La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 9 octobre 2014, un arrêt fondamental relatif à la notion autonome de juridiction nationale. Un opérateur de services de communications électroniques contestait le rejet d’une demande de compensation financière pour la fourniture de services de sécurité maritime. L’autorité administrative compétente avait refusé ce remboursement au motif que l’entreprise réalisait des bénéfices globaux sur ses autres obligations de service universel. La commission de recours administrative, saisie de la contestation, a décidé d’interroger le juge européen sur la conformité de la législation nationale. Le litige portait sur l’interprétation de l’article 32 de la directive concernant le service universel et les droits des utilisateurs. La Cour a examiné sa propre compétence en vérifiant si l’organisme de renvoi possédait le caractère d’une juridiction au sens du droit européen. Elle a conclu à son incompétence en raison du manque d’indépendance et d’impartialité de l’organe ayant formulé la demande préjudicielle. L’analyse de cette solution nécessite d’aborder la stricte application des critères organiques avant d’étudier l’exclusion fonctionnelle de la qualification juridictionnelle.
I. La stricte application des critères organiques de la juridiction
A. L’exigence de garanties d’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif
L’indépendance constitue un élément inhérent à la mission de juger et suppose que l’instance soit protégée contre toute intervention ou pression extérieure. La Cour évalue cette qualité selon un ensemble de critères comme l’origine légale, la permanence et le caractère obligatoire de la juridiction. La désignation des membres par un ministre pour une période de quatre années ne garantit pas l’étanchéité totale face au pouvoir exécutif.
B. La carence de protection législative contre la révocation des membres
Les garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles précises concernant les causes de révocation des membres de l’instance concernée. Le juge européen exige que les cas de licenciement soient déterminés par des dispositions législatives expresses afin d’écarter tout doute légitime. « La révocation des membres ne semble pas soumise à des garanties particulières permettant d’écarter tout doute légitime quant à l’indépendance de cet organisme. » L’absence de statut protecteur spécifique permet au pouvoir exécutif d’exercer une influence indue sur le processus décisionnel de cette commission.
Cette insuffisance organique se double d’une analyse fonctionnelle révélant l’absence d’impartialité de l’organisme de recours dans le cadre procédural.
II. L’exclusion de la nature juridictionnelle par l’examen fonctionnel
A. Le défaut d’impartialité lié à la qualité de partie à l’instance
La notion d’indépendance implique que l’instance de jugement ait la qualité de tiers par rapport à l’autorité qui a adopté l’acte contesté. Les décisions de l’organisme de recours peuvent être contestées devant les tribunaux ordinaires où ledit organisme intervient alors comme partie défenderesse. « Cette participation de l’organisme à une procédure mettant en cause sa propre décision implique qu’il ne possède pas l’impartialité requise. »
B. L’incompétence de la Cour de justice face à un organisme administratif
La Cour de justice de l’Union européenne se déclare incompétente car l’organisme émetteur ne répond pas à la définition prévue par les traités. Le refus de statuer protège l’intégrité de la procédure préjudicielle en la réservant aux seules autorités exerçant une véritable fonction de jugement. Cette jurisprudence invite les États membres à renforcer le statut de leurs instances de régulation pour permettre un dialogue judiciaire efficace.