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Le contentieux des hospitalisations psychiatriques sans consentement illustre la tension permanente entre protection de la santé et sauvegarde des libertés individuelles. Le tribunal judiciaire de Bobigny, par une ordonnance du 20 juin 2025, rappelle avec fermeté que les exigences procédurales en la matière ne sont pas de simples formalités mais constituent des garanties substantielles pour le patient.
Une patiente avait été admise le 11 juin 2025 en soins psychiatriques sans consentement sous forme d’hospitalisation complète, en raison d’un péril imminent pour sa santé. Le directeur de l’établissement public de santé avait décidé le 13 juin 2025 de poursuivre cette mesure pour un mois et avait saisi le tribunal judiciaire le 16 juin 2025 aux fins de contrôle de la mesure. La requête transmise au juge était cependant dépourvue de l’avis médical motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil.
L’avocate de la personne hospitalisée soulevait cette irrégularité et sollicitait la mainlevée de la mesure. L’établissement hospitalier, contacté téléphoniquement le jour de l’audience, avait indiqué ne pas être en mesure de communiquer cet avis. Le ministère public avait néanmoins émis un avis favorable au maintien de l’hospitalisation.
La question posée au juge était de déterminer si l’absence d’avis médical motivé joint à la requête aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète constitue une irrégularité justifiant la mainlevée de la mesure.
Le tribunal judiciaire de Bobigny répond par l’affirmative et ordonne la mainlevée immédiate de l’hospitalisation complète. Il retient que cette absence « empêche d’apprécier la persistance des troubles psychiatriques de la personne hospitalisée et de contrôler la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète » et que cette irrégularité « fait nécessairement grief à la personne hospitalisée ».
Cette décision mérite examen tant au regard de la rigueur du contrôle formel exercé par le juge (I) que de ses conséquences sur l’effectivité de la protection des droits du patient (II).
I. La rigueur du contrôle formel de la procédure d’hospitalisation
L’ordonnance commentée consacre le caractère substantiel de l’avis médical motivé (A) et sanctionne avec sévérité son défaut par la mainlevée immédiate (B).
A. Le caractère substantiel de l’avis médical motivé
L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique organise le contrôle juridictionnel de l’hospitalisation complète sans consentement. Ce texte impose que la saisine du juge soit « accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète ».
Le juge rappelle cette exigence légale avec précision. Il ne s’agit pas d’une pièce parmi d’autres dans le dossier mais d’un élément déterminant du contrôle juridictionnel. L’avis motivé permet au magistrat d’exercer sa mission : vérifier que la privation de liberté demeure justifiée par l’état de santé du patient.
La rédaction de l’ordonnance est éclairante sur ce point. Le juge relève que l’absence de cet avis « empêche d’apprécier la persistance des troubles psychiatriques de la personne hospitalisée et de contrôler la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète ». Le contrôle juridictionnel suppose ainsi une base médicale actualisée sans laquelle il devient impossible.
Le législateur de 2011, en instaurant ce contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention dans les douze jours de l’admission, avait précisément voulu que ce contrôle soit effectif. L’avis médical motivé constitue l’outil indispensable à cette effectivité.
B. La sanction par la mainlevée immédiate
Face au constat du défaut d’avis motivé, le juge ne dispose que d’une seule option : prononcer la mainlevée de la mesure. L’ordonnance commentée l’illustre clairement.
Le tribunal relève que cette irrégularité « fait nécessairement grief à la personne hospitalisée ». Cette formulation mérite attention. Le juge ne recherche pas si, en l’espèce, l’absence d’avis a concrètement porté atteinte aux droits de la patiente. Il considère que le grief est présumé de manière irréfragable. Cette présomption se justifie aisément : comment le patient pourrait-il démontrer qu’il a été lésé par l’absence d’un document qui aurait précisément permis d’évaluer son état de santé.
Le juge ajoute qu’il n’y a pas lieu de différer la mainlevée « à défaut de tout élément médical actualisé sur la persistance des troubles psychiatriques, le dernier certificat médical datant du 13 juin 2025 ». La possibilité de différer la mainlevée, prévue par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, suppose en effet que le juge puisse évaluer si une telle mesure est nécessaire pour préserver la santé du patient ou la sécurité des personnes. Sans élément médical récent, cette évaluation est impossible.
L’attitude de l’établissement hospitalier, qui a indiqué ne pas être en mesure de communiquer l’avis en cours de délibéré, renforce la position du juge. L’administration ne saurait bénéficier de sa propre négligence.
II. L’effectivité de la protection des droits du patient hospitalisé
La décision commentée garantit l’effectivité du contrôle juridictionnel (A) et s’inscrit dans une jurisprudence vigilante en matière de libertés fondamentales (B).
A. La garantie d’un contrôle juridictionnel effectif
Le contrôle du juge sur les hospitalisations sans consentement répond à une exigence constitutionnelle. L’article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 novembre 2010, avait censuré l’absence de contrôle juridictionnel systématique et obligé le législateur à instaurer le mécanisme actuel.
Ce contrôle ne peut être de pure forme. Le juge doit disposer des éléments lui permettant d’apprécier si la privation de liberté demeure justifiée. L’avis médical motivé constitue la pièce maîtresse de cette appréciation.
L’ordonnance commentée refuse de valider une hospitalisation en l’absence des garanties légales. Le juge ne se substitue pas au médecin pour apprécier l’état de santé du patient. Il constate simplement que, sans avis médical, il lui est impossible d’exercer son office. Cette position respecte les compétences respectives : le médecin évalue l’état de santé, le juge vérifie que les conditions légales de la privation de liberté sont réunies.
La circonstance que le ministère public ait émis un avis favorable au maintien de l’hospitalisation est sans incidence. L’avis du parquet ne saurait pallier l’absence de l’élément médical exigé par la loi.
B. L’inscription dans une jurisprudence protectrice des libertés
Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel attentif au respect des garanties procédurales en matière d’hospitalisation psychiatrique. La Cour de cassation a régulièrement rappelé que les irrégularités de procédure doivent être sanctionnées lorsqu’elles portent atteinte aux droits du patient.
La première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé que le défaut de notification de ses droits au patient constitue une irrégularité justifiant la mainlevée de la mesure. Elle a également censuré des décisions ayant autorisé la poursuite de l’hospitalisation malgré des certificats médicaux insuffisamment motivés.
La décision du tribunal judiciaire de Bobigny prolonge cette exigence. Elle rappelle aux établissements hospitaliers que le respect des formes n’est pas optionnel. L’urgence psychiatrique ne dispense pas de la rigueur procédurale.
Cette rigueur protège in fine le patient. Celui-ci, placé dans une situation de vulnérabilité par la maladie mentale et par la privation de liberté, doit pouvoir compter sur le respect scrupuleux des garanties légales. Le juge est le gardien de ces garanties.
La décision présente toutefois une limite pratique. La mainlevée immédiate expose potentiellement un patient atteint de troubles psychiatriques à une sortie non préparée. Le juge en a conscience puisqu’il évoque la possibilité de différer la mainlevée. L’absence d’éléments médicaux actualisés l’empêche cependant de recourir à cette faculté. La responsabilité de cette situation incombe à l’établissement hospitalier qui n’a pas satisfait à ses obligations procédurales.