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Le contrôle par le juge des libertés et de la détention de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement constitue une garantie essentielle des libertés individuelles. Le tribunal judiciaire de Bordeaux, par une ordonnance rendue le 17 juin 2025, s’est prononcé sur le maintien d’une mesure d’hospitalisation complète à la demande d’un tiers.
Un homme a été admis le 6 juin 2025 au centre hospitalier spécialisé psychiatrique de Cadillac en application de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Cette admission faisait suite à une décompensation maniaque, une bizarrerie de contact, un maniérisme et une consommation quotidienne de cocaïne. Le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention avant l’expiration du délai de douze jours prévu par l’article L. 3211-12-1 du même code.
L’intéressé, assisté d’un avocat commis d’office, a comparu devant le magistrat siégeant dans une salle aménagée au sein de l’établissement. Il a exposé que son hospitalisation se déroulait favorablement et qu’il avait effectué une première sortie en ville sans ressentir d’envie de consommer des stupéfiants. Il a fait valoir qu’il avait trouvé une colocation et craignait de perdre cette opportunité si la mesure se prolongeait. Son conseil a reconnu la régularité de la procédure et des certificats médicaux.
La question posée au juge était celle de savoir si les conditions légales du maintien de l’hospitalisation complète demeuraient réunies alors même que le patient manifestait son adhésion aux soins et disposait d’un projet de réinsertion.
Le tribunal a autorisé le maintien de l’hospitalisation complète. Il a retenu que l’avis médical du 16 juin 2025 relevait une légère accélération thymique avec familiarité et que les traitements étaient en cours d’instauration. Il a considéré qu’une sortie prématurée présenterait des risques de rechute rapide et que le cadre hospitalier demeurait nécessaire pour garantir l’observance des soins.
Cette décision invite à examiner le cadre juridique du contrôle judiciaire de l’hospitalisation psychiatrique (I) avant d’analyser l’appréciation concrète de la nécessité du maintien de la mesure (II).
I. Le cadre juridique du contrôle de l’hospitalisation sans consentement
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle systématique sur les mesures d’hospitalisation psychiatrique (A). Ce contrôle porte à la fois sur la régularité formelle de la procédure et sur le bien-fondé de la mesure (B).
A. L’intervention obligatoire du juge judiciaire
L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose la saisine du juge des libertés et de la détention avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission. Cette disposition issue de la loi du 5 juillet 2011 répond aux exigences constitutionnelles découlant de l’article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle.
Le tribunal rappelle expressément cette obligation en visant l’article L. 3211-12-1 et en constatant que la saisine du 11 juin 2025 respectait le délai prescrit. Le patient avait été admis le 6 juin 2025. Le directeur de l’établissement a ainsi agi dans les temps impartis par la loi.
La juridiction siégeait « dans une salle spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement », conformément à l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique. Ce dispositif permet de tenir l’audience au plus près du patient tout en garantissant le caractère public des débats. L’ordonnance mentionne que l’audience était publique, ce qui assure la transparence de ce contrôle sur une mesure privative de liberté.
La comparution personnelle du patient assisté d’un avocat constitue une garantie procédurale fondamentale. L’intéressé a pu s’exprimer directement devant le magistrat et exposer sa situation. Le juge a relevé ses déclarations selon lesquelles son hospitalisation se passait « hyper bien » et qu’il avait trouvé une solution de logement.
B. L’étendue du contrôle exercé
Le contrôle judiciaire porte sur deux aspects distincts. Le juge vérifie la régularité formelle de la procédure administrative d’admission. Il apprécie le bien-fondé du maintien de la mesure au regard des conditions légales.
L’ordonnance constate que « les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier » et qu’ils « ont été établis dans les délais requis ». La décision relève que ces documents « contiennent des indications propres à répondre aux prescriptions légales ». Le tribunal note également que « la régularité de la procédure n’est d’ailleurs pas discutée » par le patient ni son conseil.
Le contrôle du bien-fondé suppose la vérification des conditions posées par l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le texte exige la réunion de deux conditions cumulatives : des troubles mentaux rendant impossible le consentement du patient et un état mental imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante.
Le juge doit également se prononcer au vu de l’avis médical motivé prévu par l’article L. 3211-12-1 II. Cet avis émane d’un psychiatre de l’établissement qui se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation. Cette pièce constitue un élément déterminant de l’appréciation portée par le magistrat sur l’opportunité de maintenir la mesure.
II. L’appréciation de la nécessité du maintien de l’hospitalisation
Le tribunal se fonde sur les éléments médicaux pour caractériser la persistance des troubles (A). Il procède ensuite à une mise en balance entre l’évolution favorable du patient et les risques liés à une sortie prématurée (B).
A. La caractérisation des troubles justifiant le maintien
L’avis médical du 16 juin 2025 relève « une légère accélération thymique avec une familiarité ». Ces éléments cliniques traduisent la persistance de symptômes maniaques, quoique d’intensité moindre qu’à l’admission. Le tribunal reprend ces constatations pour justifier sa décision.
L’ordonnance précise que « les traitements sont en cours d’instauration ». Cette mention revêt une importance particulière. Elle signifie que le protocole thérapeutique n’a pas encore atteint sa pleine efficacité. Le temps nécessaire à l’ajustement des traitements psychotropes justifie le maintien d’un cadre hospitalier permettant une surveillance étroite.
Le tribunal retient que l’état mental du patient nécessite « des soins assortis d’une surveillance médicale constante ». Cette formulation reprend les termes mêmes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le juge vérifie ainsi que les conditions légales demeurent satisfaites au jour où il statue.
La décision souligne l’impossibilité pour l’intéressé de « consentir aux soins de façon pérenne ». Cette appréciation porte sur la capacité du patient à maintenir son adhésion thérapeutique dans la durée. La distinction entre une acceptation ponctuelle et un consentement stable constitue un critère déterminant. Les déclarations favorables du patient devant le juge ne suffisent pas à démontrer cette pérennité.
B. La mise en balance des intérêts en présence
Le patient faisait valoir plusieurs arguments en faveur d’une levée de la mesure. Il avait effectué une première sortie en ville sans rechute. Il déclarait ne plus ressentir d’envie de consommer des stupéfiants. Il avait trouvé une solution de logement et craignait de perdre cette opportunité.
Le tribunal écarte ces arguments en retenant qu’une « sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide ». Cette appréciation prospective du risque repose sur les éléments médicaux du dossier. La consommation quotidienne de cocaïne mentionnée à l’admission justifie une vigilance particulière quant aux risques de reprise des conduites addictives.
L’ordonnance insiste sur la nécessité d’un « cadre contenant et sécurisé » pour garantir l’observance des soins. Le tribunal relève également que la réadaptation éventuelle du traitement ne peut se faire qu’en milieu hospitalier. Ces considérations pratiques s’ajoutent aux éléments strictement médicaux pour justifier le maintien de la mesure.
La décision opère un arbitrage entre la liberté individuelle du patient et la protection de sa santé. Le souhait de l’intéressé de retrouver rapidement sa liberté est expressément mentionné mais n’est pas jugé suffisant pour mettre fin à l’hospitalisation. Le juge privilégie la stabilisation de l’état de santé sur les projets personnels du patient.
Cette ordonnance s’inscrit dans une jurisprudence constante qui reconnaît au juge des libertés et de la détention un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle exercé ne se limite pas à une vérification formelle des pièces du dossier. Il implique une évaluation concrète de la situation du patient au jour de l’audience. La présence de signes cliniques résiduels et le caractère récent de l’instauration du traitement constituent des éléments déterminants. La décision rappelle que l’hospitalisation psychiatrique sans consentement ne peut se prolonger qu’autant que les conditions légales demeurent réunies.