Avocats au barreau de Paris : conseil et défense face aux accusations d'appropriations frauduleuses
Poursuivi pour vol, vous faites face à des sanctions pénales considérables, pouvant aller de l’amende à cinq ans d’emprisonnement pour un vol simple, voire dix ans ou davantage en présence de circonstances aggravantes telles que l’effraction, la violence ou l’appartenance à une bande organisée. Cette infraction, parmi les plus fréquemment poursuivies devant les juridictions pénales, requiert l’assistance d’un conseil en droit pénal rompu à la construction d’une défense robuste et à la contestation méthodique des éléments constitutifs.
Le Cabinet Kohen Avocats défend les personnes poursuivies pour vol devant l’ensemble des juridictions parisiennes.
Que vous soyez accusé de vol simple dans un établissement commercial, de cambriolage, de vol avec violence ou de vol en bande organisée, nous analysons votre dossier avec minutie pour identifier tous les moyens de défense disponibles. Contestation de l’appropriation frauduleuse, absence d’intention délictuelle, erreur sur la propriété du bien, restitution volontaire, régularisation amiable : notre objectif demeure votre relaxe ou, à défaut, l’obtention d’une sanction clémente sans emprisonnement ferme et sans inscription durable au casier judiciaire.
Qu'est-ce que le vol ?
Définition juridique :
L’article 311-1 du Code pénal définit le vol comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.
Cette définition concise recouvre trois éléments essentiels qu’il convient d’analyser avec précision : – Soustraction : appréhension matérielle du bien appartenant à un tiers – Frauduleuse : intention délibérée de s’approprier définitivement le bien – Chose d’autrui : le bien constitue la propriété d’une personne distincte
Le vol se distingue d’autres infractions patrimoniales voisines :
Vol et abus de confiance : le vol suppose une soustraction (prise du bien sans accord du propriétaire légitime), tandis que l’abus de confiance suppose une remise volontaire du bien dans le cadre d’une relation de confiance suivie d’un détournement ultérieur.
Vol et escroquerie : le vol constitue une appropriation clandestine, tandis que l’escroquerie suppose que la victime remette volontairement le bien suite à des manoeuvres frauduleuses caractérisées.
Vol et recel : le vol désigne la soustraction initiale, le recel sanctionne la détention du bien volé par un tiers ayant connaissance de son origine illicite.
Types de vol :
Vol simple : soustraction réalisée sans aucune circonstance aggravante.
Vol avec effraction : cambriolage impliquant le forcement d’une porte, d’une fenêtre ou d’une serrure.
Vol avec violence : vol accompagné de violences physiques ou de menaces à l’encontre de la victime.
Vol en réunion : vol commis par plusieurs personnes agissant de concert.
Vol dans un local d’habitation : circonstance aggravante particulière compte tenu de l’atteinte à l’intimité du domicile.
Éléments constitutifs du vol
Pour que le vol soit juridiquement constitué, trois éléments cumulatifs doivent être réunis simultanément :
Élément matériel : la soustraction
Il convient d’avoir soustrait la chose, c’est-à-dire l’avoir appréhendée matériellement contre la volonté de son propriétaire ou à son insu.
La soustraction suppose un déplacement du bien, une emprise matérielle effective. Le simple projet de voler sans passage à l’acte ne constitue pas un vol consommé (hormis l’hypothèse de la tentative caractérisée).
La soustraction est consommée dès lors que l’auteur a pris possession du bien, même de façon très brève. Il n’est nullement nécessaire qu’il ait pu en profiter durablement.
La chose d’autrui :
Le bien soustrait doit appartenir à autrui. Nul ne peut voler son propre bien.
La chose peut constituer un bien mobilier corporel (objet, argent liquide, véhicule) ou incorporel (données informatiques, énergie électrique).
Le vol de biens immobiliers demeure juridiquement impossible, mais le vol de leurs composants (tuiles, matériaux, équipements) constitue bel et bien une infraction.
Élément intentionnel : l’intention frauduleuse
L’auteur doit avoir agi avec l’intention délibérée de s’approprier définitivement le bien, de se comporter comme son propriétaire légitime au préjudice du véritable titulaire du droit de propriété.
L’intention frauduleuse distingue le vol d’autres comportements :
Usage temporaire : si la personne avait l’intention de restituer le bien après usage, il ne s’agit pas techniquement d’un vol mais d’un usage sans autorisation (infraction distincte et moins grave).
Erreur sur la propriété : si la personne croyait légitimement que le bien lui appartenait ou était abandonné, l’intention frauduleuse fait défaut et la relaxe s’impose.
Peines encourues selon les circonstances
Vol simple :
Article 311-3 du Code pénal. Peine : trois ans d’emprisonnement et quarante-cinq mille euros d’amende. Tribunal compétent : Tribunal correctionnel.
Vol avec circonstance aggravante :
Les peines sont substantiellement alourdies en présence d’une ou plusieurs circonstances aggravantes :
Vol commis dans un local d’habitation ou lieu destiné à l’entrepôt de fonds : cinq ans et soixante-quinze mille euros.
Vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou complice : cinq ans et soixante-quinze mille euros.
Vol précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui n’ayant pas entraîné d’ITT : cinq ans et soixante-quinze mille euros.
Vol avec effraction, escalade ou usage de fausses clés : cinq ans et soixante-quinze mille euros.
Vol commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public : cinq ans et soixante-quinze mille euros.
Vol commis avec usage ou menace d’une arme : sept ans et cent mille euros (crime si violences aggravées).
Cumul de circonstances aggravantes :
Si plusieurs circonstances aggravantes sont réunies, les peines augmentent progressivement pouvant atteindre quinze ans voire vingt ans de réclusion criminelle pour les vols à main armée avec violences.
Vol en bande organisée :
Le vol commis en bande organisée constitue un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle, porté à vingt ans si le vol s’accompagne de circonstances aggravantes.
Peines complémentaires :
Confiscation : confiscation du produit du vol et des biens ayant servi à le commettre (véhicule notamment).
Interdiction des droits civiques : pour une durée maximale de cinq ans.
Interdiction d’exercer une activité professionnelle : notamment si le vol a été commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’activité professionnelle.
Comment vos avocats vous défendent
Contestation de la soustraction :
Nous démontrons que vous n’avez pas soustrait le bien.
Absence de preuve : en l’absence de témoin direct, de caméra de surveillance ou d’aveu, la preuve de la soustraction repose fréquemment sur des présomptions. Nous contestons rigoureusement ces présomptions et la matérialité du vol.
Propriété du bien : nous établissons que le bien vous appartenait ou que vous déteniez des droits légitimes sur lui, excluant ainsi la qualification de chose d’autrui.
Contestation de l’intention frauduleuse :
L’élément central de la défense consiste fréquemment à contester l’intention de s’approprier définitivement le bien.
Erreur sur la propriété : nous démontrons que vous pensiez légitimement que le bien vous appartenait, était abandonné ou que vous déteniez le droit de le prendre. Cette erreur fait obstacle à l’intention frauduleuse.
Intention de restituer : nous établissons que vous aviez l’intention de rendre le bien après usage temporaire. Cette intention, si elle est prouvée de manière convaincante, exclut la qualification de vol (mais peut constituer une autre infraction mineure).
Oubli de payer : dans les vols en magasin, nous démontrons que vous aviez l’intention de payer mais avez oublié en raison d’une distraction, d’un produit demeuré dans un sac, d’une confusion. L’absence d’intention frauduleuse entraîne la relaxe.
Consentement du propriétaire :
Nous démontrons que le propriétaire avait consenti à la prise du bien ou vous avait autorisé à l’utiliser. Le consentement exclut la soustraction frauduleuse.
Accord verbal : nous prouvons par témoignages ou messages que le propriétaire vous avait autorisé à prendre le bien.
État de nécessité :
Dans des circonstances exceptionnelles, nous invoquons l’état de nécessité : vous avez pris le bien pour éviter un danger grave et imminent menaçant votre vie ou celle d’autrui.
Cette défense suppose que le danger soit actuel, que la prise du bien ait constitué le seul moyen d’y échapper et que le mal causé soit proportionné au mal évité. Elle est rarement admise mais peut être invoquée dans des situations extrêmes (vol de nourriture en cas de nécessité vitale, vol de médicaments vitaux).
Restitution du bien et réparation :
La restitution du bien volé et la réparation du préjudice constituent des éléments favorables majeurs.
Restitution rapide : si vous avez restitué le bien rapidement après les faits, nous valorisons cette démarche démontrant une prise de conscience authentique.
Indemnisation intégrale : nous négocions l’indemnisation complète de la victime. Cette réparation peut conduire le tribunal à prononcer une dispense de peine ou une peine d’amende sans emprisonnement.
Retrait de plainte : si la victime retire sa plainte après indemnisation, le procureur peut classer l’affaire sans suite ou le tribunal prononcer une peine symbolique.
Absence d’antécédent et insertion sociale :
Nous mettons en avant votre absence d’antécédent judiciaire, votre insertion professionnelle et sociale, le caractère exceptionnel du passage à l’acte.
Pour les vols en magasin commis sous l’emprise d’une impulsion (kleptomanie) ou d’un état psychologique perturbé, nous produisons des certificats médicaux ou psychologiques attestant de troubles ayant altéré votre discernement.
Nullités de procédure :
Nous examinons scrupuleusement la régularité de la procédure : conditions de l’interpellation, garde à vue, perquisitions. Toute irrégularité peut entraîner l’annulation de pièces du dossier.
Quelle est la différence entre vol et abus de confiance ?
Le vol en magasin est-il moins grave qu'un cambriolage ?
La restitution du bien volé évite-t-elle une condamnation ?
Peut-on invoquer l'oubli de payer en cas de vol en magasin ?
Que faire immédiatement après une accusation de vol ?
Peut-on être condamné pour vol sans preuve matérielle ?
La valeur de l'objet volé influence-t-elle la sanction ?
Quelles sont les circonstances aggravantes les plus fréquentes ?
Peut-on négocier une CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) ?
Un vol peut-il être requalifié en infraction moins grave ?
Quelles sont les conséquences d'une condamnation pour vol sur le casier judiciaire ?
L'immunité familiale s'applique-t-elle au vol ?
Combien de temps dispose-t-on pour porter plainte pour vol ?
Que se passe-t-il si le bien volé a été revendu ?
Peut-on être relaxé en cas de kleptomanie ?
Vols et recels dans les condamnations pénales en 2023
Les vols et recels représentent une part importante des condamnations prononcées pour délits. Les données ci-dessous portent sur l’année 2023.
Données issues des tableaux 17 et 6A du fichier Excel “Condamnations en 2023” , publié sur la page officielle du ministère de la Justice .
Ces données décrivent la pratique générale des juridictions en matière de vols et de recels. Elles ne permettent pas de déterminer à elles seules la peine encourue dans un dossier donné.
Les dernières actualités.
Vous êtes accusé d’abus de confiance ou vous pensez en être victime.
Cette infraction, prévue par l’article 314-1 du Code pénal, sanctionne le détournement de biens remis à titre précaire.
Les peines encourues sont lourdes : trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.
Pourtant, de nombreuses poursuites aboutissent à une relaxe lorsque les éléments constitutifs ne sont pas réunis ou que le litige relève en réalité du droit civil.
Cet article vous présente le régime juridique de l’abus de confiance, les moyens de défense et les stratégies à adopter face à cette accusation.
Qu’est-ce que l’abus de confiance ?
Définition légale
L’article 314-1 du Code pénal définit l’abus de confiance comme le fait de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui ont été remis et que l’on a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
Cette définition implique la réunion de plusieurs éléments constitutifs que le ministère public doit démontrer.
Les éléments constitutifs
L’infraction d’abus de confiance suppose la réunion de quatre éléments cumulatifs.
Le premier élément est la remise d’un bien à titre précaire.
La victime doit avoir volontairement remis des fonds, des valeurs ou un bien quelconque à l’auteur.
Cette remise doit être faite à titre précaire, c’est-à-dire à charge de restituer le bien, de le représenter ou d’en faire un usage déterminé.
La Cour d’appel de Douai a rappelé, dans un arrêt du 10 novembre 2022, que le délit ne peut porter que sur des fonds remis à titre précaire et non en pleine propriété.
Le deuxième élément est le détournement.
L’auteur doit avoir détourné le bien remis de l’usage pour lequel il avait été confié.
Ce détournement peut prendre plusieurs formes : appropriation personnelle, utilisation à des fins étrangères au mandat, refus de restitution, impossibilité de représenter le bien.
La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 13 mars 2014, a condamné un directeur salarié pour abus de confiance après qu’il eut détourné des fonds de l’entreprise pour financer l’acquisition de sa résidence personnelle.
Le troisième élément est l’intention frauduleuse.
L’abus de confiance est un délit intentionnel.
L’auteur doit avoir eu connaissance du caractère précaire de sa possession et avoir eu l’intention de se comporter en propriétaire du bien remis.
L’appréciation de la mauvaise foi relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Le quatrième élément est le préjudice.
La victime doit avoir subi un préjudice matériel ou moral du fait du détournement.
Ce préjudice peut consister en la perte définitive du bien ou en la privation temporaire de son usage.
Les biens pouvant faire l’objet d’un abus de confiance
L’infraction peut porter sur des fonds, des valeurs ou un bien quelconque.
La jurisprudence a adopté une conception extensive de cette notion.
Les biens corporels sont naturellement visés : argent liquide, chèques, marchandises, véhicules, matériel informatique.
Les biens incorporels peuvent également faire l’objet d’un abus de confiance lorsqu’ils sont susceptibles d’appropriation : fichiers clients, données informatiques, listes commerciales.
La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 5 juillet 2023, a condamné des salariés pour abus de confiance après qu’ils eurent détourné des fichiers clients, le numéro SIREN et du matériel de leur employeur au profit d’une société concurrente.
En revanche, les services et les immeubles sont exclus du champ de l’infraction.
Les sanctions de l’abus de confiance
Les peines principales
L’abus de confiance simple est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Ces peines constituent le quantum de base applicable à la forme non aggravée de l’infraction.
Les circonstances aggravantes
Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende dans plusieurs hypothèses prévues par l’article 314-2 du Code pénal.
L’aggravation s’applique lorsque l’abus de confiance est commis par un mandataire de justice, un officier public ou ministériel, ou par une personne chargée d’une mission de service public.
Elle s’applique également lorsque l’infraction est commise au préjudice d’une personne vulnérable en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou psychique.
La qualité de l’auteur ou la vulnérabilité de la victime justifient cette répression accrue.
Les peines complémentaires
Les articles 314-10 à 314-13 du Code pénal prévoient plusieurs peines complémentaires susceptibles d’être prononcées.
L’interdiction des droits civiques, civils et de famille peut être ordonnée pour une durée maximale de cinq ans.
L’interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle en lien avec l’infraction peut être prononcée à titre définitif ou temporaire.
La confiscation du bien ayant servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit peut être ordonnée.
L’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation peuvent être prescrits par le tribunal.
La distinction avec les infractions voisines
Abus de confiance et vol
La distinction fondamentale réside dans le mode d’entrée en possession du bien.
Le vol suppose une soustraction frauduleuse : l’auteur s’empare du bien sans le consentement du propriétaire.
L’abus de confiance implique au contraire une remise volontaire préalable : le bien a été confié librement avant d’être détourné.
Cette distinction a des conséquences procédurales importantes puisque la qualification retenue détermine le régime de la prescription.
Abus de confiance et escroquerie
L’escroquerie se caractérise par l’emploi de manœuvres frauduleuses pour déterminer la remise des fonds.
L’auteur trompe la victime dès l’origine pour obtenir la remise du bien.
Dans l’abus de confiance, la remise est licite au départ.
C’est l’utilisation ultérieure du bien qui est frauduleuse.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 juin 2012, a précisé que des pertes financières dues au non-respect d’un mandat de gestion ne constituent pas une escroquerie en l’absence de manœuvres frauduleuses initiales, mais peuvent relever de l’abus de confiance si les fonds ont été utilisés à des fins étrangères au mandat.
Abus de confiance et abus de biens sociaux
La distinction repose sur la qualité de l’auteur.
L’abus de biens sociaux, prévu par l’article L.242-6 du Code de commerce, vise exclusivement les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales.
L’abus de confiance s’applique à toute personne, quelle que soit sa qualité.
La Cour d’appel de Montpellier, dans son arrêt du 13 mars 2014, a rappelé qu’un directeur salarié qui n’est pas dirigeant de fait ne peut être poursuivi pour abus de biens sociaux mais pour abus de confiance.
Les moyens de défense
L’absence de remise à titre précaire
Le moyen de défense le plus efficace consiste à démontrer que les fonds n’ont pas été remis à titre précaire mais en pleine propriété.
Si le transfert de propriété est établi, l’infraction n’est pas constituée et le litige relève du droit civil des contrats.
La Cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 10 novembre 2022, a consacré ce principe en écartant la qualification pénale lorsque la remise avait opéré transfert de propriété.
Le litige civil sur les comptes
Lorsqu’il existe un désaccord entre les parties sur le décompte des sommes dues et des réclamations réciproques, le juge pénal peut écarter la qualification d’abus de confiance.
La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 14 octobre 2004, a prononcé la relaxe d’un prévenu au motif qu’il n’y avait pas eu de détournement : le bien avait été légitimement détenu et vendu, et le différend portait sur un simple litige civil concernant les comptes entre les parties.
Cette jurisprudence offre une voie de sortie du pénal lorsque le conflit relève en réalité d’une inexécution contractuelle.
L’absence d’intention frauduleuse
La démonstration de la bonne foi peut conduire à la relaxe.
L’auteur peut invoquer une erreur sur ses droits, une croyance légitime d’être propriétaire du bien, ou l’existence d’une compensation avec une créance qu’il détenait sur la victime.
L’appréciation de l’intention frauduleuse relève du pouvoir souverain des juges du fond.
La restitution
La restitution du bien, même tardive, peut être prise en compte par le tribunal.
Elle n’efface pas nécessairement l’infraction déjà consommée mais peut influer sur la peine prononcée et sur l’évaluation du préjudice de la victime.
Les cas particuliers
L’abus de confiance par un salarié
Le salarié qui détourne des biens appartenant à son employeur commet un abus de confiance.
La Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 5 juillet 2023, a condamné des salariés qui avaient détourné des fichiers clients et du matériel au profit d’une société concurrente qu’ils constituaient.
La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 25 avril 2023, a qualifié de véritable abus de confiance prémédité le comportement d’un salarié qui profitait des relations commerciales et des moyens de son employeur pour développer des projets personnels concurrents.
Le détournement de la force de travail peut également caractériser l’abus de confiance.
La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 20 octobre 2004, que le fait pour un dirigeant d’utiliser les salariés de l’association à des fins personnelles pendant leur temps de travail s’analyse comme un détournement des fonds servant à les rémunérer.
L’abus de confiance par un agent commercial
L’agent commercial qui détourne les encaissements destinés à son mandant commet un abus de confiance.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 20 avril 2022, a traité d’une affaire de détournement de chèques liés à une activité commerciale, les fonds étant destinés à la société mandante.
L’abus de confiance par un mandataire
Le mandataire qui utilise les fonds de son mandant à des fins étrangères au mandat commet un abus de confiance aggravé.
L’aggravation résulte de la qualité de mandataire de justice lorsqu’elle est établie.
Les avocats, notaires et autres officiers ministériels encourent les peines aggravées de sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
La prescription de l’abus de confiance
Le délai de prescription
L’abus de confiance est un délit.
Le délai de prescription de l’action publique est de six ans depuis la loi du 27 février 2017.
Le point de départ du délai
La jurisprudence considère l’abus de confiance comme une infraction clandestine par nature.
Le délai de prescription ne court pas à compter du jour du détournement mais à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
En pratique, le point de départ est généralement fixé au jour où la victime a eu connaissance du détournement.
Cette règle favorable aux victimes permet d’engager des poursuites plusieurs années après les faits lorsque le détournement a été dissimulé.
L’interruption de la prescription
Tout acte d’enquête émanant du ministère public interrompt le cours de la prescription.
Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile interrompt également la prescription.
La procédure
Le dépôt de plainte
La victime peut déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République.
La plainte doit exposer les faits et identifier les éléments constitutifs de l’infraction.
L’enquête préliminaire
Le procureur de la République peut ordonner une enquête préliminaire pour vérifier la réalité des faits et rassembler les preuves.
Les enquêteurs procèdent aux auditions, aux réquisitions bancaires et aux perquisitions nécessaires.
La citation directe et la convocation par officier de police judiciaire
Le procureur peut citer directement le prévenu devant le tribunal correctionnel ou le convoquer par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire.
Ces modes de poursuite sont fréquemment utilisés en matière d’abus de confiance.
L’audience correctionnelle
Le tribunal correctionnel statue sur la culpabilité du prévenu et sur les intérêts civils de la partie civile.
Le prévenu dispose de toutes les garanties du procès équitable : présomption d’innocence, droit à l’assistance d’un avocat, droit de contester les preuves.
La constitution de partie civile
Les conditions
Toute personne ayant personnellement souffert du dommage causé par l’infraction peut se constituer partie civile.
La victime doit justifier d’un préjudice direct et personnel résultant du détournement.
L’indemnisation
La partie civile peut obtenir réparation de son préjudice matériel et moral.
Le préjudice matériel correspond à la valeur du bien détourné et aux frais engagés.
Le préjudice moral peut être invoqué lorsque l’abus de confiance a causé une atteinte à l’honneur ou à la réputation.
La Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 5 juillet 2023, a alloué 6 200 euros de dommages-intérêts à l’employeur victime du détournement de fichiers clients.
La stratégie de défense
L’analyse du dossier
La première étape consiste à analyser minutieusement le dossier pour identifier les failles de l’accusation.
L’avocat vérifie si les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis et si les preuves produites sont recevables.
La contestation de la qualification
De nombreuses poursuites pour abus de confiance échouent parce que les faits relèvent en réalité du droit civil.
L’absence de remise à titre précaire, le litige sur les comptes, la compensation avec une créance réciproque constituent autant d’arguments pour contester la qualification pénale.
La négociation
Dans certains cas, une négociation avec la partie civile peut permettre d’obtenir un classement sans suite ou une relaxe.
Le remboursement des sommes détournées et la réparation du préjudice peuvent favoriser une issue amiable.
La préparation de l’audience
L’audience correctionnelle se prépare en rassemblant les preuves de la bonne foi et en préparant la plaidoirie.
L’avocat veille au respect des droits de la défense tout au long de la procédure.
Conclusion
L’abus de confiance est une infraction grave dont la répression peut être sévère.
Toutefois, les moyens de défense sont nombreux et efficaces lorsqu’ils sont correctement mis en œuvre.
L’intervention précoce d’un avocat pénaliste permet d’analyser le dossier, de contester la qualification et de préparer une défense adaptée.
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Par une décision en date du 25 juin 2025, le Conseil d’État est venu préciser les critères d’appréciation du caractère abusif d’une demande de communication de documents administratifs. En l’espèce, un particulier avait sollicité d’un ministère la communication d’un ensemble de documents relatifs à onze missions de conseil menées pour son compte. Face au refus implicite de l’administration, le demandeur avait saisi la juridiction administrative après avoir obtenu un avis favorable de la commission d’accès aux documents administratifs. Par un jugement du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris avait partiellement fait droit à la demande, annulant le refus de communication pour une grande partie des documents et enjoignant à l’administration de les produire. Les premiers juges avaient écarté le caractère abusif de la demande en se fondant sur l’absence d’intention de perturber le bon fonctionnement du service. Saisi d’un pourvoi par le ministre, le Conseil d’État devait donc se prononcer sur la question de savoir si l’appréciation du caractère abusif d’une demande de communication de documents administratifs doit se limiter à l’examen de l’intention du demandeur ou si elle doit également prendre en compte la charge de travail que cette demande représente pour l’administration. À cette interrogation, la Haute Juridiction administrative répond en censurant le raisonnement du tribunal administratif pour erreur de droit. Elle affirme que le juge doit, pour déterminer si une demande revêt un caractère abusif, rechercher si la charge qu’elle implique pour l’administration est disproportionnée, en tenant compte des éléments précis fournis par celle-ci et en les mettant en balance avec l’intérêt que présente la communication pour le demandeur et, le cas échéant, pour le public.
Cette décision vient ainsi clarifier la méthode d’appréciation du caractère abusif d’une demande de communication (I), ce qui conduit à un renouvellement de l’équilibre entre le droit d’accès et les contraintes pesant sur l’administration (II).
***
I. La clarification de la notion de demande abusive
Le Conseil d’État précise les contours de la notion de demande abusive en dépassant une approche purement subjective (A) pour consacrer une méthode d’appréciation concrète et objective (B).
A. Le dépassement d’une appréciation subjective de l’abus
En première instance, le tribunal administratif avait estimé que la demande de communication ne pouvait être qualifiée d’abusive dès lors qu’elle « n’avait pas pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ». Ce faisant, les juges du fond s’étaient limités à une analyse de l’intention du demandeur, en recherchant si celui-ci était animé par une volonté de nuire ou de paralyser le service public. Cette approche, si elle n’est pas erronée en soi, est jugée insuffisante par le Conseil d’État. La Haute Juridiction considère que le caractère abusif d’une demande ne saurait être exclusivement subordonné à la preuve d’une intention malveillante. En se bornant à ce seul critère, le tribunal a omis une dimension essentielle de l’exception prévue par le dernier alinéa de l’article L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration. La décision commentée marque ainsi une prise de distance avec une conception purement psychologique de l’abus, qui s’avère souvent difficile à établir en pratique et ne couvre pas toutes les situations où le droit d’accès peut légitimement être limité.
Cette limitation du critère intentionnel conduit logiquement la Haute Juridiction à définir les éléments objectifs que le juge doit désormais examiner pour évaluer le caractère abusif d’une demande.
B. La consécration d’une méthode d’appréciation objective
Le Conseil d’État impose au juge administratif une démarche pragmatique fondée sur l’analyse concrète de la charge de travail imposée à l’administration. Il énonce qu’il « revient au juge de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l’intérêt qui s’attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public ». Pour ce faire, le juge ne peut écarter les arguments de l’administration sans analyser les « éléments précis et chiffrés » qu’elle produit. Il doit ainsi examiner le nombre de documents, l’ampleur des opérations matérielles nécessaires, notamment l’occultation de mentions protégées par le secret des affaires ou la vie privée, et les moyens humains que le service devrait mobiliser. En cassant le jugement pour erreur de droit, le Conseil d’État sanctionne le tribunal pour ne pas avoir mené cette instruction contradictoire et pour avoir ignoré les justifications détaillées du ministère. Cette solution établit donc une véritable obligation pour le juge de procéder à une pesée des intérêts en présence, en objectivant le débat par des éléments matériels et vérifiables.
Cette nouvelle méthode d’appréciation n’est pas sans conséquences sur l’équilibre des droits et obligations des parties, redéfinissant les contours du contrôle exercé par le juge de l’accès aux documents administratifs.
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II. Le renouvellement de l’équilibre entre droit d’accès et contraintes administratives
En précisant la notion de demande abusive, la décision renforce les moyens de défense de l’administration (A) tout en confiant au juge un rôle central dans la mise en balance des intérêts (B).
A. Le renforcement des moyens de défense de l’administration
La décision offre à l’administration une voie de droit plus claire pour s’opposer aux demandes qu’elle estime excessives. Auparavant, la nécessité de prouver l’intention de nuire du demandeur rendait l’exception pour demande abusive difficile à invoquer avec succès. Désormais, l’administration peut se prévaloir d’une charge de travail disproportionnée, à condition de l’étayer par des éléments factuels précis. Cela lui permet de se défendre contre des demandes très larges ou systématiques qui, sans être nécessairement malveillantes, peuvent avoir un effet paralysant sur ses services. La décision reconnaît ainsi la réalité des contraintes matérielles et humaines qui pèsent sur les services publics et légitime la prise en compte de l’efficacité administrative comme un intérêt digne de protection. Il ne s’agit pas d’accorder à l’administration un droit de veto discrétionnaire, mais de lui permettre de faire valoir objectivement les conséquences d’une demande sur son fonctionnement, sous le contrôle du juge. Cette évolution est particulièrement notable dans un contexte de transparence accrue où les administrations sont confrontées à un volume croissant de sollicitations.
Toutefois, ce renforcement des prérogatives de l’administration est contrebalancé par l’obligation faite au juge d’exercer un contrôle approfondi et équilibré.
B. La centralité du contrôle de proportionnalité exercé par le juge
L’apport majeur de cet arrêt réside dans l’exigence d’un contrôle de proportionnalité in concreto. Le Conseil d’État ne se contente pas de valider la prise en compte de la charge de travail ; il en fait l’un des deux plateaux de la balance. Sur l’autre plateau, le juge doit peser l’intérêt de la communication, non seulement pour le demandeur lui-même, mais aussi pour le public. Cette mention de l’intérêt pour le public est essentielle, car elle invite le juge à évaluer la portée citoyenne de la demande, notamment lorsqu’elle touche à l’utilisation des deniers publics ou au fonctionnement des institutions. Ainsi, une demande impliquant une charge de travail importante pourrait néanmoins être satisfaite si elle sert un intérêt public supérieur. Le juge administratif se voit donc confier un rôle d’arbitre, chargé de trouver un juste équilibre entre le principe de transparence, valeur fondamentale de la démocratie, et la nécessité de préserver la capacité d’action de l’administration. La solution n’est donc pas une régression du droit d’accès, mais une invitation à un exercice plus fin et plus casuistique de ce droit, où la décision dépendra entièrement des circonstances de chaque espèce.
L’exercice du droit au maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel pour toute personne détenue, mais il n’est pas absolu et peut être restreint par l’autorité administrative. Par un arrêt en date du 13 février 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a précisé les conditions d’exercice de ce droit et l’étendue du contrôle du juge sur les décisions de refus de permis de visite. En l’espèce, une personne avait sollicité un permis de visite pour un détenu, se présentant comme sa compagne. Le directeur du centre pénitentiaire a rejeté cette demande, une décision confirmée par sa hiérarchie puis par le tribunal administratif de Lyon. La requérante a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel, estimant notamment que le refus était insuffisamment motivé, portait atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, et reposait sur une appréciation erronée des faits. Se posait dès lors la question de savoir à quelles conditions l’administration pénitentiaire peut légalement refuser d’accorder un permis de visite à une personne qui se prévaut d’un lien affectif avec un détenu. La cour administrative d’appel de Lyon rejette la requête, considérant d’une part que la requérante n’a pas apporté la preuve de sa qualité de membre de la famille du détenu, et d’autre part que l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’octroi du permis ferait obstacle à la réinsertion du condamné.
Il convient donc d’analyser la subordination du régime protecteur du droit de visite à la preuve d’un lien familial (I), avant d’examiner la confirmation de la marge d’appréciation de l’administration sous le contrôle restreint du juge (II).
***
I. La subordination du régime protecteur du droit de visite à la preuve d’un lien familial
La cour administrative d’appel applique une distinction rigoureuse entre les visiteurs membres de la famille et les autres personnes, ce qui conduit à une interprétation stricte de la notion de famille (A) et a pour conséquence de rendre inapplicable le régime le plus protecteur (B).
A. L’interprétation stricte de la notion de membre de la famille
Le droit pénitentiaire, notamment l’article 35 de la loi du 24 novembre 2009, établit deux régimes distincts pour les permis de visite, selon que le visiteur est un membre de la famille du détenu ou une autre personne. La cour rappelle que la charge de la preuve de ce lien familial incombe au demandeur du permis. En l’espèce, la requérante se présentait comme la compagne du détenu mais n’a pas réussi à convaincre les juges. La cour estime en effet qu’elle « ne l’établit pas en se bornant à produire des relevés de compte mentionnant des virements bancaires au profit de ce dernier, des attestations établies par eux-mêmes et deux attestations d’amis ». Cette approche démontre une exigence de la part du juge administratif, qui attend des preuves tangibles et objectives d’une vie commune stable et continue, au-delà de simples déclarations ou de flux financiers ponctuels. En l’absence de documents officiels tels qu’un pacte civil de solidarité ou un certificat de concubinage, la démonstration du lien devient particulièrement ardue. Le juge se montre ainsi peu enclin à reconnaître une relation de fait sur la base d’éléments qu’il juge insuffisants, confirmant que la protection renforcée accordée à la famille se mérite et ne se présume pas.
B. L’inapplicabilité du régime protecteur des visites familiales
Le défaut de reconnaissance de la qualité de membre de la famille emporte une conséquence juridique déterminante. La requérante ne peut plus bénéficier des dispositions les plus favorables de l’article 35 de la loi pénitentiaire. Ce texte dispose que l’administration ne peut refuser un permis de visite à un membre de la famille que « pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Or, pour les autres personnes, un motif supplémentaire est prévu : le refus est possible « s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné ». En jugeant que la requérante n’est « pas fondée à se prévaloir de la qualité de membre de la famille du détenu », la cour la place dans cette seconde catégorie. Par conséquent, l’argument tiré de la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est également écarté. L’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale est jugée justifiée et proportionnée, dès lors que le lien familial n’est pas juridiquement établi et que l’administration peut se fonder sur un objectif légitime de réinsertion.
II. La confirmation de la marge d’appréciation de l’administration sous un contrôle restreint
Une fois la requérante qualifiée de « tierce personne », la cour valide le motif de refus retenu par l’administration (A) en n’exerçant qu’un contrôle limité sur l’appréciation des faits (B).
A. La validation du motif tiré du risque pour la réinsertion
L’administration pénitentiaire a fondé son refus sur les antécédents de la requérante, estimant qu’ils pourraient compromettre les efforts de réinsertion du détenu. La cour examine le dossier et relève que l’intéressée « a fait l’objet de citations pour vol et vol à l’étalage en 2019, violence avec usage ou menace d’une arme en 2012, menace de mort réitérée en 2012 et outrage » en 2011. L’arrêt valide le raisonnement de l’administration, en soulignant que même si les faits les plus graves sont anciens, la récurrence du comportement justifie la décision. Le directeur du centre pénitentiaire « a pu, eu égard au caractère récurent de son mauvais comportement, estimer que ces antécédents pourraient faire obstacle à la réinsertion » du détenu. Cette analyse montre que le comportement et le passé d’un visiteur potentiel sont considérés comme des éléments pertinents pour évaluer son influence sur le parcours d’un condamné. La finalité de la peine, qui inclut la préparation à la sortie et la prévention de la récidive, prime ainsi sur le souhait du détenu de recevoir des visites de personnes dont le profil est jugé problématique.
B. L’exercice d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation
En affirmant que le directeur « a pu […] estimer » que les visites feraient obstacle à la réinsertion, la cour administrative d’appel révèle la nature de son contrôle juridictionnel. Il ne s’agit pas pour le juge de se substituer à l’administration pour décider si, à sa place, il aurait accordé ou non le permis de visite. Le juge exerce ici un contrôle restreint, limité à la censure de l’erreur manifeste d’appréciation. Une telle erreur n’est constituée que si la décision de l’administration est à l’évidence inappropriée, disproportionnée ou fondée sur une appréciation grossièrement erronée des faits. En l’occurrence, compte tenu du passé de la requérante, la décision du directeur n’apparaît pas comme manifestement erronée. Cette solution confirme la large marge de manœuvre dont dispose le chef d’établissement pénitentiaire, en tant que garant de la sécurité et du bon déroulement de l’exécution des peines. Il lui appartient d’apprécier souverainement l’opportunité d’autoriser les visites de personnes extérieures à la famille, sous la seule censure d’une erreur flagrante.
Par une ordonnance du 18 août 2025, le juge des référés du Conseil d’État s’est prononcé sur la recevabilité d’une requête en référé mesures utiles. En l’espèce, des particuliers faisaient l’objet d’une saisie administrative sur leurs allocations de chômage, diligentée par les services fiscaux pour le recouvrement d’une créance. Ces personnes, ayant par ailleurs déposé un dossier de surendettement, estimaient que la procédure de recouvrement forcé devait être interrompue. Saisissant directement le juge des référés du Conseil d’État sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, ils demandaient la suspension des mesures de saisie engagées par l’administration fiscale locale. Il revenait donc au juge de déterminer si le Conseil d’État était compétent pour connaître en premier ressort d’une telle demande de mesures provisoires dirigée contre l’action d’un service local de l’État. Le juge des référés rejette la requête pour incompétence manifeste, affirmant qu’« il n’appartient pas au Conseil d’Etat de connaître d’une telle demande ». La solution rappelle ainsi avec force les règles fondamentales de la compétence contentieuse au sein de l’ordre administratif.
La décision se fonde sur une application rigoureuse des règles de compétence d’attribution (I), ce qui justifie le recours à une procédure de rejet simplifié (II).
I. Le rejet inévitable d’une requête mal orientée
Le juge des référés oppose une fin de non-recevoir à la demande des requérants en raison d’une double erreur d’aiguillage. La saisine du Conseil d’État était manifestement inappropriée (A), car elle méconnaissait la compétence de principe du tribunal administratif (B).
A. La vaine invocation du référé mesures utiles devant la Haute Juridiction
Les requérants ont tenté d’obtenir une protection juridictionnelle rapide en se fondant sur les dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative. Cette procédure permet au juge des référés, en cas d’urgence, d’ordonner toute mesure utile qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse et ne fait pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative. Les demandeurs espéraient ainsi obtenir une suspension des poursuites, le temps que leur situation de surendettement soit examinée. Toutefois, l’exercice d’une telle action en référé est subordonné au respect des règles de compétence de la juridiction saisie. Or, en s’adressant directement au Conseil d’État pour contester l’action d’un service fiscal local, les requérants ont ignoré la répartition des compétences au sein de l’ordre administratif. Le choix de la juridiction ne saurait être dicté par la seule urgence ressentie par le justiciable.
B. La compétence exclusive du juge administratif de premier ressort
Le litige portait sur des actes de poursuite émanant d’un service déconcentré de l’administration des finances publiques. Sauf disposition contraire, le contentieux des décisions prises par les autorités locales et les services déconcentrés de l’État relève de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel l’autorité a son siège. Le Conseil d’État n’est compétent en premier et dernier ressort que pour un nombre limité de contentieux, énumérés notamment à l’article R. 311-1 du code de justice administrative, qui concernent principalement les actes réglementaires des ministres ou les décisions de portée nationale. La demande des requérants, visant l’action d’un service local, n’entrait manifestement dans aucune de ces catégories. Le juge des référés du Conseil d’État ne pouvait donc que constater son incompétence matérielle pour statuer sur une telle requête.
II. Une ordonnance à la portée pédagogique
Au-delà de la solution d’espèce, l’ordonnance illustre l’économie procédurale des référés (A) tout en réaffirmant un principe cardinal de l’organisation juridictionnelle (B).
A. L’application de la procédure de rejet sans instruction
La décision est rendue sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, qui autorise le juge des référés à rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction ni audience. Ce mécanisme procédural est réservé aux cas où la demande est manifestement irrecevable, mal fondée, ou lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie. En l’espèce, l’incompétence du Conseil d’État était si évidente qu’elle justifiait ce traitement simplifié. Le juge constate qu’« il est manifeste que la requête (…) ne peut être accueillie ». Cette procédure permet de purger rapidement le prétoire des requêtes vouées à l’échec et de garantir une bonne administration de la justice en concentrant les efforts sur les affaires qui le méritent. Elle témoigne de la volonté du législateur d’allier célérité et efficacité dans le traitement du contentieux de l’urgence.
B. La réaffirmation du principe du juge naturel du litige administratif
En se déclarant incompétent, le juge des référés rappelle implicitement aux justiciables l’importance de saisir le juge naturel du litige, c’est-à-dire le tribunal administratif territorialement compétent. Cette organisation garantit une justice de proximité et respecte le principe du double degré de juridiction, qui permet un réexamen de l’affaire en appel. Saisir directement la juridiction suprême pour un litige qui ne relève pas de sa compétence en premier ressort constitue un contournement des règles procédurales qui ne peut être admis. Cette ordonnance, bien que concise, revêt ainsi une fonction pédagogique en soulignant que l’accès au juge, même dans l’urgence, doit s’exercer dans le respect des règles fondamentales qui structurent l’ordre juridictionnel administratif. Elle rappelle que la hiérarchie des normes s’accompagne d’une hiérarchie des cours et tribunaux.
Article L311-3 du Code pénal
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article L311-3
Les personnes prévenues se voient notifier, par le chef de l’établissement pénitentiaire, à la demande de l’autorité chargée du dossier de la procédure, les informations et documents suivants : 1° Les conclusions des experts et rapports, dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 167 du code de procédure pénale ; 2° Les avis de fin d’information, dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 175 du même code ; 3° Les ordonnances de règlement et les décisions susceptibles de faire l’objet de voies de recours en application des dispositions des articles 99 , 186 et 186-1 du même code , dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 183 du même code ; 4° La date à laquelle leur affaire est renvoyée à l’audience, dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 197 du même code ; 5° Les arrêts de mise en accusation, de non-lieu, de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police, les arrêts contre lesquels il est possible de former un pourvoi en cassation, dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 217 du même code ; 6° Les convocations en justice, dans les conditions et selon les formes prévues par les dispositions de l’article 390-1 du même code .
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Application par la jurisprudence
Je peux répondre, mais je dois d’abord clarifier un point: vos documents internes renvoient surtout à l’article 311-3 du Code pénal (vol), pas au Code pénitentiaire, et je ne vois pas ici de décisions citant “L311-3” du Code pénitentiaire.
Souhaitez‑vous bien l’article L311-3 du Code pénitentiaire (et, si oui, de quel livre/titre), ou parliez‑vous de l’article 311-3 du Code pénal sur le vol simple ?
Dites‑moi lequel et je vous fais une nota bene en 3–4 phrases, avec jurisprudence à l’appui.
Jurisprudence citant cet article
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Article R412-1 du Code pénal
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article R412-1
Lors de l’audition libre d’un mineur, lui sont notifiés dans des termes simples et accessibles, outre les droits prévus à l’ article 61-1 du code de procédure pénale , les droits suivants : 1° Le droit à ce que les représentants légaux ou l’adulte approprié mentionné à l’article L. 311-2 soient informés et le droit d’être accompagné par ceux-ci lors de ses auditions dans les conditions prévues par l’article L. 311-1 ; 2° Le droit à la protection de sa vie privée garanti par l’interdiction de diffuser les enregistrements de ses auditions, par la tenue des audiences en publicité restreinte et par l’interdiction de publier le compte rendu des débats d’audience ou de tout élément permettant son identification.
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Application par la jurisprudence
Nota bene — À défaut d’arrêts identifiés citant précisément « R412-1 CJPM », la jurisprudence contrôle surtout, dans ce chapitre, le respect effectif des droits d’information et d’assistance de l’enfant et de ses représentants légaux lors de l’audition, sur le fondement voisin de L.412-1 et L.412-2 CJPM. En pratique, les juridictions annulent ou écartent des déclarations lorsque l’information sur le droit à l’avocat, l’avis aux représentants légaux ou la traçabilité au procès-verbal font défaut. Ces solutions s’inscrivent dans les principes directeurs rappelés par le Conseil constitutionnel pour la justice des mineurs: atténuation de responsabilité, recherche du relèvement éducatif, et procédures spécialisées.
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Par un arrêt en date du 21 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur le rejet d’une demande de titre de séjour pour raisons médicales, assorti de plusieurs mesures d’éloignement. En l’espèce, un ressortissant étranger, présent sur le territoire français depuis plusieurs années, avait sollicité la régularisation de sa situation au regard de son état de santé. Il souffrait d’une pathologie psychiatrique sévère, attestée par des documents médicaux qui faisaient état d’un risque suicidaire et de la nécessité d’un traitement médicamenteux spécifique. L’autorité administrative, se fondant sur un avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), avait estimé que, malgré la gravité de son état, l’intéressé pouvait bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Le préfet avait en outre retenu l’existence d’une menace à l’ordre public, en raison de plusieurs condamnations pénales. En conséquence, il avait rejeté la demande de titre de séjour, obligé le requérant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trente-six mois. Saisi du litige, le tribunal administratif de Paris avait rejeté le recours formé contre cet arrêté. Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant l’appréciation de l’accès aux soins dans son pays d’origine que la caractérisation d’une menace à l’ordre public. La question posée à la cour était donc de déterminer si les éléments produits par le requérant suffisaient à renverser l’avis du collège de médecins de l’OFII quant à la disponibilité d’un traitement et, subsidiairement, si son passé pénal pouvait légalement justifier l’ensemble des décisions prises à son encontre. La Cour administrative d’appel a rejeté la requête, validant ainsi l’analyse des premiers juges et la position de l’administration. Elle a considéré d’une part que la preuve de l’indisponibilité du traitement n’était pas suffisamment rapportée par le requérant, et d’autre part que les faits reprochés à ce dernier constituaient bien une menace pour l’ordre public.
Cette décision, qui s’inscrit dans un contentieux abondant, illustre la double exigence probatoire qui pèse sur l’étranger sollicitant une protection au titre de son état de santé, tout en réaffirmant l’autonomie de la notion de menace à l’ordre public. Il convient ainsi d’examiner la confirmation par le juge d’une appréciation rigoureuse de la condition d’accès aux soins (I), avant d’étudier la validation de la menace à l’ordre public comme fondement autonome du refus de séjour et des mesures d’éloignement (II).
I. Une appréciation rigoureuse de la condition d’accès aux soins
La solution retenue par la Cour administrative d’appel repose sur une analyse stricte des conditions posées par l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle met en lumière la place prépondérante de l’avis médical émis par l’OFII dans la prise de décision administrative (A) et, par conséquent, le niveau de preuve élevé exigé du requérant qui entend le contester (B).
A. Le rôle central de l’avis du collège de médecins de l’OFII
La procédure de délivrance d’un titre de séjour pour soins est subordonnée à l’avis d’un collège de médecins du service médical de l’OFII. Cet avis technique a pour objet d’évaluer trois critères cumulatifs : la résidence habituelle en France, la nécessité d’une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et l’absence d’accès effectif à un traitement approprié dans le pays d’origine. Dans la présente affaire, le préfet s’est approprié l’avis du collège de médecins, lequel, tout en reconnaissant l’existence d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité, avait conclu à la possibilité pour le requérant de bénéficier d’un traitement dans son pays. Le juge administratif, sans substituer sa propre appréciation médicale, exerce un contrôle sur l’erreur manifeste d’appréciation que l’autorité administrative aurait pu commettre. En confirmant la décision préfectorale, la cour réaffirme que l’avis de l’OFII, émanant d’une instance spécialisée, constitue l’élément d’appréciation principal. Sauf à démontrer une carence ou une contradiction flagrante dans cet avis, le juge tend à le considérer comme une base solide pour la décision administrative, plaçant ainsi une charge probatoire considérable sur les épaules du demandeur.
B. L’insuffisance des éléments de preuve apportés par le requérant
Face à l’avis défavorable de l’OFII, il appartient au requérant de produire des éléments circonstanciés susceptibles de le remettre en cause. La cour se livre ici à un examen méticuleux des preuves fournies en appel. Elle écarte successivement un certificat médical ancien, des données issues d’un site internet non datées, et des courriels de laboratoires pharmaceutiques. Concernant un médicament spécifique, elle estime que la preuve de sa non-commercialisation par un laboratoire est insuffisante, relevant que « ces éléments sont toutefois insuffisants pour établir qu’un seul laboratoire commercialiserait ce médicament ». De même, pour une autre molécule, elle juge qu’un courriel « n’est cependant pas de nature à établir l’absence totale de commercialisation de ce médicament en Côte d’Ivoire ». Ce faisant, la cour précise les contours de la preuve attendue : elle ne doit pas seulement suggérer une difficulté d’accès, mais établir une indisponibilité quasi certaine du traitement approprié sur l’ensemble du territoire du pays de renvoi. Cette exigence de preuve quasi diabolique rend particulièrement difficile pour un requérant, depuis la France et avec des moyens limités, de contester efficacement l’expertise de l’OFII.
II. La caractérisation autonome de la menace à l’ordre public
La décision du préfet reposait sur un second motif, tiré de la menace à l’ordre public, que le juge administratif valide également. Cette motivation, qui vient consolider le refus de séjour (A), produit également des effets en cascade sur les mesures d’éloignement qui l’accompagnent (B).
A. La justification du refus de séjour par le passé pénal
En se fondant sur les articles L. 412-5 et L. 432-1 du CESEDA, le préfet a opposé au requérant son passé délictueux pour motiver son refus. La cour valide ce raisonnement en s’appuyant sur les faits versés au dossier : « l’intéressé a été condamné à quatre reprises » et « est connu défavorablement par les services de police pour des faits de vol avec violence ». Le juge considère que « au regard tant de leur nature, de leur réitération que de leur caractère récent à la date de la décision attaquée, ces faits étaient de nature à faire regarder la présence de [l’intéressé] sur le territoire français comme une menace pour l’ordre public ». Cette appréciation souveraine des faits montre que la menace à l’ordre public constitue un fondement autonome et suffisant pour justifier un refus de séjour, y compris lorsque la demande est fondée sur des considérations humanitaires. Même si le requérant avait réussi à prouver l’indisponibilité des soins, la menace à l’ordre public aurait pu, à elle seule, faire obstacle à la délivrance du titre. Cette dualité de motifs renforce considérablement la sécurité juridique de la décision administrative.
B. La portée de la menace à l’ordre public sur les mesures d’éloignement
La reconnaissance d’une menace à l’ordre public ne se limite pas à justifier le refus de séjour ; elle conditionne également le régime de l’éloignement. En vertu de l’article L. 612-2 du CESEDA, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire lorsque le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public. La cour, ayant déjà validé cette qualification, en déduit logiquement que le préfet n’a commis aucune erreur en assortissant l’obligation de quitter le territoire français d’une exécution sans délai. Le juge opère un simple contrôle de qualification juridique des faits, sans se livrer à une nouvelle appréciation. Cette approche confirme que la menace à l’ordre public agit comme un pivot juridique dont la reconnaissance entraîne des conséquences automatiques sur l’ensemble des mesures prononcées. Le raisonnement par voie de conséquence s’applique enfin à l’interdiction de retour sur le territoire français, dont la légalité est confirmée dès lors que les décisions qu’elle accompagne sont elles-mêmes jugées légales.
Par un arrêt en date du 16 janvier 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur la légalité d’une décision préfectorale prolongeant une interdiction de retour sur le territoire français.
En l’espèce, un ressortissant étranger, entré en France en 2023, a fait l’objet le 31 décembre 2023 d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour de deux ans. Cette interdiction a été prolongée une première fois le 12 janvier 2024. Le 19 juillet 2024, l’intéressé a été interpellé pour des faits de détention de stupéfiants. En conséquence, l’autorité préfectorale a pris, le 20 juillet 2024, un nouvel arrêté prolongeant de deux années supplémentaires l’interdiction de retour, portant ainsi sa durée totale au-delà de la limite légale de principe. L’étranger a saisi le tribunal administratif de Rouen, qui, par un jugement du 5 août 2024, a annulé cet arrêté pour erreur d’appréciation. L’autorité préfectorale a alors interjeté appel de ce jugement.
Il était ainsi demandé aux juges d’appel si une autorité administrative peut légalement prolonger une interdiction de retour sur le territoire français au-delà de la durée maximale de cinq ans en se fondant sur de simples allégations de faits délictueux, non étayées par des éléments de preuve, pour caractériser l’existence d’une menace grave pour l’ordre public.
La cour administrative d’appel rejette la requête de l’autorité préfectorale. Elle confirme l’annulation de la décision de prolongation, au motif que l’administration ne rapportait pas la preuve de la menace grave pour l’ordre public qu’elle invoquait. Les juges soulignent que les assertions de l’autorité préfectorale concernant la dangerosité de l’étranger ne sont pas prouvées, alors que la décision contestée porte la durée totale de l’interdiction de retour au-delà du plafond légal, ce qui ne peut se justifier qu’en présence d’une telle menace.
La décision commentée vient ainsi rappeler les conditions légales strictes encadrant la prolongation d’une interdiction de retour (I), tout en illustrant la rigueur du contrôle exercé par le juge sur l’appréciation des faits par l’administration (II).
***
I. La confirmation des conditions légales de prolongation d’une interdiction de retour
La cour fonde sa décision sur une application rigoureuse des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle distingue la condition de droit commun justifiant une prolongation (A) de la condition dérogatoire, seule susceptible de porter la mesure au-delà de la durée maximale de cinq ans (B).
A. Le maintien sur le territoire comme condition première
L’article L. 612-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise l’administration à prolonger une interdiction de retour. La première justification possible est que « L’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu’il était obligé de le quitter sans délai ». En l’espèce, cette condition était manifestement remplie. L’étranger, visé par une obligation de quitter le territoire sans délai depuis le 31 décembre 2023, se trouvait toujours en France plus de six mois après.
C’est sur ce seul fondement que l’autorité préfectorale avait motivé sa décision du 20 juillet 2024, comme le relève l’arrêt. Le préfet « s’est fondé sur les dispositions précitées du 1° de l’article L. 612-11 […] après avoir relevé que l’intéressé s’était maintenu sur le territoire français ». Ce faisant, l’autorité administrative a utilisé une prérogative que la loi lui reconnaît. Toutefois, le simple maintien sur le territoire, s’il permet une prolongation, ne suffit pas à justifier une extension de la mesure au-delà de toute limite temporelle.
B. La menace grave pour l’ordre public, condition dérogatoire strictement appréciée
Le même article L. 612-11 du code précité fixe une limite de principe à la durée totale de la mesure. En effet, « la durée totale de l’interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l’ordre public ». La décision attaquée, en ajoutant deux années aux interdictions précédentes, portait la durée totale au-delà de ce plafond de cinq ans. Son édiction était donc subordonnée à la démonstration d’une menace grave pour l’ordre public.
Or, la cour relève une contradiction flagrante dans la position de l’administration. Dans sa décision initiale, l’autorité préfectorale avait « expressément retenu que la présence de [l’intéressé] ne représentait pas une menace pour l’ordre public ». Ce n’est que devant le juge d’appel que l’autorité préfectorale a tenté d’argumenter en sens contraire. La cour sanctionne ainsi une décision qui outrepasse les limites légales sans s’appuyer sur la seule dérogation qui aurait pu la justifier, révélant par là même l’importance du contrôle du juge sur la motivation de l’acte administratif.
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II. Le contrôle approfondi du juge sur la motivation de la décision administrative
La cour administrative d’appel exerce un contrôle entier sur l’appréciation des faits par l’administration. Elle rejette en conséquence les arguments avancés en appel par l’autorité préfectorale car ils ne sont pas suffisamment prouvés (A), tout en prenant en considération les éléments concrets de la situation personnelle de l’étranger (B).
A. Le rejet des allégations non étayées de l’administration
Devant la cour, l’autorité préfectorale a tenté de justifier a posteriori sa décision en invoquant une menace grave pour l’ordre public. Elle a fait « état de divers faits délictueux de détention de tabac manufacturé et de produits stupéfiants, de violence et de vol aggravé ». Cependant, le juge administratif ne se contente pas de simples affirmations. L’arrêt souligne que l’autorité préfectorale « ne produit aucun élément au soutien de ces assertions et il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n’est même allégué, que l’intéressé aurait été condamné à raison de tels faits ».
Cette position réaffirme un principe essentiel du contentieux administratif : il incombe à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle fonde ses décisions les plus restrictives. En l’absence de condamnations pénales ou de pièces objectives, les simples mentions dans des fichiers de police ne suffisent pas à établir la matérialité et la gravité d’une menace pour l’ordre public. Le juge refuse ainsi de valider une décision qui reposerait sur des motifs non vérifiés.
B. La prise en compte de la situation personnelle de l’étranger
Le contrôle du juge ne se limite pas à écarter les allégations non prouvées. Il procède également à une appréciation globale et concrète de la situation. L’arrêt prend ainsi en considération des éléments qui n’avaient pas été retenus par l’administration. Il est relevé « qu’il n’est pas contesté que [l’intéressé] réside à Rouen, chez sa compagne, qui en a attesté à une date antérieure à celle de l’arrêté contesté ». Cet élément, bien que non décisif en soi, participe à l’évaluation d’ensemble et nuance le portrait dressé par l’autorité préfectorale.
En définitive, en confrontant l’absence de preuve de la menace à l’ordre public avec la durée excessive de la sanction, la cour confirme l’erreur d’appréciation initialement sanctionnée par le tribunal administratif. La décision illustre la fonction de garantie du juge administratif face à des mesures administratives particulièrement graves, en s’assurant que l’administration n’excède pas ses pouvoirs et motive ses décisions sur la base de faits avérés et non de simples suspicions.
Par un arrêt du 4 octobre 1991, la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée sur la conciliation entre le principe de libre circulation des marchandises en transit et les impératifs de sécurité publique des États membres. En l’espèce, une société établie en France avait entrepris d’exporter vers une entité moscovite un équipement à potentiel stratégique, mis en libre pratique dans la Communauté après son importation depuis les États-Unis. En raison de difficultés logistiques, la marchandise fut acheminée par voie terrestre vers le Luxembourg pour y être embarquée sur un vol à destination de Moscou. Accompagnée d’un document de transit externe T1, elle fut présentée aux autorités douanières luxembourgeoises. Celles-ci procédèrent cependant à sa saisie, au motif que son transit n’avait pas fait l’objet d’une licence spéciale, requise par la réglementation grand-ducale pour les matériels de nature stratégique.
Saisi du litige, le tribunal correctionnel relaxa les prévenus mais ordonna la confiscation de l’équipement. Sur recours formé contre cette mesure, la Cour d’appel de Luxembourg, par un arrêt en date du 11 mai 1988, infirma la décision de confiscation. Elle jugea que le document T1 constituait une autorisation de transit valide délivrée par la France, dispensant l’opérateur de l’obtention d’une licence luxembourgeoise. Les autorités administratives se pourvurent alors en cassation, soutenant que le régime de transit communautaire ne s’appliquait pas aux marchandises stratégiques, dont le passage pouvait être soumis par un État membre à des restrictions pour des motifs de sécurité extérieure. Estimant que la solution dépendait de l’interprétation du droit communautaire, la Cour de cassation du Luxembourg sursit à statuer et posa à la Cour de justice une question préjudicielle. Il s’agissait de savoir si le règlement n° 222/77 relatif au transit communautaire devait être interprété comme imposant la reconnaissance inconditionnelle du document T1, ou s’il laissait à un État membre la faculté de subordonner le transit de matériel stratégique à une autorisation spéciale pour des raisons de sécurité extérieure.
La Cour de justice répond que le règlement communautaire ne s’oppose pas à une telle réglementation nationale. Elle précise toutefois que les mesures sanctionnant le non-respect de cette exigence, comme la saisie ou la confiscation, ne doivent pas être disproportionnées par rapport à l’objectif de sécurité poursuivi. La Cour consacre ainsi la prévalence des impératifs de sécurité d’un État membre sur la liberté de transit (I), tout en soumettant l’exercice de cette prérogative à un contrôle de proportionnalité rigoureux (II).
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I. La reconnaissance de la primauté de la sécurité étatique sur la liberté de transit
La Cour de justice établit que le principe général de liberté du transit intracommunautaire peut être écarté au profit de la protection de la sécurité publique des États membres. Elle admet ainsi que la liberté de transit puisse être subordonnée à l’exception de sécurité publique (A), dont elle adopte une conception large incluant la protection des intérêts stratégiques externes (B).
A. La subordination du principe de libre transit à l’exception de sécurité publique
Dans sa décision, la Cour rappelle d’abord l’existence d’un « principe général de liberté du transit des marchandises à l’intérieur de la Communauté », corollaire de l’union douanière et déjà affirmé dans sa jurisprudence antérieure. Elle note que le règlement n° 222/77 vise à faciliter ce transit en unifiant et en allégeant les formalités de franchissement des frontières intérieures, et que ce régime couvre en principe toutes les marchandises sans distinction. Cependant, ce principe n’est pas absolu et ne prive pas les États membres de leur pouvoir de contrôle.
La Cour fonde son raisonnement sur l’article 10 du règlement lui-même, qui maintient en vigueur les interdictions ou restrictions de transit édictées par les États membres, à la condition qu’elles soient compatibles avec les traités fondateurs. Cette disposition opère un renvoi direct vers les dérogations prévues par le traité, et notamment vers son article 36 qui autorise des restrictions à la libre circulation justifiées, entre autres, par des raisons de sécurité publique. L’arrêt souligne ainsi que le régime de transit communautaire, bien que créant un document unifié, n’a pas pour effet de neutraliser les compétences que les États membres tirent de l’article 36 pour protéger leurs intérêts fondamentaux. Le transit n’est donc pas un droit inconditionnel mais une liberté encadrée par les exceptions légitimes prévues par le droit primaire.
B. L’extension de la notion de sécurité publique à la protection des intérêts stratégiques externes
L’apport essentiel de la décision réside dans l’interprétation donnée à la notion de sécurité publique. La Cour énonce de manière claire que « la notion de sécurité publique, au sens de l’article 36 du traité, couvre tout à la fois la sécurité intérieure d’un État membre et sa sécurité extérieure ». Ce faisant, elle valide explicitement la légitimité pour un État membre d’invoquer cette exception pour contrôler des flux de marchandises qui ne menacent pas directement son ordre intérieur, mais qui touchent à ses intérêts stratégiques sur la scène internationale.
Il est en effet constant que le transit de biens à double usage ou de matériels militaires vers des pays tiers peut affecter la sécurité d’un État membre, notamment au regard de ses alliances et de ses engagements internationaux en matière de non-prolifération. En l’espèce, le matériel était destiné à un pays du bloc de l’Est, dans un contexte géopolitique où de tels transferts de technologie étaient hautement sensibles. La Cour reconnaît donc qu’un État membre est en droit de mettre en place des mesures de contrôle, telle l’exigence d’une licence de transit, pour des marchandises qualifiées de stratégiques, même si ces dernières ne font que traverser son territoire. Cette prérogative s’exerce indépendamment de l’existence d’un document de transit communautaire délivré par un autre État membre.
Après avoir affirmé le principe de la dérogation, la Cour s’attache cependant à en définir les limites strictes, rappelant que son exercice est placé sous le contrôle du droit communautaire.
II. L’encadrement strict de la dérogation par le principe de proportionnalité
Si un État membre peut légitimement exiger une licence de transit pour des motifs de sécurité, les moyens qu’il emploie pour assurer le respect de cette exigence ne sauraient être discrétionnaires. La Cour soumet ainsi la mesure nationale à une exigence de nécessité (A) et encadre les sanctions éventuelles par un contrôle de proportionnalité (B).
A. L’exigence de nécessité et de moindre restriction des mesures de contrôle
Se fondant sur une jurisprudence constante, la Cour rappelle que l’article 36, en tant qu’exception à un principe fondamental du traité, est d’interprétation stricte. Il n’a pas pour objet de réserver des compétences exclusives aux États, mais seulement de leur permettre de déroger à la libre circulation dans la mesure où cela est justifié pour la protection des intérêts qu’il énumère. Par conséquent, une mesure restrictive ne peut être admise que si elle est apte à garantir l’objectif de sécurité publique et si elle ne restreint pas les échanges de manière excessive.
La Cour transpose ce raisonnement au cas du transit et en déduit qu’un État membre ne peut justifier une restriction que « si aucune autre mesure, moins restrictive du point de vue de la libre circulation des marchandises, ne permet d’atteindre le même objectif ». En l’espèce, l’exigence d’une licence spéciale de transit pour des biens stratégiques apparaît comme une mesure apte et potentiellement nécessaire pour permettre à un État de s’assurer que des technologies sensibles ne sont pas détournées. La Cour valide donc le principe d’un tel contrôle national, mais elle en confie l’appréciation finale au juge national, qui devra vérifier si des alternatives moins contraignantes n’existaient pas.
B. Le contrôle juridictionnel de la proportionnalité des sanctions appliquées
La portée pratique la plus significative de l’arrêt concerne le contrôle des sanctions attachées à la violation de l’obligation d’obtenir une licence. La Cour se penche sur les conséquences du non-respect de la réglementation luxembourgeoise, à savoir la saisie puis la confiscation de la marchandise. Elle avertit que de telles mesures peuvent se révéler incompatibles avec l’article 36 si elles sont disproportionnées.
La Cour suggère explicitement qu’une mesure moins sévère, comme « le refoulement de la marchandise vers l’État membre de sa provenance pourrait être suffisant ». Une telle solution permettrait en effet de faire échec à l’exportation non autorisée sans pour autant priver définitivement le propriétaire de son bien. La confiscation, mesure la plus radicale, ne serait donc justifiée que dans des circonstances particulières. Il appartient dès lors à la juridiction nationale d’opérer une appréciation au cas par cas, en tenant compte de « la nature de la marchandise susceptible de mettre en péril la sécurité de l’État, les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise et la bonne ou mauvaise foi de l’opérateur ». Cet examen concret permet de moduler la réponse de l’État et d’éviter que la protection de la sécurité publique ne serve de prétexte à des sanctions excessives, garantissant ainsi un juste équilibre avec le droit de propriété et la libre circulation.
Par un arrêt en date du 11 avril 2025, la cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la légalité d’un refus de renouvellement de titre de séjour opposé à un ressortissant étranger, père de deux enfants français. Cette décision offre l’occasion de revenir sur les conditions strictes encadrant la délivrance d’un titre de séjour sur ce fondement, ainsi que sur l’autonomie de la notion de menace à l’ordre public comme motif de refus.
En l’espèce, un ressortissant tunisien, entré irrégulièrement sur le territoire national, avait bénéficié d’un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français, lequel fut renouvelé jusqu’en 2021. À la suite de ses demandes de renouvellement, le préfet de la Manche, par un arrêté du 8 février 2024, a refusé de faire droit à sa requête, a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français sans délai et d’une interdiction de retour. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 19 septembre 2024, n’a annulé que l’interdiction de retour, rejetant le surplus des prétentions. Le requérant a donc interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment qu’il remplissait les conditions pour le renouvellement de son titre et que les décisions prises à son encontre méconnaissaient son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet, pour sa part, justifiait sa décision par l’absence de contribution effective à l’entretien et à l’éducation des enfants, ainsi que par la menace que la présence de l’intéressé, condamné à plusieurs reprises, représentait pour l’ordre public.
Il revenait ainsi à la cour administrative d’appel de déterminer si un préfet peut légalement refuser le renouvellement d’un titre de séjour « vie privée et familiale » à un parent d’enfants français, et lui enjoindre de quitter le territoire, lorsque ce dernier ne démontre pas sa contribution effective à l’entretien et à l’éducation de ses enfants et que sa présence constitue une menace pour l’ordre public en raison de condamnations pénales répétées.
La cour administrative d’appel de Nantes rejette la requête. Elle valide le raisonnement des premiers juges et de l’administration en considérant, d’une part, que la condition de contribution effective à l’entretien et à l’éducation des enfants n’était pas établie et, d’autre part, que la menace à l’ordre public constituait un motif de refus justifié. La cour confirme ainsi que le non-respect des conditions spécifiques d’octroi du titre de séjour et l’existence d’une menace à l’ordre public sont deux motifs qui, appréciés distinctement, suffisent à fonder légalement un refus de séjour.
La solution retenue par la cour s’inscrit dans une application rigoureuse des conditions d’obtention du titre de séjour (I), tout en réaffirmant la portée autonome de la menace à l’ordre public comme obstacle au droit au séjour (II).
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I. L’appréciation stricte des conditions d’obtention du titre de séjour
La cour administrative d’appel confirme que l’octroi d’un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français est subordonné à une condition de contribution effective, dont la preuve incombe au demandeur (A), et que l’absence de cette preuve ne peut être suppléée par d’autres considérations personnelles (B).
A. L’exigence probatoire d’une contribution effective à l’éducation des enfants
La cour rappelle le cadre juridique applicable, à savoir l’article L. 423-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte dispose que l’étranger, père ou mère d’un enfant français mineur, doit établir « contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ». En l’espèce, le juge administratif procède à un examen concret et détaillé des éléments fournis par le requérant. Il relève que les pièces versées au dossier, à l’exception de « quelques photographies pour la plupart non datées » et « des attestations non circonstanciées », ne permettent pas d’établir la réalité de cette contribution.
Le juge souligne que « Les tickets de caisse produits ne permettent pas de savoir pour quels enfants les achats de vêtements ou de jouets ont été effectués ». Cette analyse factuelle montre le degré de précision attendu de la part du demandeur. Il ne suffit pas d’alléguer une participation, encore faut-il la démontrer par des éléments probants, précis et directement rattachables aux enfants concernés. La charge de la preuve pèse entièrement sur le ressortissant étranger. L’appréciation de l’administration, validée ici par le juge, se fonde sur une carence probatoire. La décision illustre ainsi que l’automaticité du droit au séjour pour un parent d’enfant français est un leurre ; il s’agit d’une faculté conditionnée à des exigences dont le respect est contrôlé de manière rigoureuse.
B. L’indifférence des difficultés personnelles face à la carence de preuve
Face à son incapacité à prouver sa contribution, le requérant avançait qu’il ne pouvait « pas financièrement participer à l’entretien de ses enfants en raison de sa situation irrégulière qui ne lui permettait pas de travailler ». Cet argument est écarté par la cour, qui note qu’au-delà de la contribution matérielle, le requérant « n’apporte aucun élément sur sa participation à l’éducation et même, de manière plus générale, à la vie de ses deux enfants français ».
Le raisonnement du juge met en lumière la dualité de l’obligation parentale : elle est matérielle, mais également morale et éducative. L’incapacité financière, même si elle pouvait être admise, n’exonère pas le parent de démontrer son implication dans l’éducation et le quotidien de ses enfants. Le silence du dossier sur ce point est fatal à la prétention du requérant. En refusant de prendre en compte la précarité administrative comme une excuse absolutoire, la cour réaffirme le caractère objectif de la condition posée par le législateur. La situation personnelle du demandeur n’est pas de nature à renverser la présomption de non-contribution découlant de l’absence de preuves.
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II. La confirmation de la menace à l’ordre public comme motif autonome de refus
La cour ne se contente pas de valider le refus de séjour pour défaut de respect des conditions de l’article L. 423-7. Elle examine et conforte le second motif avancé par le préfet, fondé sur la menace à l’ordre public. Cette menace est caractérisée par la répétition des infractions pénales (A) et sa primauté est affirmée face au droit au respect de la vie privée et familiale (B).
A. La caractérisation de la menace à l’ordre public par le passé pénal
Conformément à l’article L. 432-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la délivrance d’un titre de séjour peut être refusée si la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public. Pour évaluer cette menace, le juge se livre à une analyse du casier judiciaire de l’intéressé. Il énumère cinq condamnations pénales entre 2015 et 2022 pour des faits de « vol aggravé », « usage de faux documents administratifs », « violence » sur conjoint, et à deux reprises, « conduite d’un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ».
La cour estime que le préfet n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant, « eu égard aux caractères grave et répété, et pour la plupart récents, des faits commis », que la présence du requérant représentait une menace pour l’ordre public. Cette motivation démontre que l’appréciation de la menace ne se limite pas à la seule nature des faits, mais intègre leur récurrence et leur inscription dans le temps. La répétition d’actes délictueux, même si certains ne sont pas d’une gravité extrême, suffit à fonder la décision de l’administration. Cet arrêt confirme ainsi la marge d’appréciation significative dont dispose le préfet, sous le contrôle du juge, pour qualifier une menace à l’ordre public.
B. La primauté de l’ordre public sur le droit à la vie privée et familiale
Le requérant invoquait l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, soutenant que le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale. La cour procède alors à une mise en balance des intérêts en présence. D’un côté, elle examine l’intensité des liens de l’intéressé en France, notant qu’il n’entretient pas de « liens intenses et réguliers avec ses deux enfants français » et que sa relation de couple est « très récente ».
De l’autre côté, elle pèse la menace à l’ordre public que constitue son comportement. La conclusion de la cour est sans équivoque : les condamnations pénales « vien[nen]t relativiser son insertion en France ». Par conséquent, l’ingérence dans sa vie privée et familiale est jugée proportionnée au but légitime de défense de l’ordre public. Cette décision est une illustration classique de la jurisprudence administrative en la matière : le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas absolu. Sa protection s’efface lorsque l’étranger, par son comportement, a démontré qu’il représentait un danger pour la société et lorsque, par ailleurs, l’intensité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire est jugée faible. La décision, bien que d’espèce, réaffirme avec force cette hiérarchisation des intérêts.
Par une décision rendue en réponse à une question préjudicielle de la Corte d’appello di Catania, la Cour de justice des Communautés européennes a clarifié la portée des causes d’extinction de la dette douanière. En l’espèce, des marchandises entreposées dans un port italien sous surveillance douanière avaient fait l’objet d’un vol avec effraction. L’administration des douanes avait par conséquent réclamé le paiement des droits et taxes afférents à ces marchandises à la société gérant l’entrepôt ainsi qu’à la société propriétaire des biens. Saisi du litige, le tribunal de première instance avait d’abord annulé cette réclamation. L’administration fiscale ayant interjeté appel, la juridiction de renvoi s’est trouvée confrontée à une difficulté d’interprétation. Le droit national italien, tout en prévoyant une exemption en cas de perte par force majeure, avait fait l’objet d’une loi interprétative précisant que le vol ne constituait pas une telle perte. Les sociétés débitrices soutenaient néanmoins que les circonstances du vol devaient être qualifiées de force majeure au sens du droit communautaire, justifiant ainsi une exonération. Se posait alors la question de savoir si la soustraction de marchandises sous douane par des tiers, dans des conditions assimilables à la force majeure en droit commun, pouvait éteindre l’obligation de payer les droits de douane en vertu du droit communautaire. La Cour de justice répond par la négative, en affirmant que le vol ne saurait être assimilé à une « perte irrémédiable » au sens de la réglementation douanière, car il ne fait pas obstacle à l’introduction des marchandises dans le circuit économique de la Communauté.
La solution retenue par la Cour consacre une interprétation stricte et autonome des conditions d’extinction de la dette douanière (I), une approche dont la rigueur garantit l’uniformité du droit douanier mais soulève des questions d’équité (II).
I. L’affirmation d’une conception autonome et stricte de l’extinction de la dette douanière
La Cour de justice établit une distinction nette entre les concepts du droit national et ceux, spécifiques, du droit douanier communautaire. Elle écarte ainsi l’analyse fondée sur les circonstances du vol (A) pour lui préférer une interprétation finaliste, centrée sur la destination économique des marchandises (B).
A. Le rejet d’une qualification fondée sur les circonstances du délit
La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la possibilité d’assimiler le vol à un cas de force majeure en raison des « circonstances indiquées », à savoir une effraction particulièrement élaborée. La Cour de justice écarte cependant ce débat factuel pour se concentrer sur la nature même de la « perte » visée par la directive 79/623. En jugeant que la notion de perte « N ‘ englobe pas la notion de vol , quelles que soient les circonstances dans lesquelles celui-ci a ete commis », elle établit que le concept de force majeure en matière douanière possède une signification propre, déconnectée des qualifications qui pourraient prévaloir en droit civil ou pénal national. L’élément intentionnel du vol ou le caractère irrésistible de l’événement deviennent donc inopérants. La solution repose sur une logique binaire : soit la marchandise est détruite ou irrémédiablement perdue, soit elle est présumée être entrée dans l’économie, peu important que cette entrée soit légale ou frauduleuse. Cette approche consacre l’autonomie du droit douanier et son imperméabilité aux notions juridiques générales des ordres nationaux, assurant une application uniforme sur tout le territoire de la Communauté.
B. La consécration d’une interprétation téléologique liée à la destination économique
Pour justifier sa position, la Cour s’appuie sur la finalité même des droits de douane. Elle rappelle que les causes d’extinction de la dette, telles que la destruction ou la perte irrémédiable, « doivent se fonder sur la constatation que la marchandise N ‘ a pas effectivement recu la destination economique justifiant L ‘ application des droits a L ‘ importation ». A contrario, dans l’hypothèse d’un vol, la Cour instaure une présomption simple : « on peut presumer que la marchandise passe dans le circuit commercial de la communaute ». Dès lors, le fait générateur de la taxe, qui est l’entrée potentielle des biens sur le marché communautaire, est considéré comme réalisé. La dette douanière survit non pas parce que le débiteur aurait commis une faute, mais parce que l’objectif fiscal de la réglementation demeure pertinent. Le vol, loin de détruire la marchandise, ne fait que modifier illicitement les modalités de sa mise à la consommation. En adoptant ce raisonnement téléologique, la Cour renforce la fonction des droits de douane comme instrument de politique commerciale et comme ressource propre de la Communauté, dont la perception ne saurait être compromise par des événements qui ne neutralisent pas l’impact économique de la marchandise.
II. Une solution rigoureuse garantissant l’intégrité de l’union douanière
Cette interprétation stricte emporte des conséquences significatives. Si elle assure la primauté des objectifs fiscaux de l’Union, elle le fait au détriment de la prise en compte de la situation du débiteur de bonne foi (A). En définitive, la portée de cette décision est considérable, car elle unifie le traitement des vols sur l’ensemble du territoire douanier et renforce la sécurité juridique (B).
A. La primauté des objectifs fiscaux sur la situation du débiteur diligent
Le dispositif de l’arrêt est sans équivoque lorsqu’il énonce que la dette n’est pas éteinte, « meme sans faute du debiteur ». Cette précision souligne la rigueur d’un système qui s’apparente à une responsabilité objective. L’opérateur économique, qu’il soit entrepositaire ou propriétaire des marchandises, se voit imposer une obligation de résultat quant à la surveillance des biens placés sous régime douanier. Même en ayant pris toutes les précautions raisonnables, et en étant lui-même victime d’une infraction pénale, il reste redevable des droits de douane. Une telle solution peut paraître sévère sur le plan de l’équité, car elle fait peser le risque de l’activité criminelle de tiers sur un opérateur qui n’a pas nécessairement failli à ses obligations de prudence et de diligence. La Cour privilégie ainsi manifestement la protection des ressources financières de la Communauté et l’intégrité de sa politique commerciale sur la situation individuelle d’un débiteur de bonne foi. Cette approche pragmatique vise à décourager toute négligence et à garantir la perception effective des droits, considérés comme essentiels au bon fonctionnement du marché commun.
B. La portée unificatrice de la décision pour le marché commun
Au-delà de sa sévérité, la décision revêt une importance fondamentale pour l’union douanière. En posant une règle claire et absolue, la Cour prévient les divergences d’interprétation entre les États membres. Si chaque administration nationale pouvait apprécier au cas par cas si les circonstances d’un vol constituaient ou non un cas de force majeure, des traitements fiscaux différents pourraient apparaître pour des situations identiques, créant des distorsions de concurrence et des brèches dans le tarif extérieur commun. L’arrêt a donc une portée de principe : il établit que la soustraction illicite d’une marchandise sous douane fait naître la dette douanière de manière irréfragable. Cette solution garantit que toute marchandise introduite sur le territoire douanier, et qui n’est ni réexportée ni détruite, sera soumise aux droits correspondants. Elle renforce ainsi la cohérence et l’étanchéité du système douanier, piliers essentiels du marché unique, en assurant une application prévisible et uniforme du droit sur l’ensemble de son territoire.
Par un arrêt du 22 décembre 2008, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur renvoi préjudiciel du Landesgericht für Strafsachen Wien, a précisé les contours de la notion de « définitivement jugé » au sens de l’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen. En l’espèce, un individu était soupçonné d’avoir commis un vol aggravé sur le territoire autrichien. Une procédure pénale fut engagée en Autriche en 2000. Informées de la présence du suspect sur le territoire slovaque, les autorités autrichiennes demandèrent en 2003 à la République slovaque de reprendre les poursuites, conformément à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, et suspendirent leur propre procédure. Les autorités slovaques donnèrent suite à cette demande et une enquête fut ouverte. Cependant, le 14 septembre 2006, une autorité de police slovaque ordonna la suspension des poursuites au motif que les faits n’étaient pas constitutifs d’un délit et qu’il n’y avait pas de raison de poursuivre l’affaire. Cette décision de suspension n’a fait l’objet d’aucune réclamation et est devenue exécutoire. La juridiction autrichienne, saisie à nouveau de l’affaire, s’est alors interrogée sur la possibilité de reprendre les poursuites pénales contre l’intéressé sans méconnaître le principe *ne bis in idem* garanti par l’article 54 de ladite convention. Face à cette incertitude, la juridiction de renvoi a posé à la Cour de justice la question de savoir si une décision de suspension des poursuites, prise par une autorité de police après un examen au fond mais sans sanction, fait obstacle à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits dans un autre État contractant. En substance, il s’agissait de déterminer si une décision de classement sans suite émanant d’une autorité de police, qui en droit national n’éteint pas l’action publique, peut être qualifiée de décision par laquelle une personne a été « définitivement jugée » au sens du droit de l’Union. La Cour répond par la négative, estimant que le principe *ne bis in idem* ne s’applique pas lorsqu’une décision de suspension des poursuites, selon le droit national de l’État qui l’a prononcée, n’éteint pas définitivement l’action publique et ne constitue donc pas un obstacle à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits dans ce même État.
Cette solution conduit à s’interroger sur la portée de la protection accordée par le principe *ne bis in idem* dans l’espace Schengen. Il convient d’analyser l’interprétation restrictive de la notion de « définitivement jugé » retenue par la Cour (I), avant d’en examiner la finalité, orientée vers la préservation d’un équilibre entre la liberté de circulation et les impératifs de la répression pénale (II).
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I. L’interprétation restrictive de la notion de « définitivement jugé »
La Cour de justice adopte une lecture stricte de l’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, en subordonnant sa mise en œuvre à l’effet de la décision au regard du droit national (A), ce qui a pour conséquence d’exclure du champ de la protection les décisions de police n’éteignant pas l’action publique (B).
A. La primauté du droit national dans l’appréciation du caractère définitif d’une décision
La Cour de justice établit une méthode claire pour déterminer si une personne a été « définitivement jugée ». Elle considère qu’il convient de vérifier si, dans l’ordre juridique de l’État où elle a été rendue, la décision met fin aux poursuites et éteint l’action publique de manière définitive. Ce faisant, la Cour pose comme préalable l’analyse du droit interne de l’État d’origine de la décision. Elle affirme ainsi qu’« une décision qui, selon le droit du premier État contractant ayant engagé des poursuites pénales à l’encontre d’une personne, n’éteint pas définitivement l’action publique au niveau national ne saurait avoir, en principe, pour effet de constituer un obstacle procédural à ce que des poursuites pénales soient éventuellement entamées ou poursuivies, pour les mêmes faits, à l’encontre de cette personne dans un autre État contractant ». L’application du principe *ne bis in idem* au niveau de l’Union est donc directement conditionnée par la portée que le droit national confère à la décision de clôture. Cette approche pragmatique assure une cohérence entre les ordres juridiques, en évitant qu’une décision précaire au niveau national n’acquière une autorité de chose jugée absolue dans un autre État membre. En l’espèce, le gouvernement slovaque a confirmé qu’une suspension de poursuites en vertu de l’article 215, paragraphe 1, sous b), du code de procédure pénale slovaque ne constitue pas un obstacle à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits en Slovaquie. Par conséquent, cette décision ne pouvait être considérée comme définitive au sens de l’article 54.
B. L’exclusion des décisions de police non extinctives de l’action publique
En s’appuyant sur cette méthode, la Cour distingue la situation d’espèce de sa jurisprudence antérieure, notamment les arrêts *Gözütok et Brügge* ou *Van Straaten*. Dans ces affaires, les décisions en cause, qu’il s’agisse de transactions proposées par le ministère public ou d’acquittements judiciaires, avaient pour effet d’éteindre définitivement l’action publique. Or, la décision de l’autorité de police slovaque n’était qu’une suspension de la procédure, prise à un stade antérieur à l’incrimination formelle d’une personne. La Cour souligne qu’une telle décision « qui, tout en suspendant les poursuites pénales, ne met pas définitivement fin à l’action publique selon l’ordre juridique national concerné, ne saurait constituer une décision permettant de considérer que cette personne a été ‘définitivement jugée’ au sens de l’article 54 de la [Convention] ». Cette interprétation conduit à exclure du champ de protection de l’article 54 toutes les mesures procédurales qui, bien que mettant un terme provisoire à une enquête, n’interdisent pas sa réouverture ultérieure, par exemple en cas d’apparition de nouvelles preuves. La qualification de l’autorité émettrice, une autorité de police et non une autorité judiciaire, bien que non déterminante en soi, renforce l’idée qu’il ne s’agit pas d’un jugement au fond doté de l’autorité de la chose jugée.
En définissant de manière si stricte les conditions d’application du principe, la Cour poursuit un objectif clair visant à préserver l’efficacité de la répression pénale au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
II. Une interprétation téléologique au service de la lutte contre l’impunité
La solution retenue par la Cour de justice reflète une interprétation finaliste de l’article 54, cherchant à garantir l’efficacité de la lutte contre la criminalité (A) et clarifiant par là même la portée limitée de la protection accordée à l’individu (B).
A. La sauvegarde de l’objectif de lutte contre la criminalité
La Cour justifie sa position restrictive en invoquant la finalité des dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Appliquer le principe *ne bis in idem* à une décision de suspension non définitive « aurait pour effet de faire obstacle, dans un autre État contractant, où davantage de preuves pourraient peut-être être disponibles, à toutes possibilités concrètes de poursuivre et éventuellement de sanctionner une personne en raison de son comportement illicite ». Une telle issue irait à l’encontre de l’objectif de l’Union de « prendre des mesures appropriées en matière […] de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène ». La Cour opère ainsi un arbitrage entre la garantie de la libre circulation des personnes et la nécessité de ne pas créer des espaces d’impunité. Si une personne pouvait échapper à toute poursuite dans l’ensemble de l’espace Schengen sur la base d’une simple décision de classement non définitive prise dans un État, cela compromettrait gravement l’efficacité de la coopération judiciaire pénale. L’arrêt garantit donc que la fin des poursuites dans un État membre, pour des raisons d’opportunité ou en raison d’un manque de preuves à un instant T, ne puisse paralyser l’action de la justice dans un autre État membre qui disposerait, lui, des éléments suffisants pour mener une procédure à son terme.
B. La portée circonscrite de la protection individuelle conférée par l’article 54
En conséquence, la Cour précise la nature de la protection que l’article 54 entend conférer. Son but est de garantir qu’une personne « définitivement acquittée dans un État contractant » ou qui a été « condamnée et a purgé sa peine » puisse se déplacer librement sans craindre de nouvelles poursuites pour les mêmes faits. L’arrêt établit cependant que cette disposition « n’a pas pour but de protéger un suspect contre l’éventualité de devoir se prêter à des recherches successives, pour les mêmes faits, dans plusieurs États contractants ». La garantie *ne bis in idem* protège donc contre une double sanction ou un double jugement au fond, mais non contre la succession d’enquêtes ou de procédures d’instruction qui n’ont pas abouti à une décision finale et extinctive de l’action publique. Cette distinction est fondamentale : le principe ne constitue pas un droit à ne pas être inquiété plus d’une fois, mais un droit à ne pas être jugé plus d’une fois de manière définitive. Ainsi, un individu qui a seulement fait l’objet d’une enquête classée sans suite dans un État membre reste exposé à des poursuites dans un autre, ce qui, tout en étant procéduralement inconfortable, apparaît comme une conséquence nécessaire de l’objectif de lutte contre l’impunité au sein de l’Union.