Juge des référés du Conseil d’État, le 10 juin 2025, n°504776

Le juge des référés du Conseil d’Etat à Paris a rendu, le 10 juin 2025, une ordonnance relative aux conditions d’octroi d’une provision financière. Un requérant sollicitait le versement d’une somme de dix mille cinq cent quatre-vingt-dix euros en invoquant une atteinte à son droit au compte bancaire. L’intéressé soutenait qu’il ne pouvait percevoir des fonds déposés sur un compte de tiers faute de disposer d’un compte personnel ouvert à son nom. La requête est portée devant la haute juridiction sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative régissant le référé-provision. Le litige pose la question de savoir si des difficultés matérielles de perception de fonds caractérisent une obligation non sérieusement contestable de la puissance publique. Le magistrat rejette la demande au motif que le demandeur ne justifie pas d’une créance dont l’existence ne serait pas sérieusement contestable. L’exigence de certitude de l’obligation financière (I) précède la sanction juridictionnelle du défaut de justification manifeste (II).

I. La rigueur de la condition d’existence d’une obligation non sérieusement contestable

L’examen du cadre juridique strict du référé-provision (A) doit précéder l’analyse de la charge probatoire incombant au demandeur lors de sa saisine (B).

A. Le cadre juridique strict du référé-provision

L’article R. 541-1 du code de justice administrative dispose que le juge peut accorder une provision « lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». Cette condition constitue le pivot central de la procédure d’urgence permettant d’obtenir un paiement rapide sans attendre un jugement définitif au fond. Le juge doit s’assurer que la créance invoquée présente un degré de certitude suffisant pour ne pas léser indûment les intérêts publics. L’obligation doit résulter d’une règle de droit claire ou d’un fait générateur dont la responsabilité administrative ne fait aucun doute sérieux. Cette certitude juridique ne peut être établie sans une démonstration rigoureuse de la part de la personne sollicitant le versement de la provision.

B. La charge de la preuve incombant au demandeur

Il appartient au créancier d’apporter les preuves nécessaires pour établir la réalité de son droit ainsi que l’absence de toute contestation sérieuse possible. Dans cette affaire, l’intéressé invoquait l’impossibilité de percevoir des sommes sans démontrer l’existence d’un lien de droit direct avec l’autorité administrative. La puissance publique ne saurait être tenue pour débitrice d’une obligation financière par le seul fait de difficultés rencontrées par un individu avec des tiers. Le silence reproché à l’administration ne suffit pas à caractériser une faute génératrice d’une créance certaine et immédiatement exigible. Cette absence de preuve entraîne nécessairement une réponse juridictionnelle immédiate visant à rejeter la demande de provision formulée par le requérant.

II. L’exercice souverain du pouvoir de rejet par le juge des référés

Le constat de l’absence de justification de l’obligation (A) permet la mise en œuvre de la procédure de rejet simplifié prévue par les textes (B).

A. Le constat de l’absence de justification de l’obligation

Le juge des référés précise que le requérant « ne justifie, ni par ses écritures ni par les documents qu’il produit, de l’existence d’une obligation ». Cette formule souligne l’absence totale de commencement de preuve concernant la responsabilité de la personne publique dans le préjudice financier allégué par l’intéressé. La simple invocation d’un droit au compte ou d’un blocage de fonds demeure insuffisante pour engager valablement les finances de la collectivité publique. Le défaut de fondement juridique sérieux justifie alors le recours à des modalités de jugement accélérées prévues par le code de justice administrative.

B. La mise en œuvre de la procédure de rejet simplifié

L’ordonnance est rendue sur le fondement de l’article L. 522-3 permettant de rejeter une requête « lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci est mal fondée ». Cette procédure s’applique lorsque la saisine apparaît manifestement infondée, ce qui autorise le magistrat à écarter les demandes dépourvues de tout sérieux juridique. En constatant que l’obligation n’est pas démontrée, le juge protège l’efficacité de la juridiction administrative contre des recours abusifs ou manifestement inappropriés. La solution retenue rappelle que le référé-provision ne peut être utilisé pour résoudre des différends dont la nature est purement privée ou bancaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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