Le juge des référés du Conseil d’État, par une ordonnance du 27 juin 2025, s’est prononcé sur la légalité d’une mesure d’expulsion. Un ressortissant étranger, résidant en France depuis plus de vingt ans et ancien réfugié, contestait son renvoi du territoire national. L’administration avait motivé sa décision par une menace grave pour l’ordre public résultant de plusieurs condamnations pénales pour des faits de violence. Le requérant invoquait des vices de procédure ainsi qu’une atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté sa demande initiale par une ordonnance du 4 juin 2025. Saisi en appel, le Conseil d’État devait déterminer si les irrégularités procédurales et la situation personnelle de l’intéressé caractérisaient une atteinte grave et manifestement illégale. La haute juridiction confirme le rejet de la requête en précisant les conditions d’engagement de la procédure de référé-liberté.
I. L’exigence d’un lien direct entre l’illégalité et l’atteinte à une liberté fondamentale
A. L’insuffisance des moyens tirés de l’illégalité externe
Le requérant soulevait plusieurs moyens relatifs à l’incompétence du signataire et à l’irrégularité de la consultation de la commission d’expulsion. Le Conseil d’État écarte ces critiques en jugeant qu’elles ne sauraient caractériser une atteinte grave portée aux libertés fondamentales invoquées. L’illégalité externe ne suffit pas à elle seule pour justifier l’urgence et la gravité requises par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Les moyens de forme sont donc neutralisés au profit d’un examen centré sur le contenu substantiel de la décision administrative contestée.
B. La spécificité de l’office du juge du référé-liberté
La haute juridiction rappelle qu’il « doit exister un rapport direct entre l’illégalité relevée à l’encontre de l’autorité administrative et la gravité de ses effets ». Cette exigence de causalité immédiate restreint considérablement le champ de l’annulation possible dans le cadre d’une procédure d’extrême urgence. Le juge ne peut sanctionner que les méconnaissances grossières dont les conséquences pratiques compromettent directement l’exercice d’un droit protégé. Cette position assure une efficacité opérationnelle à la mesure d’expulsion tout en réservant l’intervention du juge aux situations manifestement injustes.
II. La conciliation entre la protection de l’ordre public et la situation personnelle de l’étranger
A. L’application des dérogations aux protections contre l’expulsion
L’intéressé bénéficiait théoriquement de la protection réservée aux étrangers résidant en France depuis plus de vingt ans selon les dispositions législatives. Toutefois, l’autorité administrative peut légalement écarter cette garantie lorsque la présence de l’individu constitue une menace grave pour l’ordre public. Le Conseil d’État valide ce raisonnement en soulignant que le requérant avait fait l’objet de quatre condamnations pénales entre 2012 et 2021. La gravité des violences conjugales commises en présence d’un mineur justifie ici l’application des dérogations prévues par le code de l’entrée et du séjour.
B. La proportionnalité de la mesure au regard des attaches familiales et de l’état de santé
Le juge procède à une mise en balance de la menace pour l’ordre public avec le droit de mener une vie familiale normale. Bien que le requérant soit père de deux enfants nés en France, le retrait de son statut de réfugié fragilise sa position juridique. L’ordonnance précise qu’il « n’établit pas être exposé directement et personnellement à un risque de subir des peines ou traitements inhumains ». Les nécessités de la sécurité publique l’emportent ainsi sur les considérations de santé et les attaches familiales dans cette configuration particulière.