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Le traitement du surendettement des particuliers constitue un mécanisme protecteur destiné à offrir une seconde chance aux débiteurs en difficulté. Le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 13 juin 2025 illustre les limites de ce dispositif lorsque le débiteur dispose d’un patrimoine immobilier.
Une personne physique avait saisi la commission de surendettement des particuliers de Paris afin de bénéficier du traitement de sa situation. La commission avait déclaré son dossier irrecevable le 10 janvier 2025, relevant que la débitrice était propriétaire d’une résidence secondaire dont la valeur excédait son endettement total. Cette décision fut notifiée le 17 janvier 2025 et contestée le 27 janvier suivant.
Devant le juge des contentieux de la protection, la débitrice expliquait que le bien immobilier litigieux dépendait d’une succession comportant cinq héritiers. Elle précisait ne pas souhaiter vendre ce bien afin d’y résider lors de sa retraite. Le magistrat lui accorda un délai pour justifier de la succession en cours et de la valeur réelle du bien. La débitrice ne produisit aucune pièce dans ce délai.
Le juge devait déterminer si une personne propriétaire indivise d’un bien immobilier dont la valeur excède son passif peut être déclarée recevable à la procédure de surendettement.
Le tribunal déclara le recours recevable car formé dans le délai légal de quinze jours. Sur le fond, il confirma l’irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement. Le juge releva que « compte tenu de la valeur du bien immobilier et de son endettement », la débitrice « n’est pas en situation de surendettement ».
La décision retient l’attention en ce qu’elle précise les conditions d’appréciation du surendettement en présence d’un patrimoine immobilier indivis (I) et met en lumière les conséquences de la carence probatoire du débiteur (II).
I. L’appréciation du surendettement en présence d’un patrimoine immobilier indivis
Le juge rappelle la définition légale du surendettement avant d’en tirer les conséquences quant à la prise en compte du patrimoine du débiteur (A), puis examine la situation particulière de l’indivision successorale (B).
A. La condition d’impossibilité manifeste de faire face aux dettes
Le tribunal fonde son analyse sur les articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de la consommation. Ces textes définissent le surendettement comme « l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes exigibles ou à échoir ». Cette impossibilité doit s’apprécier au regard de l’ensemble des ressources et du patrimoine du débiteur.
En l’espèce, l’endettement total s’élevait à 69 802,66 euros. La débitrice percevait un salaire mensuel de 2 169,54 euros et dégageait une capacité de remboursement de 658,58 euros après déduction des charges. Cette capacité demeurait toutefois insuffisante pour apurer la dette dans un délai raisonnable par les seuls revenus.
Le juge intègre alors l’actif patrimonial dans son appréciation. Le bien immobilier avait été évalué à 250 000 euros par la commission. Même en retenant une quote-part indivise, la valeur patrimoniale de la débitrice excédait manifestement son passif. Cette approche globale traduit la conception objective du surendettement retenue par le législateur.
B. La particularité de l’indivision successorale
La débitrice invoquait le caractère indivis du bien immobilier pour contester la décision d’irrecevabilité. Elle soutenait que le bien dépendait d’une succession comportant cinq héritiers, ce qui réduisait d’autant sa quote-part.
Cette argumentation soulevait une difficulté juridique réelle. L’article 815 du code civil dispose que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Le débiteur indivis peut donc solliciter le partage ou la licitation pour réaliser son actif. La jurisprudence de la Cour de cassation admet que la valeur des droits indivis doit être prise en compte dans l’appréciation du surendettement.
Cependant, le juge relève que « malgré le délai accordé à cette fin, elle n’a produit aucun élément permettant de contredire la valeur retenue et d’établir le nombre d’héritiers ». L’argument tiré de l’indivision successorale demeurait ainsi purement allégué, sans support probatoire.
II. Les conséquences de la carence probatoire du débiteur
Le jugement illustre l’importance de la charge de la preuve dans le contentieux du surendettement (A) et invite à s’interroger sur les perspectives offertes au débiteur (B).
A. Le maintien de l’évaluation de la commission en l’absence de preuve contraire
Le juge rappelle que « la bonne foi est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver », conformément à l’article 2274 du code civil. Cette présomption favorable au débiteur ne dispense toutefois pas celui-ci d’établir les éléments de fait qu’il invoque.
La débitrice contestait tant la valeur du bien que le nombre d’héritiers retenus par la commission. Le tribunal lui avait accordé un délai pour produire les justificatifs nécessaires. Son abstention totale emportait des conséquences processuelles défavorables.
Le juge retient la valeur de 250 000 euros fixée par la commission, faute d’élément contraire. Cette solution s’inscrit dans la logique probatoire du procès civil. L’article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. La débitrice, qui entendait voir réduire la valeur de son patrimoine, supportait la charge de cette preuve.
B. Les perspectives contentieuses et patrimoniales du débiteur
Le rejet de la demande de traitement du surendettement ne prive pas définitivement la débitrice de toute solution. Plusieurs voies demeurent ouvertes.
Sur le plan successoral, la débitrice pourrait solliciter le partage judiciaire de l’indivision. L’article 840 du code civil permet à tout indivisaire de provoquer le partage. Cette procédure clarifierait ses droits et permettrait soit d’obtenir le bien par attribution préférentielle, soit de percevoir une soulte. La réalisation de cet actif permettrait d’apurer tout ou partie du passif.
La débitrice conserve également la faculté de déposer un nouveau dossier de surendettement si sa situation évolue. Une modification de la valeur du bien, la réalisation du partage ou une dégradation de ses ressources pourraient justifier une nouvelle saisine de la commission.
Le jugement commenté rappelle que la procédure de surendettement n’a pas vocation à permettre au débiteur de préserver son patrimoine tout en bénéficiant d’un effacement de ses dettes. L’existence d’un actif réalisable suffisant pour désintéresser les créanciers exclut logiquement le bénéfice de ce dispositif protecteur.