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La protection du droit de propriété par le biais de la procédure de référé suppose la réunion de conditions strictes, dont celle tenant à la démonstration préalable du bien-fondé des prétentions avancées. Le tribunal judiciaire de Marseille, par une ordonnance de référé rendue le 11 septembre 2025, en fournit une illustration en matière d’expulsion pour occupation sans droit ni titre.
Une société bailleresse, propriétaire d’un appartement, a fait assigner un particulier en référé devant le juge des contentieux de la protection, sollicitant son expulsion ainsi que le paiement d’une indemnité d’occupation. Un procès-verbal de constat avait été dressé par un commissaire de justice le 29 janvier 2025. Le défendeur, bien que régulièrement cité par acte remis à étude, n’a pas comparu à l’audience du 19 juin 2025.
La société demanderesse soutenait être propriétaire du bien litigieux et demandait l’expulsion de l’occupant prétendu, avec condamnation au versement d’une indemnité d’occupation et prononcé d’une astreinte. Elle sollicitait en outre le bénéfice des dispositions permettant d’écarter le délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux ainsi que la trêve hivernale.
Le juge des référés était dès lors confronté à la question suivante : le propriétaire d’un bien immobilier peut-il obtenir l’expulsion d’une personne en référé lorsque l’occupation effective de ce bien par le défendeur n’est pas établie ?
Le juge des contentieux de la protection a débouté la société de l’ensemble de ses demandes. Il a retenu que « l’occupation du bien par le défendeur n’étant pas démontrée », les demandes d’expulsion et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation devaient être rejetées. La société a été condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision invite à examiner tant les conditions procédurales du référé-expulsion (I) que les exigences probatoires pesant sur le demandeur à l’action (II).
I. Les conditions du référé-expulsion en matière d’occupation sans droit ni titre
Le juge des référés dispose de pouvoirs importants pour faire cesser un trouble manifestement illicite, mais leur mise en œuvre demeure encadrée (A). L’office du juge se trouve renforcé en l’absence du défendeur, imposant un contrôle accru du bien-fondé de la demande (B).
A. Le cadre normatif du référé-expulsion
Le juge des référés fonde sa compétence sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile, qui lui permettent d’ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état pour « prévenir un dommage imminent » ou « faire cesser un trouble manifestement illicite ». L’ordonnance rappelle expressément ce fondement textuel.
L’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier constitue une atteinte au droit de propriété garanti par l’article 544 du code civil. Le propriétaire peut solliciter l’expulsion des occupants en référé, à condition de démontrer tant son titre de propriété que la réalité de l’occupation illicite.
Le régime de l’expulsion est encadré par les articles L412-1 et L412-6 du code des procédures civiles d’exécution, qui prévoient notamment un délai de deux mois après le commandement de quitter les lieux et la trêve hivernale. Ces protections peuvent être écartées lorsque l’introduction dans les lieux résulte de « manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».
B. L’office renforcé du juge statuant par défaut
L’article 472 du code de procédure civile impose au juge, lorsque le défendeur ne comparaît pas, de statuer sur le fond en ne faisant droit à la demande que s’il « l’estime régulière, recevable, et bien fondée ». Cette disposition confère au juge un rôle actif dans l’appréciation du mérite de l’action.
Le juge marseillais a fait application de ce texte en procédant à un examen minutieux des pièces produites. Le défaut de comparution ne saurait dispenser le demandeur de rapporter la preuve de ses prétentions conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil.
L’ordonnance de référé étant exécutoire de plein droit en vertu de l’article 514 du code de procédure civile, le contrôle exercé par le juge revêt une importance particulière. Une décision d’expulsion rendue sans vérification suffisante pourrait porter une atteinte disproportionnée aux droits du défendeur absent.
II. L’exigence cardinale de la preuve de l’occupation
Le rejet de la demande repose sur l’insuffisance des éléments probatoires produits (A), ce qui illustre la rigueur attendue du demandeur dans ce contentieux (B).
A. L’insuffisance du procès-verbal de constat
Le juge relève que « le procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice le 29 janvier 2025 n’apport[e] d’ailleurs aucune précision » sur l’occupation effective du bien par le défendeur. Cette insuffisance probatoire est déterminante.
Le procès-verbal de constat constitue ordinairement un élément de preuve privilégié en matière d’occupation illicite. Il permet d’établir l’identité des occupants, les conditions de leur entrée dans les lieux et l’état du bien. Sa valeur probante dépend toutefois de la précision des constatations effectuées.
En l’espèce, le constat ne permettait pas de rattacher le défendeur à l’occupation du bien. Le juge en tire les conséquences en considérant que « l’occupation du bien par le défendeur n’étant pas démontrée », les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation doivent être rejetées.
B. Les conséquences du défaut de preuve sur l’issue du litige
La charge de la preuve pèse sur le demandeur conformément à l’article 1353 du code civil. En matière de référé-expulsion, le propriétaire doit établir cumulativement son droit de propriété et l’occupation du bien par la personne qu’il entend faire expulser.
L’ordonnance reconnaît expressément que « la SA VILOGIA est propriétaire de l’appartement ». La première condition était donc satisfaite. Le rejet procède exclusivement du défaut de preuve de l’occupation par le défendeur nommément désigné dans l’assignation.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse de prononcer des mesures d’expulsion contre des personnes dont la présence dans les lieux n’est pas démontrée. Elle préserve les droits de la défense et évite que des tiers soient affectés par une décision prise à leur encontre sans fondement établi. Le propriétaire devra reconstituer son dossier probatoire avant d’engager une nouvelle procédure, en veillant à ce que le constat identifie précisément les occupants des lieux.