L’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’État le 6 mars 2025 traite de l’exécution des dispositions législatives relatives à la protection animale. Une association de défense des animaux a sollicité de l’autorité ministérielle l’adoption d’un arrêté fixant les sanctions applicables aux infractions concernant les espèces non domestiques. Face au silence gardé par l’administration, l’organisme a saisi la juridiction administrative d’une requête tendant à la suspension de cette décision implicite de rejet. La requérante soutient que l’absence de dispositif répressif favorise les naissances illégales et engendre pour elle des coûts de prise en charge disproportionnés. Le juge administratif doit déterminer si la charge financière induite par une carence réglementaire caractérise une urgence justifiant la suspension d’une décision négative. Par cette ordonnance, le magistrat rejette la demande au motif que les circonstances invoquées ne portent pas une atteinte assez grave aux intérêts défendus. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la rigueur de l’appréciation de l’urgence (I) avant d’envisager les conséquences de la carence administrative (II).
I. La rigueur de l’appréciation de l’urgence en matière de référé
A. L’insuffisance des conséquences financières invoquées par la requérante
La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative exige la démonstration d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts du demandeur. En l’espèce, l’association avance que l’absence de sanctions l’expose à financer l’hébergement d’un nombre croissant d’animaux abandonnés ou saisis par la justice. Le juge considère pourtant que ces éléments ne suffisent pas à établir une « atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public » ou à sa situation. Cette position illustre la difficulté de transformer un préjudice financier éventuel en une urgence de nature à paralyser une décision de refus. Le lien de causalité entre l’absence d’arrêté et l’augmentation des dépenses de l’association paraît trop indirect pour justifier une intervention immédiate du juge.
B. Le rejet manifeste d’une demande dépourvue de péril imminent
L’ordonnance s’appuie sur l’article L. 522-3 du code de justice administrative pour écarter la requête sans procédure contradictoire ni tenue d’une audience publique. Le juge des référés dispose du pouvoir de rejeter les conclusions lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que la condition d’urgence n’est pas remplie. Cette célérité procédurale souligne le caractère manifestement infondé des arguments relatifs à l’imminence d’un péril pour l’objet social de l’organisme de protection. La décision rappelle que la suspension d’un refus de prendre un règlement demeure exceptionnelle et nécessite des preuves concrètes d’un préjudice irréparable à court terme. L’absence de démonstration d’un risque immédiat pour la pérennité financière de la structure justifie ainsi le recours à cette procédure de rejet simplifiée.
II. Les limites de l’obligation réglementaire d’édicter des sanctions
A. La persistance d’une carence administrative sans effet suspensif immédiat
La loi prévoit que les conditions d’application de l’interdiction de reproduction des animaux non domestiques « sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature ». La requérante souligne le retard pris par l’État pour édicter ces mesures nécessaires à l’efficacité de la protection animale voulue par le législateur. Toutefois, le juge des référés ne sanctionne pas ce retard dans le cadre spécifique de la procédure de suspension faute d’un doute sérieux immédiat. L’obligation de prendre les règlements d’application dans un délai raisonnable ne permet pas automatiquement de contourner les exigences strictes de la condition d’urgence. Le refus implicite de l’autorité ministérielle subsiste donc, malgré l’entrée en vigueur théorique des interdictions législatives depuis la fin de l’année 2023.
B. Une portée jurisprudentielle protectrice de l’efficacité de la procédure d’urgence
Cette ordonnance confirme une approche classique de la séparation des pouvoirs où le juge administratif évite de s’immiscer prématurément dans l’exercice du pouvoir réglementaire. La portée de la décision réside dans la réaffirmation du caractère subsidiaire du référé-suspension par rapport au recours au fond visant l’annulation pour excès de pouvoir. Le magistrat refuse de transformer le juge des référés en une autorité de contrôle systématique de la diligence gouvernementale en l’absence de menace directe. La solution retenue protège l’équilibre entre la nécessité d’une exécution rapide des lois et la protection contre des injonctions administratives trop hâtives. Elle incite les requérants à mieux documenter l’imminence de leurs préjudices avant de solliciter la suspension de décisions de refus de portée générale.