle appréciation des faits ni une nouvelle condamnation échappe ainsi au régime de la gratuité linguistique.

B. L’absence de nécessité fonctionnelle pour l’exercice des droits de la défense

L’assistance linguistique gratuite vise exclusivement à permettre aux suspects ou aux poursuivis d’exercer pleinement leurs droits de défense durant l’instance pénale principale. La Cour observe que l’intéressé avait déjà obtenu la traduction du jugement étranger lors de sa notification initiale par la juridiction de condamnation. Dès lors, une nouvelle traduction effectuée dans le cadre de la procédure nationale de reconnaissance « n’était pas nécessaire à la protection des droits de la défense ». L’exigence de traduction gratuite ne saurait être détournée pour couvrir des besoins purement internes à l’administration de la justice d’un État membre. La protection du droit à un procès équitable est assurée dès lors que l’intéressé a compris les charges et le sens de sa condamnation. Cette interprétation téléologique confirme que la directive ne trouve pas à s’appliquer lorsque la situation juridique de la personne est déjà définitivement fixée. L’inapplicabilité des garanties linguistiques précède l’analyse de la validité même de la procédure de reconnaissance au regard des mécanismes d’échange européens.

II. L’illégalité de la procédure nationale de reconnaissance systématique

A. L’entrave à l’efficacité du système informatisé d’échange

La mise en place du système européen d’information sur les casiers judiciaires répond à un objectif de simplification et de célérité des transmissions transfrontalières. Selon la Cour, ce mécanisme repose sur un « format standardisé permettant la transmission de ces informations sous une forme homogène, informatisée, compréhensible et aisément traduisible ». L’article 4 de la décision-cadre 2009/315 prévoit que l’État de condamnation informe l’État de nationalité au moyen de codes automatisés et de formulaires types. L’instauration d’une procédure de reconnaissance judiciaire systématique préalable à l’inscription au casier judiciaire national est « susceptible de ralentir fortement cette inscription ». Une telle exigence administrative prive d’utilité le mécanisme de traduction automatisé prévu par le droit de l’Union pour fluidifier les échanges pénaux. La juridiction européenne censure ainsi les réglementations nationales qui ajoutent des étapes procédurales lourdes à un dispositif conçu pour être rapide et efficace.

B. La méconnaissance du principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales

L’architecture de la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union européenne repose désormais sur le principe cardinal de la reconnaissance mutuelle. L’article 82, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne impose aux États de reconnaître les jugements étrangers sans formalités excessives. La Cour affirme que ce principe « s’oppose à ce que la reconnaissance par un État membre des décisions rendues par les juridictions d’un autre État membre soit soumise à la mise en œuvre […] d’une procédure judiciaire à cette fin ». L’inscription au casier judiciaire doit donc intervenir directement sur la base de la transmission opérée par l’autorité centrale de l’État de condamnation. Toute exigence de validation judiciaire intermédiaire constitue une violation caractérisée de la confiance mutuelle que les États membres se doivent d’accorder mutuellement. Cette solution garantit que l’espace de liberté, de sécurité et de justice ne soit pas entravé par des particularismes procéduraux nationaux redondants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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