Juge des référés, formation collégiale du Conseil d’État, le 8 avril 2025, n°502945

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 8 avril 2025, une ordonnance statuant sur la suspension d’une mesure d’expulsion ministérielle. Un ressortissant étranger, présent sur le territoire depuis 1988 malgré un éloignement antérieur, contestait la légalité de son renvoi vers son pays d’origine. Le ministre de l’Intérieur avait prononcé cette sanction après la diffusion d’une vidéo appelant à la violence contre un opposant politique étranger. Le tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de suspension le 25 mars 2025, poussant le requérant à saisir la juridiction suprême. Le requérant sollicitait l’annulation de l’ordonnance de premier ressort pour obtenir la suspension de son expulsion et une autorisation de séjour provisoire. Le litige pose la question de la conciliation entre la sauvegarde de l’ordre public et le respect du droit à une vie familiale normale. Le juge rejette l’appel en estimant que l’administration n’a pas commis d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale par cette décision. L’examen portera d’abord sur la caractérisation de la menace à l’ordre public, avant d’analyser la proportionnalité de l’atteinte portée aux libertés fondamentales.

I. La caractérisation d’une menace grave à l’ordre public

A. L’influence déterminante de l’activité numérique sur la sécurité

Le Conseil d’État valide l’analyse ministérielle soulignant que la présence de l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public national. Les magistrats s’appuient sur l’administration d’une chaîne numérique comptant cent trente-huit mille abonnés pour démontrer l’impact des propos tenus par le requérant. Bien que l’auteur minimise leur portée, le juge souligne « la résonance et l’ampleur de leur audience » au regard du nombre important d’abonnés. La provocation publique à commettre un crime, sanctionnée par le tribunal judiciaire de Montpellier le 6 mars 2025, fonde matériellement la décision administrative.

B. La prise en compte d’un contexte sécuritaire international spécifique

L’expulsion vise à « prévenir la réitération » de discours incitant à la violence physique contre des opposants politiques résidant sur le sol français. Cette mesure s’inscrit dans une période de vigilance accrue face aux risques pesant sur la sécurité des ressortissants étrangers protégés par l’État. En effet, le juge des référés relève une montée des menaces contre les autorités d’origine, justifiant une réaction ferme de la part du ministre. La décision de la commission d’expulsion du 12 mars 2025 confirme la nécessité de protéger la sécurité publique contre ces comportements dangereux.

II. La proportionnalité de l’atteinte à la vie privée et familiale

A. Une insertion personnelle et professionnelle jugée insuffisante par le juge

Le requérant invoque son droit à mener une vie privée normale, garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. L’atteinte est jugée légale car elle n’est pas « manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure contestée a été prise ». Le juge note que les enfants sont désormais majeurs et que le fils handicapé n’est pas à la charge exclusive de son père. L’insertion professionnelle est également remise en cause par l’absence de contrats de travail durables, limitant ainsi la profondeur de l’ancrage local.

B. Le maintien de liens substantiels avec le pays de destination

L’absence de disproportion s’explique par la persistance de liens forts avec le pays d’origine, où le ressortissant se rend de manière régulière. L’intéressé conserve des attaches réelles en Algérie et pourra y recevoir la visite des membres de sa famille résidant actuellement en France. Cependant, le Conseil d’État considère que la protection de la sûreté de l’État prime ici sur l’intensité relative des attaches privées invoquées. L’ordonnance confirme ainsi la primauté des impératifs de sécurité publique lorsque les libertés fondamentales ne subissent pas une lésion manifestement illicite.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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