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Le contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques sans consentement constitue une garantie fondamentale des libertés individuelles. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Marseille le 20 juin 2025 illustre les difficultés inhérentes à cet exercice de conciliation entre protection de la personne et respect de son autonomie.
Une patiente, née en 1958, a été admise en soins psychiatriques sous le régime de l’hospitalisation complète le 10 juin 2025, à la demande d’un tiers, en l’occurrence sa sœur. Le directeur de l’établissement hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention dans le cadre du contrôle obligatoire prévu par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, avant l’expiration du délai de douze jours suivant l’admission.
L’intéressée a comparu personnellement à l’audience, assistée d’un avocat commis d’office. Son conseil a plaidé la mainlevée de la mesure, soulignant l’apparente sérénité et stabilité de sa cliente. Le ministère public a, quant à lui, requis le maintien de l’hospitalisation complète. Le magistrat a statué en maintenant la mesure de soins contraints.
La question posée au juge était de déterminer si les conditions justifiant la poursuite de l’hospitalisation complète demeuraient réunies, malgré les observations formulées par la patiente et son avocat quant à son état apparent.
Le tribunal judiciaire de Marseille a autorisé la poursuite des soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, retenant que l’intéressée « persiste en son syndrome délirant », que « les hallucinations acoustico verbale associées à des troubles du comportement n’ont pas disparu » et que « ces troubles sont banalisés et rationalisés ».
Cette décision invite à examiner successivement le cadre procédural du contrôle juridictionnel des hospitalisations contraintes (I), puis l’appréciation substantielle des conditions de maintien de la mesure (II).
I. Le contrôle juridictionnel systématique de l’hospitalisation psychiatrique contrainte
A. L’obligation constitutionnelle d’un contrôle précoce
Le législateur, sous l’impulsion du Conseil constitutionnel, a institué un mécanisme de contrôle automatique des hospitalisations sans consentement. L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose que « l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire […] n’ait statué sur cette mesure » avant l’expiration d’un délai de douze jours. Cette exigence procède de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 qui avait censuré l’absence d’intervention systématique du juge judiciaire.
En l’espèce, l’admission ayant été prononcée le 10 juin 2025, le délai de douze jours expirait le 21 juin 2025. La saisine, effectuée le 17 juin 2025, et l’audience tenue le 20 juin 2025 respectent ce calendrier impératif. Le magistrat relève expressément que « les conditions énoncées dans ces textes ont été respectées ».
Ce contrôle précoce vise à garantir que toute privation de liberté à des fins psychiatriques soit rapidement soumise à l’examen d’un juge indépendant. La brièveté du délai traduit l’importance que le législateur attache à la protection de la liberté individuelle.
B. Les garanties procédurales entourant le contrôle
L’ordonnance mentionne le respect des communications et avis prévus par l’article R. 3211-11 du code de la santé publique. La patiente a comparu personnellement et a été assistée d’un avocat commis d’office conformément à l’article L. 3211-12-2, alinéa 2, du même code. Elle a eu la parole en dernier, conformément aux principes du contradictoire.
L’avocat a expressément indiqué n’avoir « pas d’observations sur la régularité de la procédure ». Cette absence de contestation formelle atteste du respect apparent des exigences légales. La publicité des débats a été maintenue, les parties n’ayant pas sollicité le huis clos.
Ces garanties procédurales ne constituent cependant que le cadre formel du contrôle. L’enjeu réside dans l’examen au fond des conditions justifiant le maintien de la mesure privative de liberté.
II. L’appréciation des conditions substantielles du maintien de l’hospitalisation
A. La persistance du trouble mental comme critère déterminant
Le magistrat fonde sa décision sur le constat que l’intéressée « persiste en son syndrome délirant » et que « les hallucinations acoustico verbale associées à des troubles du comportement n’ont pas disparu ». Cette motivation s’inscrit dans le cadre de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, qui subordonne l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers à l’existence de troubles mentaux rendant impossible le consentement et nécessitant des soins immédiats.
L’ordonnance relève également que « ces troubles sont banalisés et rationalisés ». Cette observation est significative : l’anosognosie, c’est-à-dire l’absence de conscience du trouble par le patient lui-même, constitue précisément l’un des éléments justifiant l’impossibilité de recueillir un consentement éclairé. La rationalisation des hallucinations par la patiente, qui invoquait leur perception par son ex-mari au téléphone, illustre cette difficulté.
Le juge se trouve ainsi confronté à un écart entre l’apparence clinique immédiate, décrite par l’avocat comme empreinte de « sérénité » et de « stabilité », et l’évaluation médicale attestant de la persistance des symptômes. Cette tension est inhérente au contrôle juridictionnel en matière psychiatrique.
B. La conciliation entre liberté individuelle et nécessité thérapeutique
L’avocat de la patiente a plaidé la mainlevée en soulignant l’état apparent de sa cliente et en formulant une interrogation singulière : « J’en viens presque à me demander si ce n’est pas la réalité ». Cette remarque, consignée dans l’ordonnance, traduit la difficulté pour le défenseur d’appréhender la frontière entre symptôme pathologique et perception subjective.
Le magistrat n’a pas retenu cette argumentation. Sa décision repose sur les éléments médicaux du dossier plutôt que sur l’impression produite par la patiente lors de l’audience. Cette approche est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui exige du juge qu’il motive sa décision au regard des certificats médicaux versés au dossier.
La brièveté de la motivation sur le fond peut néanmoins interroger. L’ordonnance ne détaille pas le contenu des certificats médicaux ni les éléments précis ayant conduit à retenir la persistance du syndrome délirant. Cette sobriété motivationnelle, si elle est admise par la pratique judiciaire, pourrait fragiliser la décision en cas d’appel.
La mesure de soins contraints pourra ainsi se poursuivre, la patiente conservant la faculté d’interjeter appel dans un délai de dix jours. Le recours n’étant pas suspensif, seul le procureur de la République peut solliciter du premier président qu’il lui confère cet effet. Cette dissymétrie procédurale traduit la primauté accordée par le législateur à la continuité des soins sur l’immédiateté de la protection juridictionnelle.