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Le contrôle d’identité constitue le premier acte d’une procédure susceptible de conduire à l’éloignement forcé d’un étranger. Sa régularité conditionne la validité de l’ensemble de la chaîne procédurale. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Lyon le 13 juin 2025 rappelle cette exigence fondamentale en sanctionnant un contrôle opéré sans base légale suffisante.
Un ressortissant algérien, se présentant sous une identité déclarée, fait l’objet d’un contrôle par les gendarmes de Bourgoin-Jallieu le 10 juin 2025. Le procès-verbal de remise aux autorités frontalières mentionne que les forces de l’ordre ont procédé au contrôle « d’un homme vraisemblablement sans domicile fixe ». L’intéressé est ensuite placé en rétention administrative par décision de la préfète de l’Ain du même jour. Une obligation de quitter le territoire français lui avait été notifiée le 3 février 2023.
Par requête du 12 juin 2025, reçue au greffe à 15h02, l’autorité administrative sollicite la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours. Le conseil du retenu soulève in limine litis l’irrégularité de la procédure d’interpellation. Il soutient que rien ne démontre l’existence, au moment du contrôle, de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction.
La question soumise au juge des libertés et de la détention était la suivante : un contrôle d’identité motivé par la seule apparence de précarité d’une personne peut-il constituer un fondement légal au sens de l’article 78-2 du code de procédure pénale ?
Le tribunal judiciaire de Lyon répond par la négative. Il constate l’irrégularité du contrôle d’identité et de la procédure préalable à la rétention administrative. Il rejette en conséquence la demande de prolongation et met fin à la rétention de l’intéressé.
Cette décision met en lumière le cadre strict du contrôle d’identité judiciaire (I) et ses conséquences sur la régularité de la procédure de rétention administrative (II).
I. L’encadrement rigoureux du contrôle d’identité judiciaire
Le juge des libertés et de la détention rappelle les conditions légales du contrôle d’identité (A) avant de constater leur méconnaissance en l’espèce (B).
A. Les conditions légales posées par l’article 78-2 du code de procédure pénale
Le tribunal vise expressément l’article 78-2 du code de procédure pénale. Cette disposition énumère limitativement les hypothèses autorisant les officiers de police judiciaire à inviter une personne à justifier de son identité. Le texte exige « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que l’intéressé a commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête, ou fait l’objet de recherches judiciaires.
L’ordonnance reproduit cette énumération avec précision. Le juge souligne que le contrôle d’identité « judiciaire » suppose un lien avec une activité délictuelle. La simple présence d’une personne dans l’espace public ne saurait suffire. Le législateur a entendu protéger la liberté d’aller et venir contre les vérifications arbitraires. Le contrôle doit reposer sur des éléments objectifs, antérieurs à l’opération elle-même, justifiant le soupçon.
B. L’absence de fondement légal du contrôle opéré
Le tribunal relève que le procès-verbal de remise aux autorités frontalières mentionne uniquement le contrôle « d’un homme vraisemblablement sans domicile fixe ». Cette formulation révèle l’absence de tout indice permettant de rattacher l’opération à l’un des cas prévus par l’article 78-2.
Le juge constate que les gendarmes n’ont pas justifié que le contrôle « s’inscrive dans un des cas strictement énuméré par l’article 78-2 du CPP ». L’apparence de précarité ne figure pas parmi les motifs légaux. Elle ne caractérise pas une raison plausible de soupçonner la commission d’une infraction. Le contrôle repose donc sur une appréciation subjective dépourvue de base juridique.
II. Les conséquences procédurales de l’irrégularité du contrôle
L’irrégularité initiale affecte l’ensemble de la procédure de rétention (A) et conduit au rejet de la demande de prolongation (B).
A. La contamination de la procédure administrative par le vice initial
Le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle sur la régularité de la procédure ayant conduit au placement en rétention. Ce contrôle s’étend aux actes accomplis par les autorités de police, y compris le contrôle d’identité initial. L’article L. 743-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile confère au juge le pouvoir d’examiner « les conditions du placement en rétention ».
L’ordonnance retient que l’irrégularité du contrôle d’identité vicie la « procédure préalable à la rétention administrative ». Le placement en rétention découle directement de l’interpellation. La nullité de l’acte initial se propage aux mesures subséquentes. Le retenu ne pouvait être privé de liberté sur le fondement d’une procédure entachée d’illégalité dès son origine.
B. Le rejet de la demande de prolongation et la remise en liberté
Le tribunal tire toutes les conséquences de son constat. Il déclare la procédure irrégulière et rejette la requête de la préfète de l’Ain. La prolongation de la rétention ne peut être ordonnée lorsque les conditions initiales de la privation de liberté n’étaient pas réunies.
L’ordonnance ordonne la remise en liberté de l’intéressé tout en rappelant que celui-ci « a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 742-10 du CESEDA ». La libération ne vaut pas régularisation. L’étranger demeure soumis à la mesure d’éloignement prononcée en 2023. Seule la voie procédurale ayant conduit à son maintien en rétention est censurée. Cette décision illustre le rôle du juge judiciaire en tant que gardien de la liberté individuelle face aux irrégularités de la procédure administrative.