Tribunal judiciaire de Bobigny, le 17 juin 2025, n°25/06193

Le recours au juge des contentieux de la protection suppose le respect de délais procéduraux stricts dont la méconnaissance entraîne des conséquences irrémédiables pour le demandeur. Telle est la leçon que délivre le tribunal de proximité de Saint-Ouen dans une ordonnance rendue le 17 juin 2025.

En l’espèce, une société bailleresse a fait délivrer une assignation à un locataire le 16 mai 2025 en vue d’une audience fixée au 17 juin 2025. L’assignation n’a toutefois été placée au greffe que le 2 juin 2025. Le demandeur ne comparaissait pas à l’audience, pas plus que le défendeur.

Le tribunal de proximité de Saint-Ouen a relevé d’office le non-respect du délai de placement prévu par l’article 754 du code de procédure civile. Il a constaté que « l’assignation a été placée le 2/06/2025 pour une audience du 17/06/2025, soit moins de quinze jours entiers avant la date de cette dernière ». En conséquence, le juge a déclaré la citation caduque et constaté l’extinction de l’instance, les dépens restant à la charge du demandeur.

La question posée au tribunal était celle de savoir si le délai de quinze jours prévu à l’article 754 du code de procédure civile avait été respecté lorsque l’assignation est placée quinze jours calendaires avant l’audience.

Le tribunal répond par la négative. Il juge que « au moins 15 jours entiers doivent séparer la date du placement de l’assignation de celle de l’audience, le jour du placement et le jour de l’audience n’étant donc pas décomptés ».

Cette décision rappelle la rigueur des règles de computation des délais de procédure et leurs conséquences sur la saisine du juge (I), tout en illustrant le caractère automatique de la sanction de caducité (II).

I. L’exigence de jours entiers dans la computation du délai de placement

Le tribunal applique une règle classique de computation des délais (A), dont la méconnaissance produit des effets radicaux sur l’instance (B).

A. Une application orthodoxe des règles de computation

L’article 754 du code de procédure civile impose que l’assignation soit placée au moins quinze jours avant l’audience. Le tribunal précise la portée de cette exigence en se référant aux articles 641 et 642 du même code. Ces textes posent le principe selon lequel le dies a quo et le dies ad quem ne sont pas comptabilisés dans le calcul du délai.

Le tribunal cite expressément un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 mars 2018. Cette référence jurisprudentielle confirme que l’interprétation retenue n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une lecture constante des textes procéduraux. Le placement effectué le 2 juin pour une audience du 17 juin ne laissait que quatorze jours entiers entre ces deux dates. Le délai légal n’était donc pas respecté.

B. Une computation exclusive des jours de placement et d’audience

La formulation retenue par le tribunal ne laisse place à aucune ambiguïté. Le juge précise que « le jour du placement et le jour de l’audience n’étant donc pas décomptés ». Cette règle impose au praticien une vigilance particulière dans le calcul des délais.

En l’espèce, le demandeur a peut-être cru disposer de quinze jours en comptant du 2 au 17 juin. Cette erreur de calcul, fréquente en pratique, révèle l’importance d’une maîtrise rigoureuse des règles procédurales. Le tribunal ne fait qu’appliquer une règle établie, sans pouvoir y déroger même en l’absence de grief démontré.

II. Le caractère automatique de la sanction de caducité

La caducité prononcée d’office constitue une sanction radicale (A) dont les conséquences pèsent exclusivement sur le demandeur (B).

A. Une sanction relevée d’office par le juge

L’article 754 du code de procédure civile prévoit expressément que la caducité est « constatée d’office par ordonnance du juge ». Le tribunal n’avait donc pas à être saisi d’une exception soulevée par le défendeur. L’absence des deux parties à l’audience n’a pas fait obstacle au prononcé de cette sanction.

Le caractère automatique de la caducité distingue cette sanction d’autres vices de procédure qui supposent un grief ou une demande de la partie adverse. Ici, le simple constat objectif du non-respect du délai suffit. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de la sanction. Il se borne à vérifier le respect du délai et à en tirer les conséquences légales.

B. L’extinction de l’instance aux frais du demandeur

Le tribunal « constate l’extinction de l’instance dont les dépens resteront à la charge du demandeur ». Cette formulation rappelle que la caducité met fin à l’instance sans jugement sur le fond. Le demandeur conserve certes la possibilité de réintroduire une nouvelle action, sous réserve de la prescription.

Toutefois, les frais engagés pour l’assignation caduque demeurent à sa charge. Cette conséquence financière s’ajoute au retard pris dans le traitement du litige. Pour un bailleur agissant en recouvrement de loyers ou en résiliation de bail, ce délai supplémentaire peut s’avérer préjudiciable. La décision incite les praticiens à anticiper suffisamment le placement de leurs actes introductifs d’instance.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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